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« Aveuglés par le grand soleil, les rescapés se répandirent dans le parc en s'éloignant le plus possible du palais. Flora dévisageait avec angoisse les personnes qui sortaient. Enfin, elle aperçut Jo, apparemment indemne. »
Sur les rivages de la mer de Chine méridionale, le sultanat de Brunei, petit pays d'or (noir) et de jungle, mène, dans un décor des Mille et Une Nuits, une existence prospère et en apparence paisible. Pourtant, un coup d'État d'un nouveau type va s'y dérouler et le livrer « clefs en main » à une grande entreprise californienne du numérique.
Flora est la petite-fille d'un célèbre mercenaire qui a passé sa vie à renverser des pouvoirs établis. Fascinée par son exemple, elle s'engage dans le milieu dangereux des agences de sécurité privées. Elle se retrouve plongée au coeur de cette opération de subversion sans précédent.
Ce grand roman d'aventures contemporain met en scène à la fois le basculement d'un pays et le parcours d'une femme, habitée par un irrépressible goût de l'action, de l'interdit et du danger.
Jean-Christophe Rufin déploie dans ce nouvel ouvrage toute la puissance narrative qui a fait son succès (Rouge Brésil, Le Parfum d'Adam, Check-Point...). Mais aussi son expérience internationale et sa capacité à saisir les enjeux de demain.
Dans un monde où l'inimaginable devient réalité, le destin de Brunei pourrait bien être un jour le nôtre...
c'est un très bon livre pour les vacances
Peut-il y avoir un roman traitant de géopolitique et du monde actuel à travers un récit d’aventure addictif, une légère anticipation illustrant le niveau d’après le surclassement des États par les multinationales ? D’or et de jungle a cette dimension, dans des pages fortes donnant à l’art autre chose qu’un rôle décoratif. En prime, la légèreté de ton peut plaire au plus grand nombre. Pourquoi s’en priver ?
Les modalités d’organisation d’un coup d’État ne sont pas ce que nous connaissons le mieux. Ce roman d’aventure de Jean-Christophe Rufin nous donne les ingrédients pour avoir un maximum de « chances de réussir ». Mais ce n’est pas à la portée de tous, il vaut mieux être une grande entreprise du numérique, disposant d’un budget énorme – supérieur à bien des États – mais mécontente d’avoir encore quelques comptes à rendre, d’autant plus que la crise climatique, la pauvreté et les exigences sociales des populations rendent cette richesse obscène. Dans ce contexte, prendre le contrôle d’un petit État pour être son propre maître devient tentant. C’est la fiction originale imaginée par l’auteur. Celui-ci médecin, ancien ambassadeur (il a été attaché de coopération au Brésil, ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie) est bien placé pour capter les enjeux de l’époque. Et rappeler au passage l'épisode fameux de la participation du fils Tatcher en 2004 à un coup d’état avorté avec les paramilitaires sud-africains en Guinée équatoriale.
Pour ce coup d’état d’un nouveau type, Marvin Glowic, l’homme qui règne sur un empire de la tech créateur d’un moteur de recherche, se laisse convaincre par Ronald, un ami d’enfance œuvrant dans la sécurité privée. Il se lance dans une opération secrète dont le but est de prendre le contrôle du sultanat de Brunei sur l’île de Bornéo, un petit État prospère et paisible sur les rivages de mer de Chine méridionale. C’est lui le pays d’Or et de jungle dont nous allons suivre pas à pas l’opération spéciale de déstabilisation. J’ai apprécié que le récit purement fictionnel s’adosse au pays réel dont les éléments géographiques, politiques, économiques – les personnes de la famille royale aussi – sont authentiques et documentés. La crédibilité de la fiction s’en trouve considérablement renforcée.
Flora est la petite fille d’un mercenaire qui a passé sa vie à renverser des pouvoirs établis. Pour casser la routine d’un petit boulot de serveuse elle accepte de suivre à nouveau Ronald pour cette opération peu banale. Elle a toujours évolué dans l’exaltation des sports extrêmes et l’action, l’interdit et le danger lui manquent.
Ce roman se lit comme un excellent polar avec ce qu’il faut de rebondissements. On est facilement emporté dans ce pays d’or et de jungle et ensuite impossible de le lâcher. Les personnages sont crédibles, bien campés. On trouvera comique au premier abord le professeur Delachaux, à la moumoute en nid de mésange, malgré sa spécialité peut vertueuse de conseiller à l’opération spéciale… avec ses chiens qui le suivent partout, l’un nommé Brutus (du nom de celui qui a trucidé César faut-il le rappeler) et l’autre Agrippine (du nom de la mère de Néron, spécialiste de la manœuvre politique et du crime), cela donne une idée précise du caractère belliqueux du personnage. Les membres de cette agence de sécurité engagés pour l’opération sont tous à priori sympathiques, seulement, emportés par leur passion, ils ne s’attardent pas sur les conséquences de leur actes.
L’auteur excelle dans les thèmes traités, tous très actuels, sans ton moralisateur. Il rappelle malgré tout que la concentration de la puissance privée rend le monde de plus en plus dangereux. La démocratie est un frein à la toute puissance des GAFAM et les peuples une variable à contrôler par l’argent, la force, la désinformation et la ruse sous toutes ses formes.
Merci à Jean-Christophe Rufin de m’avoir accepté dans le jury Orange du livre 2024 qu’il a présidé. Merci pour ce roman qui ausculte les GAFAM, ce qui n’est pas si fréquent actuellement, le monde opaque du capital devenant tabou au nom d’une certaine idée de la paix sociale, celle où chacun est sommé de l’accepter comme un fait contre lequel on ne peut rien (Est-ce un hasard si on on pourrait écrire le titre Dort et de jungle ?). Le titre est magnifique et donne à la fois l’origine et les conséquences d’une dérive qui gagne du terrain. Il montre que sans être des saint-bernard, les écrivains peuvent contribuer à donner du sens tout en distrayant. Merci pour le livre dédicacé dans ma librairie indépendante préférée, mon indispensable « Boîte à livres ». Cette dédicace me touche particulièrement. Je n’en reviens pas en la relisant de ce qu’elle disait déjà de ce semestre incroyable : « Pour Alain, en souvenir de l’année où il m’a accompagné dans le prix Orange. Signé JChRufin. Tours 20.3.2024 ». C’était un plaisir et un honneur de découvrir votre gentillesse et votre humour à chaque réunion du jury ainsi qu’à la soirée de remise du Prix.
Dystopie ou simple anticipation ? La question est posée avec ce roman d’aventures riche en événements, dès lors que des commanditaires âpres au gain ont jeté leur dévolu sur le petit état de Brunei. Cerné par la Malaisie, gouverné par un sultan malade, il représente l’idéal pour un coup d’état qui permettrait à une grande firme numérique de s’affranchir des lois contraignantes qui règnent un peu partout dans le monde et freinent le développement de leur imagination débridée.
Le lecteur est convié au spectacle de la mise en place de l’affaire, minutieusement préparée. Une galerie de personnages, spécialistes reconnus chacun dans leur domaine, peuple ce roman qui ne manque pas d’action.
Il se parcourt avec plaisir, on y apprend beaucoup sur la géopolitique, sans effet wikipédia. J’ai également beaucoup aimé les dialogues, très maitrisés.
Un bon moment de détente donc en compagnie de bandits en col blanc d’envergure internationale !
400 pages Calmann-Lévy 7 février 2024
Bonjour à tous.
Cet ouvrage est un roman d'anticipation romanesque qui nous plongera dans une aventure divertissante, un thriller, mais aussi au coeur des arcanes socio-économique et politique.
Une plongé profonde est opaque. Une politique fiction avec un travail très documenté.
Une multitude personnages bien construit, de nombreux caractères et quelques uns attachants.
Une oeuvre qui alerte, une plume fluide, réaliste, la construction est brillante et je vous conseille ce livre.
"Les grands patrons du numérique n'ont rien à voir avec les Henry Ford, Rockefeller ou autres, qui avaient bâti leur fortune dans l'économie réelle, c'est-à-dire pas à pas, étape par étape. Eux, ce sont des gamins qui ont bricolé dans leur chambre ou dans leur garage et le jackpot leur est tombé dessus à trente ans."
"La seule liberté des humains est de choisir leurs rêves. Mais ils n’ont pas le pouvoir de les faire aboutir. C’est leur drame et leur bonheur. Nos projets sont toujours trahis. Estimons-nous heureux, déjà, d’avoir pu les vivre."
Le coup d'État clés en main
Dans son nouveau roman, Jean-Christophe Rufin nous offre le mode d'emploi du coup d'État moderne. Ce faisant, il souligne la fragilité de nombreux pays, la volonté des Gafam de s'affranchir de pouvoirs qui restreignent leur champ d'action et nous sert de guide à Brunei. Un formidable roman d'anticipation et d'espionnage.
C'est après Valparaiso, du côté des Galapagos, que débute ce formidable roman. Sur un paquebot de croisière où des personnes âgées entretiennent le mythe des aventuriers, sous la houlette de Flora, une spécialiste de la plongée. Elle part avec son petit groupe à la découverte de la riche flore et faune sous-marine. Mais l'expédition ne va pas tout à fait se dérouler comme prévu. Fascinée par un monstrueux requin rose, elle va laisser ses clients se débrouiller pour batifoler avec la bête. Et se voir débarquer.
À des milliers de kilomètres de là, Ronald a rendez-vous avec Marvin. Des retrouvailles qu'il a soigneusement préparées afin de mettre toutes les chances de convaincre son interlocuteur de le suivre dans son projet. Il faut dire qu'en quelques années son ami est devenu l'un des hommes les plus influents de la planète.
Ce grand sportif est passé à la postérité pour avoir créé le moteur de recherche Golhoo et engrangé des millions de dollars, comme ses collègues des Gafam. En 1995, il a épousé Kathleen, prof à Stanford. Le couple a deux enfants, Sandy et Matthew. Aujourd'hui, Marvin «régnait sur un empire de la tech, qui employait des centaines de milliers de personnes à travers le monde et avait transformé la vie des milliards d’individus devenus ses clients, était un des personnages les plus puissants et les plus respectés non seulement de Californie, mais du monde entier.»
Autour d'un verre, Ronald tente d'amadouer son ami en lui racontant quelques-uns de ses exploits, lui qui après avoir travaillé pour l'armée s'était retrouvé au sein d'une agence privée de mercenaires. Grand spécialiste du renseignement, il cache soigneusement à son interlocuteur qu'il sort de prison après une opération qui a tourné au fiasco à Madagascar. En revanche, il lui dévoile qu'il a désormais sa propre entreprise et qu'elle pourrait fort bien se mettre au service des géants du numérique. Car si jusqu'à présent les Gafam avaient pu prospérer à l'ombre ou même avec le soutien des États, elles avaient désormais atteint des limites, tant en termes de puissance qu'en termes de limites éthiques. C'est notamment le cas dans le domaine de la biotechnologie, de l' "homme augmenté", la nouvelle marotte de Marvin après le décès d'Edward, son cousin schizophrène, suicidé à 22 ans.
Ronald lui explique alors que la meilleure façon de contourner un État, c'est d'en créer un. Ou, ce qui sera moins compliqué, de prendre le contrôle d'un État existant. C'est l'objectif qu'il s'était fixé avec un groupe de libertariens.
Fasciné autant qu'ébahi par le projet, Marvin va donner à son ami les moyens de ses ambitions.
C'est là que nous retrouvons Flora, engagée par Marvin pour mener à bien l'opération autour de spécialistes en géostratégie, d'un groupe de hackers et de mercenaires triés sur le volet.
Après avoir soigneusement étudié les cibles possibles, ils ont fini par désigner le sultanat de Brunéi comme la cible idéale.
C'est sur ce petit confetti au nord de Bornéo qu'un petit groupe de touristes débarque pour les premiers repérages. L'occasion aussi pour le lecteur de découvrir ce coin d'Asie du Sud-Est et la famille qui y règne sans partage depuis des années.
Alors que s'enclenchent les phases de ce coup d'État préparé avec de la haute technologie plutôt qu'avec des armes et des troupes, on constate avec un certain effroi combien un pays, même riche, peut être fragile.
Jean-Christophe Rufin est ici au meilleur de sa forme. Il peut s'appuyer sur une solide documentation, mais aussi sur son expérience de diplomate et de médecin humanitaire, sans oublier ses voyages à Brunei. Le tout rend ce roman très vraisemblable. Du coup, derrière cet habile scénario – quasiment le mode d'emploi du coup d'État 2.0 – on peut lire ce roman d'anticipation comme une mise en garde. Attention à l'appétit des grandes entreprises dont le budget dépasse de loin celui de nombreux États, attention aussi aux fake news qui se multiplient avec l'amélioration des technologies et l'utilisation accrue de l'intelligence artificielle. Si l'on n'y prend pas garde, la réalité dépassera bientôt la fiction!
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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Deux points forts, la présentation du sultanat de Brunei et les techniques actuelles de déstabilisation d’un pays.
Brunei, 500 000 habitants de différentes confessions, est une des plus grosses productions pétrolières, bordée d’un côté par la mer de Chine méridionale et de l’autre par la Malaisie. Le lieu se veut à la fois paisible et charismatique, voire onirique pour nous autres pauvres européens qui ne l’avons pas encore approché. Cela n’est pas le cas de Jean-Christophe Rufin ; il connait précisément ce sultanat ainsi que quelques uns de ses secrets. Il partage avec nous ses connaissances et son érudition. Et j’avoue que lorsque je peux approcher ainsi une nouvelle contrée, j’en suis enchantée. Donc un point fort en faveur de ce roman.
Avec autant de richesse, on conçoit facilement les velléités qu’un petit Etat tel que Brunei peut générer. Les GAFAM ne peuvent qu’en baver, eux aussi. Il est donc plus que plausible de concevoir que des dirigeants du numérique rêvent de conquérir ce petit coin du globe afin d’y installer une nouvelle Silicon Valley, plus libre que l’originelle. L’auteur s’engouffre dans cette brèche et installe quelques français dans une prise de pouvoir à Brunei. Ce « petit confetti » sur la carte géographique ainsi que la géopolitique de la mer de Chine, sont exposés sans lourdeur mais avec assez de minutie pour comprendre les enjeux des uns et des autres, réfléchir et s’amuser à l’égal des personnages.
Les rois de la tech californienne choisissent presque à l’aveugle une agence française privée dirigée par un de leur pote d’enfance. Ils mandatent ces « agents secrets » afin qu’ils fomentent un coup d’Etat clefs en main dans le sultanat de Brunei.
Jean-Christophe Rufin déroule une palette de personnages travaillée à la perfection. Tel un peintre, il les dessine méticuleusement, trait après trait. Il les taille sur mesure. Ils sont à eux seuls déjà l’histoire.
Une des personnalités phares est Flora, trente deux ans, pleine de peps, adorant l’action et le danger, un physique en or mais qu’elle camoufle sous des vêtements qui sont loin de la mettre en valeur. Côté tempérament, elle a de qui tenir ; Antoine, son grand-père, mort peu après sa naissance, était un célèbre mercenaire.
L’autre personnage piquant est Ronald Daume, la cinquantaine, baroudeur et embobineur de première. Il arrive toujours à ses fins, quelque soit son interlocuteur ou son objectif.
Ces deux personnages, comme le grand-père d’ailleurs, avait au fond d’eux « cette ambition de changer l’ordre du monde, de défier des pouvoirs en place, défier des gouvernements, former des guérilleros », qu’on pourrait cependant appeler « des gestes picaresques et poétiques. »
L’originalité de l’équipe que Ronald va constituer, est pareillement plaisante.
Autour de ce noyau actif, gravitent des personnalités très, très haut placés du monde du numérique ; elles aussi éclectiques. Ces personnages sont intelligents, indécemment riches mais finalement ni méfiants, ni réalistes.
Bref, un savant cocktail d’hommes et de femmes laissant augurer qu’il va y avoir du rififi dans les chaumières.
Le rythme du livre est régulier, pas de dialogues inutiles, on avance dans une intrigue bien menée, une version très contemporaine, à l’image de quelques autres romans comme « Le Parfum d’Adam » en 2011, ou Chenck-Point en 2015. On a le son et surtout les images … un producteur pourrait bien s’approcher de Rufin afin d’en tirer le scénario d’un film. Divertissement assuré.
On conçoit aisément que l’auteur se soit amusé lors du montage de l’énigme et qu’il se soit fait plaisir à l’écriture de ce roman plus récréatif, plus contemporain ; c’est ce qu’il a dit lors d’une émission littéraire.
Le parcours professionnel rend Jean-Christophe Rufin légitime lorsqu’il aborde les enjeux de demain. Sa force narrative est une nouvelle fois présente et rend la lecture fluide et captivante. Brunei et ses multiples civilisations m'ont captivée. Par contre, en ce qui me concerne les quelques moments que je qualifierais de clichés ainsi que l’emballement dans les dix dernières pages m’ont un peu déçu de la part de cet auteur dont j’ai admiré pas mal d’ouvrages. Mais ce n’est qu’un petit bémol.
L’or s’avère plutôt noir et la jungle n’est pas uniquement peuplée d’êtres simiesques ; leurs descendants « Homo erectus » se chargeant d’ériger des compétitions machiavéliques depuis qu’ils sont devenus soi-disant « sapiens ».
La distribution de cette aventure livresque est emmenée par deux personnages principaux : Flora et Ronald. Flora garde en elle une admiration sans faille pour son grand-père mercenaire. Elle suit ses traces, peu importe le danger et les échecs. Sauf que son destin aurait été tout autre si elle n’avait croisé au large des Galàpagos un requin baleine… Sa nouvelle mission sera de participer à un coup d’état nouvelle génération pour offrir un beau produit clef en main au patron d’une entreprise numérique en Californie. Le concepteur 2.0 est un certain Ronald qui a pour devise : tous les coups sont permis.
Pour décor, le sultanat de Brunei : petit par la taille, immense par la richesse avec tranquillité politique garantie malgré quelques soubresauts de temps à autre, mais, sans conséquence aucune. Le pays idéal selon les analyses du professeur de géopolitique Delachaux qui a pris l’occasion aux cheveux lorsque Ronald lui a proposé une collaboration.
Faisant référence à Malaparte, Jean-Christophe Rufin offre un roman d’anticipation où un coup d’état ne vient plus d’une force armée mais d’un pouvoir technologique ; bienvenue à l’ère 2.0 des Gafam ! Et le lecteur y croit. Tout est minuté, calculé : un talent d’horloger au service des belles lettres, un Dumas du XXI° siècle qui vous emporte dans une aventure avec moult rebondissements tout en décortiquant la géopolitique et les comportements humains. Captivant mais effrayant aussi.
« L’aéroport de Singapour ressemble à ce que pourrait devenir l’humanité, si une catastrophe la contraignait à se réfugier dans un colossal abri souterrain. Tous les types physiques s’y croisent, perdus dans d’immenses couloirs éclairés au néon (…) Des centaines de boutiques hors taxes vendent plus cher qu’ailleurs des produits inutiles. Les différents secteurs de la fourmilière sont reliés par des trains intérieurs. Avec un flegme qui frise le désespoir, des employés chinois renseignent les égarés, sans leur offrir d’autres perspectives que de marcher encore et encore dans des décors toujours semblables ».
L’Académicien est un écrivain double, il se fond dans la palette d’un peintre, il se glisse dans la partition d’un musicien : descriptions colorées, précises qui vous transportent dans d’autres lieux inconnus devenant presque familiers, et , un tempo qui va crescendo en utilisant un rythme sémantique qui va se terminer en un final explosif ! Tant, qu’il pourrait passer devant vous un éléphant en train de danser le fox-trot sur le Thriller de Mikael Jackson que vous vous en ficheriez comme de votre première corde à sauter !
Malgré le sujet grave, la légèreté est de mise et c’est ce petit plus qui caractérise l’œuvre de Jean-Christophe Rufin en général et de ce roman en particulier. Que de panache, même pour la description d’un bipède : « Ronald avait vécu son enfance parmi les animaux et c’étaient eux qui lui servaient de référence pour juger les humains. Il avait toujours associé Marwin à une espèce d’écureuil, avec son petit visage pincé, son nez perpétuellement frémissant, ses incisives écartées et une grosse touffe de poils d’un brun roux rabattue sur le front ».
Le Domaine de Squirelito ==> https://squirelito.blogspot.com/2024/03/noisette-aventureuse-dor-et-de-jungle.html
Depuis que les gouvernements, principalement occidentaux, tentent enfin de réguler les activités des GAFAM, les libertariens qui sont à leur tête rêvent de posséder leur propre État afin de se débarrasser de toutes contraintes.
Un certain Ronald va proposer ses services à un homme à la tête d'un empire de la tech afin que lui et ses « amis » puissent réaliser leur rêve.
C'est le sultanat de Brunei qui va servir de terrain d'expérimentation. Malgré ses richesses nées de la manne pétrolière et un gouvernement autoritaire qui applique la charia à la lettre, l'ancien protectorat britannique a des faiblesses que Ronald et les sbires dont il s'entoure vont exploiter.
Si la théorie développée par Jean-Christophe Rufin est vraisemblable et si son roman se lit sans déplaisir avec un certain empressement à connaître la fin qui s'avère surprenante, j'ai trouvé les personnages caricaturaux et l'écriture un peu bâclée par rapport à ses précédents récits qui m'avaient séduite. Je pense à « Rouge Brésil », le « Collier rouge » ou encore « Check-point ».
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-dor-et-de-jungle-jean-christophe-rufin-calmann-levy/
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ce que vous soulignez, j'en avais un peu peur. Ces derniers temps beaucoup de grands écrivains choisissent des thèmes "actuels et qui peuvent plaire à un large spectre de lecteurs, et ça n'en fait pas pour autant de remarquables livres.