Une galerie de personnages, sans liens apparents entre eux, dont les destins vont s'entrecroiser...
Entre les années 1990 et 2010, entre le brumeux Morvan et l'aveuglant Hollywood, entre les vignes françaises et les paysages désertiques américains, une quinzaine de personnages se croisent, se fréquentent, lient parfois leurs destinées. Un vieil homme hanté par son passé sous l'occupation, une mère tiraillée entre ses racines et sa liaison avec un riche producteur de cinéma, un étudiant décadent, une étoile montante, un immigré mexicain qui croit au rêve américain, une victime d'attentat, un agent du FBI... Leurs ambitions cohabitent avec le mensonge et la fatalité les attend au tournant. À travers cette galerie de portraits et cette diversité de destins, l'auteur s'interroge sur la notion de hasard, d'échec et de réussite, d'amour et de solitude, et livre une fine analyse de l'âme humaine.
Une galerie de personnages, sans liens apparents entre eux, dont les destins vont s'entrecroiser...
Le jury de la 16e édition, présidé par Jean-Christophe Rufin, a délibéré
Une histoire prenante et complexe qui se déroule dans différents milieux sociaux sur plusieurs années et sur plusieurs continents. L'écriture est fluide. Les personnages ne nous quittent pas lorsque l'on a terminé le livre.
Je ne connaissais pas cet auteur. Une belle découverte.
Il est tentant d’utiliser la notion de vies parallèles en littérature lorsque les personnages d’un roman évoluent de manière indépendante et dans des contextes différents. Comme s’ils avançaient en ligne droite, prisonniers de leur trajectoire, sans conscience des destinées voisines. Sauf que “parfois, tout converge.”
Dans ce gros livre, Édouard Jousselin nous balade de 1993 à 2018, du village de Quarré-les-Tombes à l’État de l’Oklahoma, de Mitterrand à Trump, du terrorisme à la littérature, de la vie aux morts. On suit les parcours d’une myriade de personnages entre la France et les États-Unis : un ancien résistant, un migrant mexicain, une mère épuisée, un professeur en criminologie, un écrivain, une étudiante en lettres modernes, un producteur hollywoodien… Chacun espère être du bon côté, celui des gagnants. “Vous savez, on croit toujours que nos racines sont ailleurs et puis un jour, vous vous rendez compte que vous n’êtes pas plus de là-bas que d’ici.” Et pendant que le monde avance, toutes ces lignes de vies s’attirent, se croisent ou s’éloignent. L’une traverse l’océan pour étudier le français à Paris. L’autre quitte une famille pour rejoindre un amant à Los Angeles. Sous nos yeux, une sorte de modèle mathématique semble se mettre en place - “qui a hauteur d’intelligence humaine n’est qu’éparpillement.”
Il n’y a jamais eu d’histoires parallèles. Ce qui rassemble, ce n’est pas le mariage, la famille, l’amour. Ce n’est pas l’Histoire ou les souvenirs. C’est autre chose. Quelque chose qui s’agite dans les secrets et les mensonges. Un flux qui quadrille le globe et qui parfois nous traverse. Une variable difficile à maîtriser, sauf pour Édouard Jousselin.
Le roman s’ouvre sur un accident de voiture en Californie. Puis nous suivons différents personnages avant l’accident, des années avant.
Il y a la famille d’Isabelle : son mari Dominique, sa fille aînée Marine et son fils Max. Son père Lucien, ancien résistant.
Il y a la famille de Steve et Tyler dont le père est devenu manchot suite à l’attentat d’Oklahoma City.
Il y a Jessica étudiante américaine en français et Benjamin son colocataire qui étudie les tueurs en série.
Il y a Thierry, le copain de Dominique fan absolu de l’A.J. Auxerre.
Il y a Bruno le producteur de film qui tombe amoureux d’Isabelle. Ils partent vivre aux Etats-Unis.
Il y a l’émigré mexicain dont la petite fille et morte, la femme reparti au Mexique, et lui devenu vigile d’un lotissement, puis naturalisé.
Il y a Clarisse qui couche avec Max et qui veut devenir actrice, quitte à commencer dans la télé-réalité.
Il y a le film The Last Fighters, block-buster que tous les personnages vont regarder à un moment où à un autre.
Il y a la légende de Saint-Georges présente partout dans le monde.
Il y a les cimetières omniprésents : Lucien habite à côté de celui de Quarré-les-Tombes (le nom de son village), et Benjamin travaillera au FBI dont les bureaux sont situés à côté d’un cimetière.
Il y a surtout beaucoup de détails qui ont fait que j’ai terminé ma lecture en vitesse rapide, comme parfois on le fait avec un film.
L’image que je retiendrai :
Celle des oiseaux, présents sur certaines scènes, comme apportant une touche de couleur par-ci par-là.
https://alexmotamots.fr/la-geometrie-des-possibles-edouard-jousselin/
La 4ème de couverture annonce un roman choral où on va chercher le fil invisible reliant de multiples personnages. « Des forces mystérieuses tressent leurs vies pour les plonger dans la tourmente, hantées par l’ironie de l’Histoire, son cours impitoyable. » L’ambition, le mensonge, la fatalité les attendent au tournant. Il est ensuite question de ce deuxième roman, qualifié d’audacieux et addictif, confirmant le talent d’Édouard Jousselin. Avant l’envolée lyrique qui en promet trop à mon avis : « Sous sa plume se déploie une œuvre-monde foisonnante, chronique vertigineuse de notre époque. »
A ce stade j’étais plutôt inquiet. Il faudrait éviter de lire les 4ème de couverture et celle-ci particulièrement.
Heureusement c’était le premier roman choral lu dans le cadre du Prix du livre Orange. Il y en avait plusieurs. Ce type de roman, s’il confirme le talent des auteurs pour entremêler des histoires, n’est pas le plus facile à lire, encore moins à analyser puisqu’on est très occupé à suivre les personnages. Ici on fait la connaissance avec une belle brochette d’individus originaires de France (Morvan ou bordelais), des États-Unis et du Mexique, pour qui la vie ne va pas être facile.
Casting en France : Max est hacker, il gagne de l’argent via le dark web et les sites pornographiques. Son curieux grand-père, résistant (ou se faisant passer comme tel) participe à toutes les commémorations officielles, côtoyant l’élite. Marine, la sœur de Max, est en prépa avec Stéphane (que l’on retrouvera auteur à succès sans scrupule). Clarisse, petite amie de Max au début, est une starlette de la télé-réalité prête à tout pour percer. Bruno, amant d’Isabelle, la mère de Max, fait des études de cinéma. Casting aux États-Unis : Benjamin (et ses « ambitions académiques ») devient directeur au FBI. Il est amoureux de Jessica, sa colocataire, qui partira enseigner à Paris. William, dit Bill, est le père de Steve et Tyler. Bill sera gravement handicapé suite aux attentats d’Oklaoma city en 1995. Je ne dis pas que Steve à la dérive deviendra parricide, ce serait divulgâcher... Càndido est un exilé exemplaire cherchant une intégration improbable, alors que sa femme America est restée au Mexique (notez l’ironie des prénoms...).
La première partie permet de faire connaissance avec les personnages avant que le récit ne prenne son envol. Il y a ces listes qui indiquent que les biens et la nourriture sont omniprésents pour ceux dont on raconte l’histoire, liste de marques décrivant mieux les individus que leurs traits et caractères, formant une toile de fond de l’environnement économique. Celui-ci est là, on peut le relier à l’aliénation, le vide de la plupart des personnages… La construction est complexe et ne laisse que peu de place pour creuser les caractères qui apparaissent flous.
On traverse l’histoire sur plusieurs décennies en quelques lignes lapidaires, sans nuances, sur les gilets jaunes, sur Chirac, Mitterrand, la cgt, la sncf... On s’attarde un peu plus sur les attentats d’Oklahoma et ceux du 11 septembre, mais ces éléments sont donnés comme des titres sur les chaînes d’info en continu, comme si pris dans la tourmente, plus personne ne saisit les causes et les enjeux.
Comme il le dit dans une interview, l’auteur est parti d’histoires qui l’ayant accompagné. Il s’est inspiré de son parcours, particulièrement à l’aise pour parler des grandes écoles, d’un milieu ayant accès à des positions élevées dans la société… dont la traversée de l’océan est une simple routine. Quelle place prend Édouard Jousselin dans tout ce discours ? Faut-il lire au second degré ou interpréter à notre guise alors que les biais et raccourcis cognitifs sont innombrables... Les clichés sont-ils ceux des personnages alors que certains sont indiqués en italique et d’autres pas, le lecteur ne pouvant faire la différence entre ce qui sort de la bouche des personnages et ce qui émane du narrateur, bien présent derrière tout cela.
« Par le truchement de l’acte littéraire, par le coup de plume précis et cinglant, et en prenant le prétexte d’un personnage, ce Yannick qui est mon double, j’ai désiré viser un système tout entier. J’ai voulu taper fort. »
C’est Stéphane qui dit cela interviewé par Matthieu de Bailly pour l’émission télévisée Mots du monde qui le relance ensuite :
« Et ceux qui vous regardent, mon cher Stéphane, ce sont les jurys de prix littéraires. Vous êtes de toutes les listes, et l’automne s’annonce des plus fastes. »
La construction du livre a bien des qualités mais je suis resté perplexe devant ces destins issus d’un déterminisme, d’une fatalité dont on ne pourrait pas vraiment s’extirper. J’ai souvent pensé au malaise éprouvé lorsque j’ai lu Michel Houellebecq écrivant sur des situations possibles, réelles peut-être, sans que je n’arrive à accrocher.
J’ai lu ce roman dans le cadre de ma participation au jury Orange du livre 2024. C’est un des 20 livres de la première sélection établie lors des échanges et votes du 26 mars.
Je n’essaierai pas de vous résumer ce roman-monde de plus de 600 pages parce qu’il n’a pas d’histoire.
C’est une page, immense, de notre société, sur plusieurs décennies, sur plusieurs continents, sans temporalité. C’est l’histoire d’une dizaine de personnages que l’on découvre en espérant qu’ils se croisent, qui traversent les drames et les joies de ces 50 dernières années. Ce sont des gens comme vous et moi, qui fondent des familles, ou pas, qui rêvent, qui pleurent, qui rient, qui pensent, qui se fondent dans le décor, anonymement.
C’est un roman particulier, très dense sans être compact, très riche en évènements, en leçons, en thèmes, très vivant ; c’est une plongée dans le cœur des personnages, dans leur tête.
C’est une fresque à la fois gigantesque et tellement intime.
J’ai aimé découvrir cette histoire que je connaissais déjà puisque c’est la mienne, la nôtre ; j’ai aimé ces voix qui sont celles de nos amis, ces décors que nous avons traversés, et cette vie, la vie de tous ces personnages qui tiennent et avancent malgré toutes les difficultés.
C’est d’une écriture puissante et fluide, c’est fort et nouveau. C’est de l’histoire contemporaine racontée sans fard, avec le cœur.
Deuxième roman d’Edouard Jousselin (je n’ai pas lu le premier), « La Géométrie des Possibles » est un roman choral qui nous entraîne dans plusieurs pays et époques, autour d’une dizaine de personnages.
L’histoire commence à Los Angeles, avec un accident de voiture tragique. Puis le récit nous emmène en Bourgogne, en 2012, à l’enterrement d’un résistant. Si sa fille Isabelle n’est pas présente (on apprendra qu’elle a épousé un producteur de cinéma et vit à Hollywood), l’ancien mari de celle-ci, Dominique, assiste aux funérailles, avec ses deux enfants, Marine, étudiante en prépa HEC, en couple avec son camarade Stéphane, et Max, lycéen, qui entretient une relation plus charnelle qu’amoureuse avec Clarice, apprentie coiffeuse qui rêve de devenir célèbre …Mais le roman va également nous parler- entre autres- d’un immigré mexicain aux Etats-Unis, d’une famille touchée de plein fouet par l’attentat terroriste d’Oklahoma City, ou encore d’un enquêteur du FBI…
Le début du livre m’a fait un peu peur, il faut accepter de faire confiance à l’auteur, car il faut près de la moitié du roman pour comprendre (en partie) les liens entre les différents personnages et les différentes époques(essentiellement la période couvrant les années 90 à nos jours). Jusque là, on avance dans la lecture « en mode tunnel » en se demandant comment les pièces du puzzle vont s’emboiter, ce qui pourrait lasser certains lecteurs.
J’aime beaucoup ce type de roman et j’ai donc apprécié cette lecture, au style fluide et efficace, qui entretient le suspense. Histoires d’amour, création, faux-semblants, perte de sens, noirceur de l’âme humaine, il y en a pour tous les goûts dans cette fresque ambitieuse et bien menée – que j’ai quand même trouvée un poil trop longue, le livre compte en effet 600 pages et j’avoue m’être un peu essoufflée sur la fin, ce qui ne m’a pas empêchée de lire ce roman avec plaisir.
Encore une belle découverte grâce au prix Orange et un talent à suivre !
Comment résumer un « livre-monde », avec autant de personnages, de thématiques, de lieux, de facettes ? Le mieux est de n’en rien dire, si ce n’est que dans ce roman on voyage de Dijon à Los Angeles, qu’on y croise des producteurs de cinéma, des femmes frustrées, des starlettes de télé-réalité, des agents du FBI, un résistant, un père de famille américain, des geeks du porno… Bref, un miroir quelque peu piqué où se reflète notre société avec tous ses espoirs et ses vices. Il est question de trajectoires qui évidemment finissent par se croiser, mais là n’est pas tout à fait la question.
Lorsqu’on lit ce livre, on se sent comme ces géants qui observent au microscope un monde réduit et expérimental. Des Sims complexes et contemporains, si je caricature.
Il faut en tous cas un sacré talent d’écriture pour camper avec autant de justesse ces personnages aux destinées multiples.
La plume de l’auteur dissèque au scalpel notre époque avec un regard presque mathématique. Au début, on s’y perd tant c’est foisonnant, riche, détaillé. On passe d’une époque à l’autre, de l’Europe aux Etats-Unis… Puis peu à peu, on se prend au jeu. Ce qui est curieux, c’est que j’ai pas ressenti d’attachement aux personnages et pourtant, la géante voyeuriste que je suis a tenu à les observer, longtemps.
C’est un roman long, qui aurait sans problème survécu à quelques coupes, mais c’est également un roman audacieux et ambitieux.
Qui n’a pas un jour hésité à , à débuter un roman en raison de son nombre de pages ? Je crois que cela nous est tous arrivé et ici, je l’avoue, c’est ce qui m’a retenu de lire ce roman plus tôt, en dépit des chaudes recommandations qui l’accompagnaient. Alors je peux vous le dire maintenant, faites fi de toutes vos réticences. Oui, il fait 607 pages, mais je vous promets que vous ne les verrez pas passer et je peux même avancer que vous les quitterez à regret.
Que dire de l’histoire ? Peut-être simplement que vous découvrirez une dizaine de personnages, sont liens apparents entre eux, que vous les suivrez de 1993 à 2020, et que vous voyagerez du Morvan à la Californie, du bordelais à l’Oklahoma, en passant par le Mexique ou Paris, mais surtout je peux vous dire que vous y prendrez un grand plaisir. Sans linéarité temporelle, vous suivrez leurs destinées, imaginerez leurs possibles. Certains basculeront du côté des gagnants, d’autres vers celui des perdants, de manière parfois évidente, mais le plus souvent de façon surprenante. C’est foisonnant, c’est dense, mais c’est surtout terriblement addictif en même tant que follement instructif. On passe ainsi de pages sur l’assemblage du vin à l’enfer des stages de conversion, des arcanes du Dark Web, à la mécanique implacable des jeux de télé-réalité , des coulisses du FBI au calvaire des migrants latinos, presque sans transition mais toujours avec un incroyable sens du détail et surtout un égal plaisir. C’est tout simplement bluffant et pour tout dire remarquable.
La quatrième de couverture présente ce roman comme un « livre-monde». Je dirais pour ma part que c’est la radiographie d’une époque. Il traverse les principaux évènements de cette fin de siècle, des années Chirac aux gilets jaunes, du 11 septembre à l’élection de Trump, mais il va bien au-delà, en nous immergeant dans cette époque avec force détails. Les résultats d’une équipe de foot, les noms des enseignes d’une zone commerciale de banlieue, le titre d’une chanson en haut des charts, ou encore une émission de télé populaire, autant d’éléments qui nous transportent dans le temps, bien mieux que de longues descriptions, et c’est tout simplement savoureux. Quant aux personnages, ils sont bien sur la force de ce roman. Ils sont dépeints dans toute leur complexité, sans complaisance, avec une acuité et un talent incroyable.
Alors oubliez le nombre de pages et foncez à votre tour dans cette lecture incroyable
Vous ne le regretterez pas!
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