Encore plus de découvertes, auteurs à suivre et lectures indispensables
C'est l'Amérique des années 1930. Celle de la Prohibition, du suprémacisme blanc, de la misère qui a jeté des millions d'affamés sur les routes. Quand ils ne voyagent pas agrippés sous un train, de ceux dont la conquête de l'Ouest a pavé le pays et qui mènent à présent jusqu'au Pacifique. Et cet horizon-là, celui des rivages de la Californie, prometteurs d'un avenir doré, c'est celui de deux hommes, d'une femme et d'un enfant. Milton, le rejeton prodigue qui a rompu les ponts avec sa richissime famille ; Arthur, le vétéran de la guerre des Boers et des tranchées de la Somme, qui porte le poids de crimes impardonnables ; Pekka, née le jour où sa mère posait le pied sur le sol de New York et qui change de nom à chaque fois qu'elle veut changer de vie ; Nathan, enfin, le fils de l'Explosion, qui fuit le mal et le retrouve où qu'il aille. Ces quatre destins prodigieux s'entrecroisent autour d'un moment unique qui les réunit tous : l'explosion de la ville d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 6 décembre 1917, la plus terrible dévastation causée par l'homme avant l'ère nucléaire.
Valentine Imhof, révélée par ses deux romans noirs : Par les rafales (2018) et Zippo (2019), nous emporte à travers le blizzard, les coups du sort, les renaissances, les échecs, les chagrins effroyables, les espoirs fous, sur les lignes de vie de ces magnifiques passagers d'Amérique.
Encore plus de découvertes, auteurs à suivre et lectures indispensables
J’avais lu il y a quelques années « Par les rafales » de Valentine Imhof. Le prix Polar+ a été l’occasion de retrouver l’autrice puisque « Le blues des phalènes » fait partie de la sélection.
J’ai été tout de suite happée par ce que propose l’autrice. Elle nous met en présence de quatre personnages, Milton, Pekka, Anthony et le jeune Nathan. Tous ont un lien, parfois ténu, et tous sont hantés par la mort. Tous font aussi partie de cette Amérique de la marge – celle des vétérans, des mineurs, des prostituées, des freaks, des travailleurs pauvres. Tous enfin, ont un rapport avec la grande explosion qui a eu lieu à Halifax, au Canada, en 1917.
L’écriture est superbe, avec beaucoup de profondeur, et surtout de réalisme, j’avais vraiment l’impression de lire un roman américain et j’ai plongé dans les scènes décrites par l’autrice.
Pourtant il n’est pas facile de s’y retrouver : on passe d’un personnage à l’autre, d’une époque à l’autre (entre la Grande Guerre et le milieu des années 30), sans logique temporelle ou narrative… et la déstructuration m’a laissé un petit goût d’inachevé (ou plutôt la sensation d’avoir besoin de relire le roman pour bien remettre toutes les pièces du puzzle en place) même si la construction est intéressante et le style, vraiment réussi.
J’ai cependant beaucoup aimé ce livre sombre, riche, puissant, qui m’a emmenée à la rencontre de faits historiques que je ne connaissais pas (la fameuse explosion susnommée, l’exposition universelle de Chicago et son homme de verre, la grève des dockers de San Francisco …)
Une excellente surprise.
Dans l’Amérique des années trente, quatre destins nous emportent dans la tourmente de la Grande Dépression, alors que des millions de misérables se sont lancés sur les routes dans l’espoir d’un avenir meilleur : Milton a rompu avec sa riche famille de banquiers et d’industriels ; Arthur traîne son trouble et lourd passé de vétéran de guerre ; Pekka ne cesse de changer d’identité pour tenter d’échapper à sa triste condition ; l’adolescent Nathan s’accroche à qui il peut dans son errance à travers le pays.
Tout commence dans la ville canadienne de Halifax, lorsqu’en 1917, la collision entre deux navires, dont l’un chargé de munitions à destination de la guerre en Europe, fait sauter la ville en ce qui restera la plus puissante explosion d’origine humaine jusqu’aux bombes atomiques de 1945. Non contente de bousculer à jamais la destinée des rares survivants, la déflagration semble générer une onde de choc infinie dans la vie des personnages du roman, embarqués dans une inexorable glissade vers un malheur sans cesse réinventé.
En 1933, tandis que l’Exposition Universelle de Chicago vante un siècle de progrès pour la glorieuse Amérique, le pays touche en réalité le fond après quatre ans de crise sans précédent. Le chômage frappe un quart de la population et prive de toit des centaines de milliers de familles. Exploités dans d’infernales conditions, en particulier dans les vergers californiens, les ouvriers sont tentés de rejoindre des syndicats. Des marches de protestation s’organisent, comme celle, en 1932, des anciens combattants réclamant, en raison de la crise, le paiement immédiat de la prime qui leur était promise pour 1945. Crispés jusqu’à la paranoïa par la peur du communisme et du désordre intérieur, politiciens et suprémacistes blancs réagissent par la répression violente, tandis que racisme, antisémitisme et sympathies fascisantes viennent empoisonner un peu plus l’atmosphère explosive d’un pays englué dans le désespoir.
C’est une fresque foisonnante que construit, par touches impressionnistes, ce récit éclaté en multiples rebonds, dans le temps et entre ses personnages. De l’explosion de Halifax à la crise de 1929, en passant par les conflits armés et par la violence sociale, émerge l’impression quasi apocalyptique d’un espace de vie transformé en champ de désolation par des déflagrations en chaîne. Nul espoir ne vient éclairer ces destins, comme brisés dans l’oeuf et inexorablement martelés par le malheur. Une fatalité pesante les condamne : celle de l’indifférence et de la peur des plus riches et des plus puissants, anxieux du maintien de l’ordre de leur univers privilégié, au point de fraterniser avec les penchants les plus obscurs du racisme, du fascisme et de l’autoritarisme.
Nombreux sont les faits méconnus et saisissants qui viennent émailler cette reconstitution historique dense et impressionnante, servie par une narration fluide, incisive et engagée. Un très beau roman, terriblement noir, qui m’a donné envie de relire Les raisins de la colère.
Valentine Imhof m’avait impressionné avec son précédent roman tout en noirceur, aussi envoutant que perturbant. J’étais assez impatient de me plonger dans sa nouvelle aventure.
Le récit ne suit aucune logique temporelle ou scénaristique. La narration est éclatée, parfois confuse et passe d’un protagoniste à un autre, d’une époque à une autre, sans véritable lien. Il faut donc vraiment s’impliquer dans la lecture pour appréhender la profondeur du sujet.
J’ai appris beaucoup de choses sur l’Histoire américaine, avec des évènements que l’on a peu relatés. J’ai découvert la terrible explosion d’Halifax et les grèves syndicales suite à la crise de 1929. Mais le but de l’autrice n’est pas dans les péripéties, il se trouve dans le ressenti des personnages. Ce sont des êtres lambdas et on vit les situations par leurs yeux et à travers leur esprit.
L’écrivaine veut nous parler d’un lieu et d’une période, par le prisme de ceux qui l’ont habités. En entrant dans le psychisme de ces hommes et de ces femmes, elle s’intéresse aux conséquences des grands drames sur la population. L’Histoire n’est qu’une toile de fond sur laquelle s’écrit le sort des petites gens.
L’atmosphère est morne, les quatre destins sont écorchés et malmenés par la vie. On évolue avec eux dans ce tunnel noir, en ressentant leurs tristesses, leurs désespoirs, leurs fatigues, leurs petites joies. On participe à ces destinées brisées par la dure réalité de l’époque.
L’autrice montre avec ce roman que son talent est protéiforme. Elle sait l’adapter à des récits complètement différents. Sa plume, d’une qualité supérieure et exigeante, produit à chaque fois son effet. Sur un rythme lent et obsédant, elle nous procure une approche sociologique qui fait appel à tous les sens. La lecture d’un livre de Valentine Imhof est une expérience que je conseille à tous ceux qui sont en recherche d’une littérature ambitieuse.
https://leslivresdek79.wordpress.com/2022/01/12/725-valentine-imhof-le-blues-des-phalenes/
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