Dans ces conseils de libraire" spécial rentée littéraire janvier 2016, Colette Keber de la librairie "Les cahiers de Colette" à Paris nous présente ses coups de cœur
« Joseph Djougachvili, dit Staline, surnommé Sosso dans les premières années de sa vie, est né en Géorgie, à Gori, en 1878. Quelques années plus tard, à quelques rues de là, naissait un autre Joseph, Davrichachvili, ou Davrichewy. » Dès les premières lignes de son nouveau livre, Kéthévane Davrichewy avertit son lecteur : la mémoire familiale en sera la matière. Mais, quand son arrière-grand-père a grandi avec Staline, l'histoire intime prend très vite une dimension vertigineuse.
Avec sobriété et naturel, la romancière entre de plain-pied dans l'enfance de « l'autre Joseph » : fils du préfet de Gori, il est élevé au milieu des gamins des rues, fascinés comme lui par les légendes bibliques et les bandits caucasiens. Même s'il partage avec le petit Djougachvili des rêves d'héroïsme et de grandeur, son camarade - exalté, batailleur et arrogant - l'agace. D'autant qu'on ne cesse de souligner leur ressemblance physique, frappante en effet. Des rumeurs ne circulent-elles pas sur une liaison entre le préfet Davrichewy et la mère de Sosso ?
Jusqu'à la révolution de 1905, où les ardents activistes que sont devenus les deux Joseph combattront côte à côte, leurs destins s'écrivent en parallèle. Tous deux poursuivent leur scolarité à Tiflis : Sosso au séminaire, où il s'avère une agitateur notoire ; Joseph au collège, où il prend sous sa protection un garçon romantique et malingre, Lev Rosenfeld, le futur Kamenev. Alors que Sosso est envoyé en prison, puis exilé en Sibérie, Joseph part étudier à Paris, bouillonnant d'idées révolutionnaires. Quand ils se retrouvent à Tiflis, Joseph se bat pour une Géorgie indépendante, alors que Sosso le Bolchevik a d'autres visées. La distance se creuse, nourrie par les anciennes rivalités.
Comme autant de ponctuations rythmant les tumultueuses aventures des deux jeunes gens, des chapitres plus personnels interrogent le destin familial : qu'en aurait-il été des Davrichewy si, depuis sa tendre enfance, Joseph n'avait pas été obligé de prendre en compte son encombrant camarade - et supposé demi-frère ?
Dans sa passionnante enquête sur son mystérieux arrière-grand-père, l'écrivain s'empare de l'histoire pour la mettre à sa vraie place : dans sa vie. Les dernières pages de son roman éclairent de manière bouleversante la dédicace à son propre père.
Dans ces conseils de libraire" spécial rentée littéraire janvier 2016, Colette Keber de la librairie "Les cahiers de Colette" à Paris nous présente ses coups de cœur
Fresque très réussie de l’époque prérévolutionnaire russe alliant faits réels et fiction.
Au plus près de la réalité, l’auteur rédige une biographie de son arrière-grand-père Joseph Davrichewy né à Gori en Géorgie en s’appuyant sur les bribes d’une mémoire familiale, les écrits de son aïeul et l’Histoire telle qu’elle nous est rapportée.
A Gori, dans le même temps, en 1878, nait Joseph Staline, surnommé enfant, Sosso. L’illustration de son milieu familial, de son enfance et de sa jeunesse rapportée dans les mémoires de son camarade de classe et voisin de quartier, Joseph Davrichewy, aide à déchiffrer et comprendre la personnalité du leader violent, dénué d’empathie, habité par la jalousie, insupportant la rivalité, venimeux face à toute autorité, sournois, calculateur, écorché vif, méfiant pour ne pas dire paranoïaque et meneur d’hommes qu’est devenu Staline.
Ces deux-là n’auront de cesse de se mesurer que ce soit à l’école, sur les terrains de jeux puis lors de leur adolescence chahutée par un air de changement. Tout jeunes gens, malgré leurs différends, ils vont se lancer ensemble à corps perdus dans la révolte puis, ce qui sera la révolution.
Sosso deviendra Staline quand Joseph tout autant activiste sera évincé et s’exilera en Espagne et en France où il finira ses jours après avoir participé aux deux guerres mondiales en tant que résistant, espion, et pionnier de l’aviation.
De Gori à Paris, le texte va monter en puissance. Le travail de recherche historique est à saluer. En faisant croiser ces deux destins hors du commun qui ont participé à faire changer la face du monde, l’auteure n’oublie pas pour autant d’y faire vibrer l’émotion d’un hommage à la mémoire de sa famille et de la Géorgie.
D’une écriture sobre et appliquée, le roman que nous livre Kéthévane Davrichewy est passionnant.
Avec « La mer noire », j’ai escaladé le versant maternel de l’ascendance de Kéthévane Davrichewy et découvert une belle plume. Là, j’aborde le côté paternel.
« Joseph Djougachvili, dit Staline, surnommé Sosso, dans les premières années de sa vie, est né en Géorgie, à Gori, en 1877. Quelques années plus tard, à quelques rue de là, naissait un autre Joseph, Davrichachvili, ou Davrichewy. » Ainsi débute le livre. L’autre Joseph, le second est l’arrière grand-père de l’auteur.
Kéthévane Davrichewy aurait du sang de Staline ! Comme dans beaucoup de lignées, les enfants adultérins existent. Il y a des exemples célèbres, en voici un de plus.
Oh, Zazy, qu’est-ce que tu racontes ?? Mais si, Sosso et Joseph seraient demi-frères par la grâce du père, pas le tout-puissant, mais, le père de Joseph.
Les deux Joseph se ressemblent et cela jase dans le village. Madame Davrichachvili s’arrange pour ne jamais être présente lorsque a mère de Staline est présente.
Luttes, jalousie jalonnent la vie des deux garçons. Ils furent pilleurs de banque, révolutionnaires et… Sosso devient Staline. L’autre Joseph abandonne femme et enfant en Géorgie et s’exile en France où il devient « pionnier de l'aviation, engagé pour la France en 1914, agent secret, ami ou amant de Marthe Richard ».
Le père, préfet de Gori, semble avoir plus d’inclination pour l’aîné, le futur Staline et l’impression que Joseph est toujours dans la recherche de la reconnaissance et de l’amour paternel
Imaginez la scène : vous rencontrez Staline et vous lui dites : Bonjour Sosso ! Comment le prendrait-il ??
Kéthévane Davrichewy a enquêté pour trouver des traces de ce chaînon manquant, elle en parle dans quelques apartés au cœur de l’histoire qu’elle a inventée, à partir de faits avérés. Elle nous fait traverser les débuts de la révolution géorgienne, le soulèvement, la naissance de Staline. A partir de ses recherches familiales, l’auteur a imaginé la vie de cet aïeul. Un homme qui a connu mille aventures, auteur de « Ah ! Ce qu'on rigolait bien avec mon copain Staline ».
Un livre plus âpre, moins dans l’émotion que « La mer noire ». Une belle tranche d’histoire que l’auteur narre avec son talent et son écriture fine.
Ce roman comme un arbre généalogique ; une intense introspection dans cette histoire familiale, l’histoire des Davrichewy – Davrichachvili, mélangée à l’histoire de la Géorgie (et de la Russie). La petite histoire qui prend le pas sur la Grande, celle à qui l’on octroie un H majuscule. La petite histoire qui prend le pas sur la Grande : Déjà, le titre le dit. L’autre Joseph ; titre magnifique et émouvant ; mystérieux.
Parce que le héros de Kéthévane Davrichewy ne sera pas cette figure historique emblématique, son héros à elle sera son arrière-grand-père, son Joseph à elle, celui qui sera sans doute le point de départ de sa propre histoire, le taiseux qui laissera des traces indélébiles dans l’histoire de toute cette famille.
« Joseph est le héros d’une histoire qui nous file entre les doigts. » (p.84)
Ces deux Joseph –Joseph Davrichewy et Joseph Staline- ont grandi ensemble, se sont battus, détestés, jalousés. Il se pourrait même que Sosso (Joseph Staline) soit son demi-frère : Plus âgé mais plus petit physiquement. Pourtant, dès les premières pages, le lecteur peut sentir la force et le pouvoir que Sosso a (et aura !) sur ses camarades, ce qui est particulièrement bien retranscrit dans les passages où l’on entend Joseph penser… Toutes ces rancœurs, ces colères, ces injustices qu’il garde à l’intérieur de lui.
« Ces légendes m’intéressent bien plus que toi, lance-t-il à Joseph, tu es trop petit pour les comprendre.
Je parais plus vieux que toi, pense Joseph, mais il garde le silence. Non seulement il fait la même taille que Sosso, mais ses épaules sont plus larges, pour qui se prend-il ? » (pp.23-24)
Et c’est avec beaucoup d’émotion que l’on voit la vie de Joseph défiler, faite d’incroyables péripéties, d’engagement politique : Une vie de révolutionnaire qui sacrifie son histoire personnelle pour se consacrer à l’histoire de son pays, la Géorgie, dont il souhaitera l’indépendance jusqu’au bout. Destin incroyable qui aura forcément une répercussion sur la lignée à venir : Grâce à trois chapitres plus personnels, visibles très rapidement par la police d’écriture différente, on sent à quel point cet arrière-grand-père, « Le » grand-père pour d’autres, n’aura eu de cesse de s’immiscer dans l’âme même de ses descendants. Trois chapitres qui sont aussi une manière pour l’auteure –vraisemblablement- de rendre un bel hommage à son père.
Ce roman comme une nécessité : Rechercher, comprendre, deviner, imaginer la vie de son arrière-grand-père pour mieux se trouver elle-même, tout cela avec une pudeur saisissante, une apparente distance qui fait la force de ce dernier roman. Et là n’est-elle pas notre quête à tous ?
A chaque fois une belle découverte pour moi.
(Chronique qui vient de mon blog. Lien : https://unbouquindanslapocheblog.wordpress.com/2016/06/06/lautre-joseph-kethevane-davrichewy/ )
L'autre Joseph, c'est l'arrière-grand-père de l'auteure, condisciple et supposé demi-frère de Joseph « Sosso » Dchougachvili, alias Staline.
Kethevane Davrichewy s'appuie sur la ressemblance avérée entre les deux Joseph, leur enfance à Gori, en Géorgie, et la bienveillance troublante du père de Joseph envers « Sosso » pour assumer comme d’autres avant elle, que son arrière-grand-père était probablement le demi-frère du futur dirigeant tout-puissant de l’empire soviétique.
Les éléments tangibles manquant cruellement, elle mène une enquête qui prend racine à Gori à la fin du 19e siècle lorsque le futur Staline, déjà chef de bande, menait la vie dure à Joseph.
Je ne peux pas dire que j’ai été passionné par ce document-roman qui tisse une toile pleine de trous autour du fameux arrière-grand-père, mais j’ai bien aimé découvrir cette Géorgie fière et nationaliste qui refusait le joug et la domination russe.
Ce livre nous fait revivre les épisodes peu connus de l'enfance de Staline, à Gori en Géorgie, avec les grands mouvements de l'Histoire en toile de fond (guerre russo-turque de 1870, révolution de 1905 et montée en puissance de la sociale-démocratie). De plus, en retraçant la vie de Joseph, son arrière grand-père, l'auteure relie les fils de son histoire, ce qui lui permet de mieux comprendre son père (le dernier chapitre qui fait le lien est très réussi). Une histoire de famille dans une grande histoire. Un très beau livre que je vous conseille.
Ci-dessous quelques extraits concernant le personnage de Staline, qui côtoie Joseph pendant de longues années (à noter, Staline était surnommé Sosso, puis Koba) :
(p 135) "La façon dont il parle de Marx rappelle à Joseph la manière dont Sosso croyait en Dieu. Croire sans prendre de recul, songe-t-il. Le marxisme remplace la religion dans l'âme de Sosso"
(p 197) "Koba emploie des méthodes particulières pour s'imposer au Comité central révolutionnaire. Un jour où Bolcheviks et Mencheviks se tiennent dans la même pièce, il défend avec rage une proposition de sa milice. Celle-ci est rejetée, une autre revient à l'ordre du jour. Joseph voit Sosso s'éclipser tranquillement. Une fois dehors, il décharge son revolver à plusieurs reprises sur les volets de la salle. On croit à un attentat, on ajourne le vote et on prend la fuite. La proposition ne passe pas."
En Géorgie au début du siècle dernier, Staline avait un voisin. Staline avait un frère. Leur enfance et leur adolescence préfigure leur avenir et son rapport à l'histoire.
Roman passionant, très bien rythmé, en aucun cas didatictique ou partisan. On retrouve toute l'ambiguité d'une révolution dans un pays aussi immense que la Russie, qui a du mal à faire cohabiter à l'échelle des individus comme celles des peuples les caractères et les cultures, les traditions et les ambitions. On croise Kamenev, Trotsky, les Cosaques et aussi la révolution parisienne des réfugiés Russes prêts à bouleverser le monde. Un beau moment de littérature.
Quand la grande Histoire et l'histoire familiale s'entremêlent
Kéthévane Davrichewy tient ici, avec cet arrière grand-père, un sujet fabuleux. Elle a choisi la forme romancée pour tenter d'approcher son histoire "Il n'y a plus personne pour répondre à mes questions, je ne peux qu'inventer les réponses et faire de sa vie un roman".
Elle nous livre un récit de famille pas comme les autres puisque Joseph, son arrière grand-père paternel, a grandi avec un autre Joseph qui deviendra Staline.
Elle part à la découverte de son ascendance paternelle bien trouble. En effet, son père n'a pratiquement jamais rencontré cet arrière grand-père qui reste un personnage ténébreux, mystérieux et qui a mené une existence rocambolesque.
Né à la fin du XIXe siècle, Joseph est le fils du préfet de Gori, un village au pied des montagnes du Caucase en Géorgie. Le futur Staline, surnommé à l'époque Sosso, est le fils d'un cordonnier ivrogne et violent et d'une mère couturière qui travaille pour les parents de Joseph. Les deux jeunes garçons qui n'ont que quelques années d'écart, se côtoient quotidiennement, sont très vite rivaux d'autant plus qu'ils se ressemblent étrangement physiquement. Le bruit court que la mère de Sosso aurait eu une relation avec le père de Joseph. Pourraient-ils être demi-frères? Cette question traverse tout le livre.
Sosso quitte le village pour entrer au séminaire d'où il sera renvoyé, il s'engage alors dans la révolution, est emprisonné puis envoyé en Sibérie. Pendant ce temps, Joseph quitte le village pour le collège, va poursuivre ses études à Paris et revient en Géorgie où il devient chef de milice en lutte pour une Géorgie indépendante. "Moi, je voudrais simplement faire quelque chose pour la Géorgie, qu'on y vive mieux, qu'on nous laisse être géorgien"
C'est donc aux prémices de la révolution russe que nous convie l'auteur dans ce récit où l'on croise Kamenev, Trotski et tant d'autres...Le roman nous apprend aussi beaucoup de la situation de la Géorgie au début du 20ème siècle.
Dans ce récit, l'auteur intercale des chapitres plus personnels qui interrogent le destin familial : "Serait-il entré dans les services secrets français sans la terreur que lui inspirait Sosso devenu Staline? Aurait-il fini ses jours loin de son pays natal s'il avait pu y revenir, sans être immédiatement sollicité par son ancien camarade de jeux, roi du Kremlin?"
" Craignait-il Staline? Il est évident que la destinée de son camarade a forcément pesé sur toute sa vie. "
L'autre Joseph est un roman captivant sur les origines, sur la transmission familiale, les non-dits et sur les destins de deux hommes hors du commun.
L'auteur a trouvé la bonne distance pour imaginer la vie de son arrière grand-père et ses relations avec le futur Staline, elle termine son ouvrage par de très belles pages sur son propre père décédé dix ans plus tôt, son père qui a dû se construire avec le passé de ce grand-père.
J'ai juste regretté qu'elle ait limité son récit à l'enfance et à la vie de jeunes adultes des deux Joseph, je brûlais d'envie d'en savoir plus sur la suite de leur vie.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/02/lautre-joseph-de-kethevane-davrichewy.html
L’autre Joseph raconte la jeunesse de l’arrière grand-père de Davrichewy (personnage incroyablement romanesque) et de Sosso devenu Staline. On les suppose demi-frères, ils ont grandi dans le même village, sont devenus révolutionnaires, leur rivalité était quotidienne. L’un fut exilé en Sibérie, quand l’autre partit étudier à Paris : deux destins. Enlevé, subtil, L’autre Joseph est une formidable enquête familiale. PS : J. Davrichewy écrivit ses mémoires qu’il intitula : Ah ce qu’on rigolait bien avec mon copain Staline…
A la fois troublant et captivant pour le lecteur, l'auteur joue avec la frontière entre vérité historique et romanesque. Très bon livre.
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