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Samedi 5 juin 1999. 15h30. Court central de Roland-Garros. Finale dames. Sur la photo d'avant-match, cinq centimètres séparent Steffi Graf, l'Allemande, de Martina Hingis, la Suissesse; cinq centimètres, onze ans et quinze tournois du Grand Chelem. Cette dernière finale féminine du French Open du millénaire est une bataille suprême : une bataille sportive, psychologique, où larmes, émotions, caprices et service à la cuillère ont toute leur place... Voici son histoire précise.
Cher Arnaud Jamin,
la procrastination que j’élève, chaque jour, au rang d’un art à part entière, produit sur moi un phénomène inattendu. Je deviens bâtisseur. Oui, je construis, je suis architecte d’un monument toujours plus haut, plus grand, plus impressionnant. Cette méga structure, je l’ai nommée : “Ma pile de livres à lire”. J’en rajoute un, presque quotidiennement. Je m’assure, régulièrement, par de rapides vérifications techniques qu’elle ne va pas vaciller et s’écrouler comme un vulgaire château de cartes. Le plus beau serait peut-être, qu’elle s’échoue sur moi. “Mort enseveli sous une pile de livres à lire” inscrirait-on alors, comme épitaphe sur ma tombe. La grande classe !
Mais avant d’en arriver là, c’est en réécoutant le dernier épisode “des éclaireurs”, que me vient, soudainement l’idée, de tirer, très délicatement (pour ne pas faire trembler ce monstre de papiers), votre ouvrage : “le caprice Hingis”. Et je me flagellai en me disant que j’aurais dû le lire plutôt, au regard de la nationalité de la joueuse en question et le pays d’origine de ce quotidien qui me fait l’honneur de m’accueillir en son sein.
Sachez, cher Arnaud Jamin, que j’aime à murmurer les mots tapés sur le clavier. Et je nota en le lisant, une certaine musicalité dans ce titre : “le caprice Hingis”.
Ça sonne comme le titre d’une chanson, fredonnée dans les allées de Roland un 5 juin 1999. “Le caprice Hingis”, c’est comme un sacrifice vécu jusqu’à l’hallali. Les chiens ont été lâchés, au bord du précipice. “Le caprice Hingis” est une mise à mort. Le corps meurtrit, les plaies béantes, un genou sur la terre, battue par les vents de la colère d’un public enragé qui a choisi son camp. La bête suffocante ne se relèvera pas. On brandira, une nouvelle fois les oreilles et la queue d’une petite suisse au “caprice d’Hingis”.
“Le caprice Hingis” comme un maléfice. Les fées se sont penchées sur le berceau de la jeune Martina. Elle gagnera, oui, beaucoup, mais pas ce tournoi, pas là, pas maintenant. “Le caprice Hingis” comme un calice bu, jusqu’à la lie. “Le caprice Hingins”, comme un supplice !
Mais “au caprice Hingis” se lève un souffle nouveau, celui de la révolte. Celui de vouloir casser les codes bien habillés et bien établis du monde du tennis. Qu’importe : “le filet tu ne dois pas franchir”. “Au caprice d’Hingis” on aime tout envoyer en l’air, les principes, les traditions, les règles, le protocole, la table des commandements. Ce n’est pas une révolte, Sir, c’est une révolution.
Sur ce, je vous laisse, cher Arnaud Jamin, à vos nombreuses occupations. Et je m’en vais remettre votre ouvrage, très délicatement dans une autre structure en perpétuelle construction : “ma pile de livres lus”.
Sébastien Beaujault
“le caprice Hingins”
Arnaud Jamin
Editions Salto
Arnaud Jamin a-t-il, comme moi, regardé un nombre incalculable de fois, sur cassette VHS, la finale Graf/Hingis de 1999 ? Il ne le dit pas dans son livre, mais pour nous lecteurs, il en fait vingt ans après un récit minutieux, amoureux et clairvoyant.
A moins de ne vraiment pas s'intéresser au tennis, on sait comment ça va finir, qui va repartir avec l'assiette humiliante de la perdante, l'accessoire de celle qui ferait mieux de rester dans la cuisine de sa maison. Ce drame, cette guerre, ce thriller, c'est l'histoire de deux femmes (l'une est encore une enfant) qui « se poignardent yeux dans les yeux ». Ce n'est plus du sport. Le sang de la plus jeune sera versé, un peu par sa faute, à cause de l'arbitre aussi, à cause de la foule surtout. Cette foule haineuse rappelle celle décrite par Jean Teulé dans Mangez-le si vous voulez (dans Le caprice Hingis, c'est une jeune spécialité suisse que le public va dévorer).
Puisqu'il n'en fait pas état, et qu'il nourrit une certaine affection pour Martina Hingis, on peut penser qu'Arnaud Jamin ne faisait pas partie du Club international des supporters de Steffi Graf. Ceux qui en ont fait partie, et ont reçu leurs publications périodiques, peuvent témoigner de la quasi-haine des supporters de l'Allemande envers Martina. Cela tient sans doute à une forme de manque de respect de la Suissesse envers l'Allemande. Martina soulignait plutôt en interviews sa passion pour Navratilova, Graf n'étant donc pas à ses yeux la star incontestée. Sacrilège pour les fans invétérés de l'Allemande ! Or les animateurs du Club des supporters étaient bien dans les tribunes ce samedi-là, avec leurs drapeaux, et leurs cris. Ils ont même peut-être été à l'origine de l'embrasement du Central ce jour-là, même si le reste du public n'avait pas besoin de leurs encouragements pour conspuer Hingis, puisque les attaques verbales de cette dernière contre Mauresmo étaient encore dans tous les esprits. Il fallait donc punir Hingis, la mettre à mort tout simplement. En fait de caprice de la joueuse, c'est d'un infanticide qu'il s'agit ici.
On signalera que l'auteur évoque un double-break d'avance pour Hingis à 3-1 dans la deuxième manche. N'est-ce pas un simple break ? Bon, ne chipotons pas, ce livre ne vous décevra pas. Pour prolonger la lecture, et rester dans le thème, on conseillera Open d'André Agassi, et Le revers de Richard Gasquet par Jean Palliano.
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