Juillet 1893, Aigues-Mortes : un massacre longtemps passé sous silence
Plongez dans un épisode peu connu de l'histoire qui s'est produit à Aigues-Morte. Cette bande dessinée vous permet de comprendre le conflit qui a divisé les italiens et les français dans les marais salants.
Ce mois d'août 1893 aurait pu disparaître des mémoires. La ville gronde d'une colère folle. L'étranger devient un animal à abattre, sans état d'âme.
Saura-t-on jamais ce qui a déclenché une telle folie ?
Les auteurs de De sel et de sang s'emparent librement de ces faits réels (qui ont une troublante résonance avec le monde d'aujourd'hui) et racontent ces moments de démence, qu'un journaliste du Journal du Midi a décrit comme « indignes d'un peuple civilisé » (édition du 18 août 1893). On y découvre comment les discours nationalistes et cocardiers, les fantasmes xénophobes et la vieille rengaine « fiers d'être français », ont incité des laissés-pour-compte à se déchaîner contre leurs frères de misère avec une effrayante sauvagerie.
Juillet 1893, Aigues-Mortes : un massacre longtemps passé sous silence
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Présidé par Coco, le jury de cette 4e édition a sélectionné des albums signés par des nouveaux talents du 9e art
Aigues-Mortes 1893 : quand la xénophobie déchaîne la violence
Pour ma part,
Tout commence sous une chaleur harassante, le 16 août 1893, au Marais de la Fangouse exploité par la Compagnie du Sel dans la commune d'Aigues- Mortes.
Une bagarre éclate chez les "forçats du sel".
Une rixe entre les trimards français et les immigrés transalpins, qui prend des proportions inattendues et horribles; vous en découvrirez tous les détails en lisant l'album.
Le récit nous est conté par la veuve Roussel, la patronne de la boulangerie.
Celle qui a participé en héroïne à la défense des immigrés italiens nous raconte de son point de vue les origines de la violence, l'étincelle de la colère qui a mis le feu à la poudrière de la haine et la suite des évènements : la traque des étrangers appelée "la chasse à l'Ours", leur mise à mort par lynchage et l'épilogue historique.
Le récit est rythmé en plusieurs temps. Il n'y a pas de chapitrage mais à la place, un monticule de sel, maculé de sang au fur et à mesure que l'on avance dans la tragédie : quelle métaphore percutante!
Il y a deux couleurs majoritaires dans cet album : le blanc, celui du papier, pour représenter le sel ainsi que l'atmosphère aliénante et aveuglante d'une vie de labeur sous un soleil de plomb ; et la palette terre de Sienne pour dépeindre l'ambiance âpre et suffocante au sein des différents rassemblements.
Le dessin des personnages a ceci de particulier que les traits sont nerveux, tendus, déformés par la haine, les yeux révulsés, les corps crasseux et les muscles en congestion.
Une prouesse graphique qui me rappelle le tableau intitulé El Tres de Mayo 1808 en Madrid par Francisco de Goya (1814).
Il en résulte un album historique effroyable et réaliste nous invitant à réfléchir sur les conséquences dramatiques de la haine de l'autre, du racisme et de la violence.
Le récit rappelle par ailleurs que l'immigration est une réalité ancienne et complexe, qui ne peut être réduite à des clichés ou des stéréotypes.
"- Misérables! Qu'est-ce qui vous prend d'attaquer ... un pauvre ouvrier comme nous?!
- Ton pauvre ouvrier, il mange le pain des Français!
- Bougre de *ouillon, ce ne sont pas eux les affameurs!"
De cet album, je retiendrai longtemps un témoignage nécessaire dont certaines séquences d'humanité, de résistance et de solidarité m'ont donné les larmes aux yeux.
"- Marie ... Je suis si fière de toi. Mon enfant."
https://www.aikadeliredelire.com/2023/11/lu-approuve-de-sel-et-de-sang-de-fred.html
J'ai beaucoup aimé la thématique tout d'abord. Nos sociétés ont connue l'immigration depuis des siècles et le rejet des "étrangers" a toujours existé. Mieux connaitre notre histoire avec cette BD c'est se rappeler qu'il y aura toujours des personnes qui profiteront de la misère des uns pour les monter contre les autres (tout aussi miséreux d'ailleurs). Le dessin est très beau et les couleurs dans l’esprit de l'histoire (saturées de blanc pour le sel et de rouge pour la violence et le sang). L'histoire prend le temps de nous présenter les différents protagonistes (les citoyens, les propriétaires de l'entreprise, les politiques, les policiers...) et les nuances et doutes qui traversent la societé.
J'avais entendu parlé de cette histoire à la radio. La lecture de certains articles de presse de l’époque sont effrayants : on pourrait les retrouver tels quels aujourd'hui en changeant simplement le nom des boucs émissaire.
Un réel plaisir de lecture.
Août 1893, le ton monte dans les marais salants près d’Aigues-Mortes. Les travailleurs locaux ne supportent plus les saisonniers Italiens et le leur font savoir. La colère s’amplifie. Chacun apporte son relent de haine et de racisme à cette histoire sordide. La folie s’empare de presque tous les habitants. Quelques-uns tentent d’aider les Italiens, en les cachant. La veuve Adélaïde Roussel les protège dans sa boulangerie. C’est elle qui raconte cet épisode de violence qu’elle n’arrive toujours pas à comprendre.
Le Maire fait appel au préfet, aux gendarmes, mais ils sont peu nombreux face à la population déchaînée. On sent la violence monter et exploser. Le lecteur est impuissant et démuni face au sang qui gicle dans les pages de cet album. Cet événement historique est une histoire vraie, révoltante, qui donna lieu à un procès. Il y a eu 10 morts et des dizaines de blessés marqués à vie.
Le massacre d’Aigues-Mortes est une tragédie mise en images par Fred Paronuzzi et Vincent Djinda, chez Les Arènes. Des tons ocres qui rendent très bien l’atmosphère étouffante et la violence de cette histoire marquante. Quelques explications et références bibliographiques se trouvent en fin d’ouvrage.
Cette BD est finaliste du Prix Orange BD 2023.
Cette bande dessinée revient sur les événements ayant conduit au massacre (il n'y a pas d'autre terme) d'ouvriers italiens les 16 et 17 août 1893. Les marais salants attirent des milliers de travailleurs saisonniers, parmi lesquels des Français, appelés péjorativement les « Trimards », vagabonds, chômeurs, pour certains déjà condamnés pour faits de violence, et bon nombre d'Italiens souvent originaires du Piémont. C'est le début du triomphe du capitalisme avec ses conséquences inhumaines : ouvriers exploités et payés une misère, mise en place d'un paiement en fonction du rendement individuel occasionnant rivalité et concurrence entre travailleurs. Un conseiller municipal de la ville dira même en évoquant les ouvriers des marais salants : « A leur tâche, des bêtes de somme succomberaient. »
Comment les événements se sont-ils enchaînés ? Les auteurs, via la voix narrative de la boulangère de la ville tentent une explication de ce déchaînement irrationnel de violence. Comment d'une rixe entre ouvriers est-on arrivé à un véritable pogrom ? La chaleur accablante, l'épuisement, la haine de l'étranger accusé de venir « voler le travail des Français », les discours nationalistes en vogue durant la IIIe République tout cela va constituer un terreau propice à un déchaînement de violence. En bonne place aussi et très intéressant à étudier, le mécanisme de la rumeur : on la voit naître, s'amplifier et se disperser dans toute la ville, déformant les faits, exagérant les traits, métamorphosant l'être humain en bête.
Du côté du dessin, les Français sont laids, tout en dents sorties et traits anguleux. Ils sont interchangeables, fondus dans une masse bestiale et agressive.
A l'issue de ce fait divers, les travailleurs italiens sont renvoyés et l'affaire finit par être étouffée (lors du procès, tous les coupables seront acquittés) ; elle a été occultée de la mémoire collective jusqu'aux années 1970.
J'avais déjà entendu parler de cette histoire par l'historien Gérard Noiriel ( voir la documentation sur : https://www.histoire-immigration.fr/agenda/2010-09/le-massacre-des-italiens-aigues-mortes-17-aout-1893) mais je trouve que la mise en roman graphique permet davantage de visibilité auprès du grand public. Il est important de connaître cette histoire … même si c'est pour malheureusement se dire que certaines choses n'ont pas changé.
Merci lecteurs.com pour cette découverte !
Un album magnifique qui retranscrit avec brio un épisode tragique de l'histoire de la ville d'Aigues-Morte fin XIXe.
Les dessins sont très réussis et expriment avec réalisme la haine, la colère, la souffrance, la peur, l’incompréhension sur les visages des ouvriers italiens et français.
Le scénario m'a captivé jusqu'au bout si bien que j'ai lu cette BD d’une seule traite.
Une réussite totale. Ne passez pas à côté !
"Ce jour-là, j'ai compris que la vilénie était la chose la mieux partagée au monde et qu'il en fallait bien peu pour que se craquelle le vernis dont on recouvre nos bas instincts."
Cette phrase de la courageuse narratrice, la veuve Roussel, boulangère à Aigues-Mortes, résume la bouleversante tragédie dont elle a été témoin : le massacre des Italiens d'Aigues-Mortes, le 17 août 1893.
Suite à une rixe entre ouvriers français et italiens dans les marais salants, une rumeur enflamme et déchaîne la colère de la population, et déclenche « la chasse à l'ours », à savoir la chasse aux travailleurs saisonniers italiens.
Les dessins sont âpres et durs. Ils font bien ressortir la misère, la souffrance, la laideur de la haine, la violence, la xénophobie, et sont accentués par les tons rouges et ocres.
A la fin de la BD, cette tragédie du travail détaille les faits historiques de ce massacre et du simulacre de procès qui lui a succédé, un véritable scandale judiciaire. L’affaire a été enterrée par la France et l’Italie, pour éviter un conflit armé, d'où une amnésie générale durable.
Cette tragique histoire laisse un fort sentiment de malaise, d'autant plus fort que cela pourrait se reproduire de nos jours.
Je remercie lecteurs.com et les éditions les Arènes BD, de m'avoir fait découvrir cet ouvrage.
En cet été 1893, dans les marais salants d'Aigues-Mortes, l'entente est tout sauf cordiale entre les différents groupes de travailleurs.
D'une part les trimeurs, des français qui sont souvent des vagabonds et des repris de justice, et les Piémontais, ces ouvriers italiens venus offrir leur force de travail pour réaliser les tâches que les autochtones ne veulent pas faire. Car la tâche est dure. Sous un soleil de plomb et une lumière éblouissante qui fait mal aux yeux, sans eau, et à la chaîne, la récolte du sel assèche les gorges, desséche et mord la peau. La fatigue extrême rend tout plus difficile. Il en faut peu alors pour échauffer les esprits retords.
Une rixe éclate, qui pourrait n'être qu'une simple bagarre entre ouvriers, mais quelques hommes s'échappent vers Aigues-Mortes pour y apporter la mauvaise parole. Là, de rixe, cet échauffouré entre hommes devient bagarre sanglante avec morts ou blessés. D'heure en heure, la colère enfle. Il n'y a plus aucun moyen de rendre raison pour arrêter la foule vengeresse.
Comme expliqué dans les pages de conclusion, cela a bien eu lieu, le village s'est déchaîné contre quelques migrants venus chercher du travail en France.
Triste événement qui s'est terminé par des morts et de nombreux blessés, et le départ des italiens vers leur pays. Quelques mois plus tard, un procès inique n'a jamais rendu justice aux victimes. Une affaire qui n'a été dénoncée que dans les années 70.
Le graphisme tout en fondu dans le trait et les couleurs, en teintes ocres, restitue habilement cette chaleur, le travail des salines, la révolte et le soulèvement des villageois. Les visages à peine esquissés créent une forme d'unité dans cette foule qui ne répond plus de rien, et agit comme un seul homme. Mensonges, vengeance, violence, folie, révolte, tout est là et tout éclate sans qu'aucune forme d'autorité ne réussisse à calmer le jeu ni même à tout arrêter.
Très bel album , la qualité est dans le scénario et dans le graphisme aux tonalités ocres variant selon la tension
du récit.
Fred Paronuzzi s’inspire d’un fait divers qui secoue en 1893 d’abord les marais salants d’Aigues-Mortes puis la cité tout entière qui se rallie par « bouffées patriotiques « à la cause des « trimards », les ouvriers français et déclarent « une chasse à l’ours » contre les Piemo, les travailleurs saisonniers transalpins.
Au départ, un incident banal, une rixe opposant un Italien à un Français. L’hostilité contre les étrangers grandit et les forces de l’ordre accourent.Le Préfet demande le licenciement de tous les transalpins…
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