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« Entre Lawrence et moi, il y a au moins ceci de commun qu'à un peu plus d'un demi-siècle de distance, nous avons passé l'un et l'autre une partie de notre enfance à Dinard. » Et Jean Rolin s'attache, dans ce nouveau livre, à partager un petit plus encore avec celui que l'on a appelé Lawrence d'Arabie...
En partant sur ses traces, aujourd'hui, au Moyen Orient.
En 1909, l'année de son vingt et unième anniversaire, T. E. Lawrence, qui n'est pas encore « d' Ara- bie », entreprend en plein été une marche de près de 1800 kilomètres, au Moyen-Orient, afin de visiter quelque trente-cinq châteaux-forts datant de l'époque des Croisades. Lors des trois étés précédents, il a parcouru la France à bicyclette, visitant presque tout ce que ce pays compte de châteaux-forts afin d'étayer sa thèse de fin d'études à Oxford, consacrée à « L'influence des Croisades sur l'architecture mili- taire en Europe ».
Crac est le récit d'un voyage effectué en 2017/2018, au Moyen-Orient, sur les traces de Lawrence, et guidé par les lettres de celui-ci, avec une insistance particulière sur ceux des châteaux de la région, tel Beaufort dans le sud du Liban, ou en Syrie le Crac des chevaliers (ou Krak), ou le château de Saône/Saladin, ou encore la forteresse de Kerak en Jordanie, auxquels des conflits récents ont conféré un regain d'actua- lité. Mais avec ce récit Jean Rolin fait bien plus que mettre ses pas dans ceux de Lawrence d'Arabie, il nous confronte subtilement aux errements de notre histoire, et à ses propres mésaventures...« Ainsi avais-je couru, pour finir, en Mercedes et sous la conduite de Charbel, après un château que Lawrence lui-même n'avait pas vu. »
Il y a dans pratiquement tous les films de John Woo un envol de colombes au ralenti qui sont plus un message d'espoir qu'une marque de fabrique du style apparition d'Alfred Hitchcock dans ses longs métrages.
Chez Jean Rolin, ce sont les chiens errants qui à un moment donné de ses romans apparaissent et nous rappellent que ces "chiens jaunes" dans les pays en guerre sont des animaux domestiques en plein retour à l'état sauvage. Il y a là un symbole fort qui désigne et interpelle l'humanité toute entière.
Le remarquable avis de Dominique JOUANNE sur cette page comblera tous les disciples littéraires de Jean Rolin qui comme moi ne manquent jamais son rendez-vous annuel.
Avec ‘Crac’, Jean Rolin signe un nouveau récit de voyage riche et passionnant doté de l’excellence littéraire qu’on lui connait, en proposant de le suivre dans une balade atypique au Liban, en Jordanie et en Syrie, visite effectuée en 2017 et 2018.
Déjà avec son « Traquet kurde », l’écrivain voyageur partait du Puy de Dôme en France pour aller flirter avec les frontières turco-syriennes, en territoire kurde, à la poursuite d’un petit oiseau rare.
Avec ‘Crac’, Jean Rolin part de Dinard et va passer les frontières pour entrer dans une des parties les plus tourmentées du Moyen-Orient puisque nous allons le suivre du sud Liban au nord de la Syrie dans un cheminement quasi touristique puisqu’il part visiter des châteaux, vestiges historiques de l’époque des croisades.
Cette idée lui vient alors qu’il s’intéresse à la vie de Lawrence d’Arabie. Il découvre que comme lui, Thomas Edward Lawrence a passé une partie de son enfance à Dinard et les deux auront joui des mêmes plages et vu des mêmes choses ce qui va créer un lien et pousser l’auteur à s’intéresser de plus près à ce mythique aventurier britannique et tout particulièrement à ses années d’étudiant, loin d’être encore le grand Lawrence d’Arabie incarné par Peter O’Toole. (Image surprenante car on apprend par les témoignages regroupés dans ‘Lawrence by his friends’ que : « Lawrence détestait monter à cheval et n’avait pas de sympathie pour les chameaux, préférant marcher. » et Lawrence lui-même, « arguant son préjugé contre tout ce qui a quatre pattes.»
« … des détails qui, conjointement avec son enfance dinardaise, achèvent de me lier indissolublement à l’auteur des Sept piliers de la sagesse, au moins sous le rapport des loisirs balnéaires».
Le jeune Anglais après avoir écumé la visite de grand nombre de châteaux dans une France qu’il aura parcourue à bicyclette, va continuer sa quête historique sur les terres syriennes où, âgé d’une vingtaine d’années, il va sillonner 1800 kilomètres à pied en se fiant à son guide Baedeker, dans le but de parachever une thèse de fin d’études sur ‘l’architecture militaire des Francs en Europe et au Moyen Orient’.
Dès lors, Jean Rolin va mettre ses pas dans ceux du jeune homme à 108 ans de différence.
Jean Rolin va s’appuyer sur plusieurs biographies et aussi sur la thèse et la carte laissées en héritage à la postérité par Lawrence ainsi que sur ses écrits et sa correspondance dont de nombreuses lettres adressées à sa mère.
Et nous voilà partis ! Bien encadrés quand même par guides, GPS, chauffeurs et soldats armés, entre check-points, bombardements lointains et traces de combats sans pourtant en être témoins. Et c’est là tout le grand art de cet écrivain contemporain absolument majeur dans notre littérature française, qui, par des détails tout à fait anodins tels des repas, de l’eau qui chauffe pour le thé, des boutiques qui commencent à rouvrir, des sacs plastiques polluant des rivières, des ordures à l’abandon dans certaines villes et bords de routes, des chemins ferrés endommagés, des noms de places et de rue, et bien sûr un monde animal et végétal qui va parler en tant que témoins implacables, tous ces détails seront prétextes à nous faire découvrir la Syrie et son atmosphère telle que l’on peut la vivre aujourd’hui sans compter la description de l’état actuel et passé des dits châteaux, de celui de Nimrod, Beaufort, Saïda, jusqu’à ceux de Saone Saladin et Tartous en passant par celui qui donnera le titre à ce roman passionnant, le Crac des Chevaliers, situé non loin de Homs.
Le romancier érudit va nous inonder d’informations historiques et géographiques mais Jean Rolin est aussi un journaliste professionnel et qui dit journaliste, dit recoupements de dates et de faits, vérification de l’information livrée aux lecteurs. Ainsi il va révéler ses doutes, relever des incertitudes voire des incohérences et parsemer son texte d’autodérision et de beaucoup d’humour.
Au fil du cheminement qui nous conduit de châteaux en forteresses, de douves en donjons, sur les pas du jeune étudiant anglais, Jean Rolin va découvrir un autre château, celui d’Akkar, non mentionné par Lawrence. Était-ce parce que ce dernier n'avait pu lire sur la carte qui lui avait été prêtée alors, vu qu' il y avait là, à la place de l’endroit, sur le papier, une tache de sang faite lors d’une agression subie sur son parcours et qui le rendait illisible …
En tout début de l’ouvrage, une carte géographique mentionnant les châteaux et les villes visités aide à visualiser le parcours fait par Jean Rolin et montre de lui, une certaine témérité et audace conduites par sa curiosité insatiable de découvrir le monde, passé et présent. Une appétence quant à s’aventurer dans des contrées où peu d’entre nous auraient l’idée d’y aller pour faire du tourisme… Alors, profitons de ce caractère intrépide et aventurier qui grave à l’encre de sa plume exceptionnelle, livre après livre, un témoignage cru et direct de notre époque superposé à ceux d’antan, la marque des grands écrivains voyageurs.
J’ai eu la vive émotion de rencontrer Jean Rolin lors d’une dédicace amicale. Alors qu’il faisait lecture de la fin de son livre, mes yeux se portèrent sur ses boots en cuir et j’ai imaginé ses pas. Ses semelles parcourant la planète avec le goût du risque… Dans quels conflits, ces pieds vont-t-il repartir ? Car il va repartir. Et puis, cette pauvre mésange s’est fait éclater au bout d’un fusil… Jean Rolin, affable mais ironique, épicurien empli de dynamisme et de joie de vivre parmi ses amis, m’a semblé ne pas tenir en place…. Pour le grand plaisir de ses lecteurs mais pas seulement…
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