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La question de voter ou non ne porte aucun enjeu. Je suis un absentionniste non-prosélyte. Je ne fustigerai pas un votant, pas plus que je ne tiendrai un non-votant pour un camarade. Le vote ne devient un sujet que si les votants en font un sujet. C'est souvent le cas. Nombre de votants aspergent de sermons les non-votants, taxés d'incivisme, d'irresponsabilité, d'immaturité, d'individualisme. Les non-votants manquent à leur devoir de citoyens. Ils galvaudent la souveraineté politique qui leur a été gracieusement offerte par la démocratie. C'est ici qu'on est soudain tenté d'entrer dans le débat. De montrer aux électeurs ce qu'ils font quand ils élisent. D'observer qu'alors ils font tout sauf de la politique.
Ce titre m'a intriguée. Dans cette "drôle" de période que nous vivons depuis deux ans, je ne suis certainement pas la seule à me poser des questions. A interroger la vacuité des programmes des candidats à l'élection présidentielle. A m'énerver face à l'absence de certains thèmes qui me semblent cruciaux. A me sentir désemparée, impuissante. Depuis que je suis en âge de réfléchir on m'a répété que j'avais un grand pouvoir, celui de voter. Que ce droit avait été conquis de haute lutte et qu'il fallait lui faire honneur. Depuis que je suis en âge de voter je n'ai donc jamais raté une élection, pas même un tour. Un pouvoir, vraiment ? Alors comment expliquer ce sentiment bizarre à mi-chemin entre désillusion et désolation ? Donc ce titre m'a intriguée. Il y aurait ainsi d'autres moyens d'employer son temps un dimanche d'élection ? Attention, on ne parle pas ici d'aller s'amuser, de partir en vacances ou de s'offrir une journée à la plage. Quoi que. Le propos de François Bégaudeau est tout sauf stigmatisant. Il l'annonce clairement, il est "abstentionniste non prosélyte". En gros, chacun peut bien faire ce qu'il veut, il ne jette la pierre à personne. En apparence. Parce que ce qu'il souhaite montrer avec ce texte c'est ce que l'on fait exactement quand on vote. Ce que l'on pense faire. Et la réalité. Il passe au crible la mécanique de la représentation, le pouvoir que nous donnons à ceux que nous élisons sans que le contrat ne soit clairement énoncé. Sa démonstration est claire, et la comparaison avec une assemblée de copropriétaire coule de source. Ces individus auxquels on donne pouvoir sans plus s'en préoccuper et en ayant l'impression d'avoir accompli notre devoir suprême de citoyen. Il offre un éclairage qui oblige à réfléchir face à des définitions ou des notions qui ont rarement été remises en question dans nos entourages proches. Il éclaire des concepts, leur donne un sens. En fait, ça fait un bien fou, parce que c'est limpide et calme. Pas d'accusations, juste quelques explications, ou plutôt un point de vue et à chacun de l'intégrer dans sa propre prise de conscience. Ce que j'en retiens, c'est l'illusion que l'élection soit un geste politique en soi. L'illusion que seul le vote adoube le citoyen alors que l'engagement et l'implication de beaucoup dépassent ou même se passent du vote, en tout cas tel qu'il leur est proposé. C'est éclairant. C'est déculpabilisant. "Le votant valide l'élection" nous dit-il. Et valide en même temps le système qui fait l'élection qui fait le système. Certes. Ça offre un autre regard sur l'abstention. Je serais bien tentée de ne rien valider cette fois, mais je crains d'être encore trop formatée, pas assez rebelle. Ni engagée. N'empêche, ça donne à réfléchir. Ça invite à reconsidérer sa propre façon d'être citoyen. Ça donne envie de changement. De vrai changement. Et comme ce livre très court ne sollicite que 2 ou 3 heures de notre précieux temps, pourquoi ne pas le lire un de ces prochains dimanches ? Jour d'élection. Ou pas.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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