Valentine Goby partage ses choix littéraires
Inspiré d'un fait-divers survenu en 1856, Beloved exhume l'horreur et la folie d'un passé douloureux. Sethe est une ancienne esclave qui, au nom de l'amour et de la liberté, a tué l'enfant qu'elle chérissait pour ne pas la voir vivre l'expérience avilissante de la servitude. Quelques années plus tard, le fantôme de Beloved, la petite fille disparue, revient douloureusement hanter sa mère coupable. Loin de tous les clichés, Toni Morrison ranime la mémoire, exorcise le passé et transcende la douleur des opprimés.
Valentine Goby partage ses choix littéraires
Isabelle Alonso nous dévoile sa bibliothèque idéale.
La prise de Rome, le destin de Louis XVI ou la ruée vers l’or, quoi de plus passionnant. De l’action, des intrigues, des rebondissements, plus qu’un peplum, la littérature en offre à foison. Allons à l'essentiel...
Un thème grave, une histoire non moins dramatique et une lecture dure.
Le flash back entremêle les souvenirs des uns et des autres, le vécu et l’imaginaire, l’oublié et le remémoré, la raison et la folie.
L’écriture sert l’idée, la phrase se soumet à l’oral, le récit à l’esprit.
S’il est parfois rien moins que facile à suivre, le cours de l’histoire emporte comme un flux qui noie, refoule et laisse sur le bord, puis reprend. L’émotion étreint et désempare.
anne.vacquant.free.fr/av/
La parution récente de cette nouvelle traduction de Beloved aux éditions Bourgois par Jakuta Alikavazovic m’a donné envie de me plonger dans ce roman. Toni Morisson, Nobel de littérature 1993, a obtenu le prix Pulitzer en 1988 pour Beloved, qui est considéré comme l'une des meilleures oeuvres de fiction américaine. Son histoire est inspirée d'un personnage et de faits réels.
Nous sommes en 1873, à Cincinnati dans l'Ohio, juste après la guerre de Sécession. Sethe vit au 124 Bluestone Road, une maison située en zone libre qu’elle avait rejoint avec ses enfants il y a dix-huit ans, alors qu’elle était fugitive. De cette famille il ne reste plus que Sethe, sa fille Denver et le fantôme de sa fille ainée assassinée, Beloved.
Toni Morisson écrit un roman très exigent pour son lecteur. Elle procède par ellipse narrative éclairant par touches successives le drame central du roman: la mort de Beloved. Pour cela, elle rassemble les souvenirs succincts de divers personnages, à des époques différentes, laissant le lecteur face à un récit éclaté.
L’écriture est laborieuse, mais ce n’est pas fortuit. Toni Morisson fait sans aucun doute souffrir son lecteur pour mieux faire passer son message: décrire la réalité cruelle de l’esclavagisme et la difficile réappropriation de sa liberté suite à l’abolition. Quand on est nié dans son humanité, toujours pourchassé par ses anciens maitres blancs ou encore persécuté, le traumatisme perdure, comme une plaie ouverte. On peut être amené à commettre l’irréparable, un sacrifice ultime, comme un acte d’amour désespéré…
Beloved est un grand roman, une expérience de lecture inoubliable, un plaidoyer universel et sans complaisance contre la cruauté et pour la dignité humaine. Bravo à Jakuta Alikavazovic pour cette magnifique traduction toute en finesse.
« Peut-être le roman parfait »… Ce n’est pas moi qui le dit mais la traductrice, Jakuta Alikavazovic, dans une postface enflammée, sous titrée De la liberté. Elle dit son éblouissement et son désir de ce roman dans une lecture qui adopte le temps de l’écriture… La traduction comme une lecture privilégiée : c’est beau pour celle ou celui à même d’atteindre ce Graal. Ainsi, le texte retrouve une nouvelle jeunesse, une nouvelle vigueur bienvenue, n’en déplaise aux bas-de-plafond instaurant de nouvelles formes de censures, proscrivant Beloved de nos jours dans certains établissements scolaires, aux États-Unis…
On a de plus en plus de nouvelles traductions de classiques, cela me réjouit. J’ai même du mal à résister à ce type de publication. Et pourtant j’avais toutes les raisons de reporter cette lecture avec les dizaines de romans reçus pour la sélection du Prix du livre Orange 2024... Mais je ne regrette pas de ne pas avoir résisté et de m’être plongé dans ces pages magnifiques. D’une certaine manière ce livre là, avec la postface qui se hausse au niveau de l’œuvre, bénéficiant du recul de 25 ans, me sert de mètre-étalon pour élaborer un avis sur les romans tels qu’ils se publient actuellement. J’ai comparé de longs passages de la traduction de 1989 avec celle-ci. Je préfère de loin celle-ci, sans être en mesure de dire laquelle respecte l’originale… Mais est-ce la question si l’esprit du texte est respecté ? Toute traduction est une interprétation et on l’admet facilement pour la musique de Bach, Beethoven, Mozart… Ici l’écriture et le rythme sont plus vifs, le texte plus resserré donnant une musique favorisant l’accueil du sens, de cet amour retiré et donné à la fois à Beloved.
Chronique complète sur mon blog Bibliofeel ou sur Page Facebook Clesbibliofeel, bien plus longue que d’habitude, mais comment parler d’un chef-d’œuvre en quelques lignes ? J'y ai évoqué la nouvelle traduction et la postface de la traductrice qui fait corps avec le texte de Toni Morrison, puis résumé le roman de façon chronologique, ce qui peut éviter à certains lecteurs d’être rebutés par le côté éclaté de la narration. Je n’ai pas pu résister à donner des extraits de la postface de la traductrice dont l’analyse, brillante, magnifie encore un peu plus le texte de Toni Morrison. Pour terminer avec quelques citations dans cette traduction récente et dans celle de 1989, due à Hortense Chabrier et Sylviane Rué, à titre de comparaison.
Un livre essentiel – rehaussé encore par cette traduction lumineuse – qui va entrer dans mon panthéon littéraire personnel, une langue vivante qui fait du bien, un livre qui lave de la médiocrité, de la barbarie. Peut-être bien le roman parfait ! Qu’en pensez-vous ?
Une maison hantée par un bébé malveillant, sacrée entrée en matière ! On apprend pourquoi et c'est dur et extrêmement violent.
D'ailleurs tout est dur, jusqu'à la sexualité des esclaves au Bon Abri, c'est cru, c'est sale, c'est affligeant.
Assez rapidement j'ai eu l'impression de me perdre, obligée de souvent revenir en arrière pour savoir qui est qui et de quel moment on parle. Sans compter tous les Paul et les liens de parenté… Je me suis dit que mon esprit n'était peut-être pas assez affûté pour comprendre Toni Morrison. Beaucoup de flash-backs et de digressions obscures m'ont égarée. Pourtant hors de question pour moi de lâcher l'affaire, il y a trop longtemps que ce livre m'appelle. Heureusement j'ai fini par me faire à cette narration particulière.
Ancien esclave au Bon Abri avec Sethe, Paul D débarque chez elle vingt-cinq ans plus tard.
Au fil des souvenirs cachés de Paul D et de Sethe, on entrevoit des souffrances subies inimaginables. Comme si les esclaves noirs avaient été victimes de choses dont nous n'avons absolument pas idée, que ce que nous savons de leurs souffrances est infime par rapport à la réalité. C'est glaçant tant la cruauté était sans limite.
Sauf que Sethe ne veut pas se rappeler, pas y penser, pas en parler. Elle veut juste que ça reste enfoui au plus profond d'elle. Alors que Paul D en parle, comme ça, juste parce que c'est là, que ça a existé.
Un jour, arrive chez Sethe et Denver une étrange petite personne qui dit s'appeler Beloved. Paul D la voit d'un très mauvais œil mais elle est fragile et faible et reste à demeure chez ces deux femmes qui se prennent d'une espèce de passion pour elle. Je me suis beaucoup demandé si c'était une grande enfant ou une petite adulte. En tout cas elle sait beaucoup de choses sur Sethe et puis son nom est ce qui est gravé sur la tombe du bébé assassiné.
Au fil des souvenirs évoqués, on apprend la tragédie de ces gens, de cette famille.
Toni Morrison raconte ici l'histoire terrible des noirs en Amérique et de l'esclavage. Il est aussi question de confiance et de trahison, de la condition des femmes noires, de la brutalité de beaucoup d'hommes et de la lâcheté de certains autres, à moins que ce ne soient les mêmes. Mais aussi de l'amour maternel capable de tout jusqu'à l'abnégation absolue, et on oscille entre surnaturel et folie, et peut-être est-ce la même chose. C'est un roman extrêmement déroutant. L'écriture est belle et ce qui est raconté est très fort, pourtant je ne saurais pas dire si j'ai aimé. Peut-être avec le temps laissera-t-il en moi une empreinte que je ne connais pas encore.
J'ai trouvé cette histoire oppressante et malsaine, le contexte terrifiant. Et comme souvent je me demande pourquoi l'humanité est si féroce.
Peu de choses à ajouter aux critiques déjà faites sur ce site. Je confirme juste la difficulté d'entrer dans ce récit foisonnant et complexe et l'attention exigée pour profiter pleinement de cette ode à la dignité et à la liberté.
Il est des ouvrages dont on reconnaît la valeur mais dont on peine à dire qu'ils furent un bon moment de lecture. Peut-être sont-ils trop dérangeants. (cfr critique de Levant). Désolée Levant si je plagie une partie de ta critique mais c'est exactement ça que je veux dire !! Je ne sais si je dois mettre 1 ou 5 étoiles ... Certes, c'est un grand livre ! L'histoire de Sethe, son drame, son esclavage etc est dramatique ! Mais quelle torture pour moi de lire ce livre jusqu'au bout !!! c'est une lecture hyper difficile, ardue, fastidieuse et qui n'en finit pas ! Des chapitres entiers qui ne veulent rien dire !! Enfin je rectifie : des chapitres entiers qui veulent dire beaucoup mais qu'on ne comprend rien à la lecture !!! contentez vous des images que le texte vous apporte ... Sont-elles justes ? Aucune idée. On s'en fout ! Souffrez en silence ^^ Bref 3 semaines pour arriver à la fin de cette lecture ! Enfin je suis libérée de ce fardeau ... Mais je vous entends me dire mais pourquoi ne l'as tu pas abandonné si c'était une torture pour toi de le lire ? Premièrement pour pouvoir, en toute connaissance de cause, en parler.
Deuxièmement parce que dans ma vie de lectrice je n'ai abandonné qu'un seul livre : Alice au pays des merveilles
et Troisièmement parce que même si c'était laborieux, je ne peux que reconnaître la valeur de ce livre !
1873, Cincinnati dans l’Ohio. Sethe vit avec sa fille, Denver, dans une maison habitée par un fantôme malveillant. Cela fait dix-huit ans, l’âge de Denver, que les deux femmes se sont installées en ces lieux, depuis que Sethe, alors enceinte, a réussi à fuir la plantation où elle était esclave. En 1855, elle avait fini par rejoindre sa belle-mère, rachetée par son fils, et ses trois autres enfants, également évadés, dans cette maison située en « zone libre ». Retrouvée par les fermiers blancs, Sethe avait alors commis l’irréparable : pour lui éviter l’asservissement, elle avait égorgé une de ses filles, Denver et ses deux frères échappant de peu au massacre. Un jour, se présente chez Sethe et Denver une jeune fille dont le prénom Beloved correspond à la seule inscription figurant sur la tombe de l’enfant tuée…
Couronné par le prix Pulitzer en 1988, adapté au cinéma, ce roman est considéré comme l’une des meilleures œuvres de fiction américaine. Son histoire est inspirée d’un personnage et de faits réels. A partir de l’acte désespéré d’une femme, devenue infanticide pour épargner l’esclavage à sa fille, Toni Morrison a créé un récit littéralement habité par l’ombre de toutes les victimes de la traite négrière. Au travers du fantôme qui vient hanter Sethe, et tout au long des retours dans le passé éclairant les conditions de vie de cette femme et des siens, se dessine peu à peu la réalité crue de l’esclavage aux Etats-Unis, ainsi que les profonds traumatismes que son abolition n’a pas estompés. Traités comme du bétail juste bon au travail et à la reproduction, privés de vie affective et familiale, ces êtres niés dans leur humanité ne se sont pas retrouvés libres par la simple fin de l’esclavage. Alors que, par ailleurs, la chasse aux noirs, les meurtres et les persécutions n’étaient pas prêts de disparaître, restait encore à tous les anciens esclaves à se réapproprier « la propriété de ce moi libéré », et à parvenir à vivre avec les terribles fantômes d’un passé qui n’en finissait pas de les torturer.
Procédant par de curieux bonds et détours au gré de la résurgence tronquée et déformée des souvenirs de Sethe, laissant au lecteur le soin de reconstituer la réalité présente et passée au travers des perceptions, des croyances et des émotions des personnages, le récit tout en ellipses et non-dits repose sur une construction et un style souvent déconcertants par ce qu’ils semblent comporter de désordre et d’irrationalité. Tourbillon tumultueux où le fantastique gothique reflète l’état de confusion d’une Sethe en train de glisser dans la folie, le texte exige du lecteur qu’il devine lui-même l’au-delà des représentations dans lesquelles les personnages se retrouvent englués.
Le résultat de cette écriture singulière et exigeante est un puissant cri de douleur, où résonnent toute la violence et l’aliénation à jamais gravées par l’esclavage dans la construction de l’identité noire américaine. Un classique de la littérature, qui mérite largement l’effort d’une lecture souvent désarçonnante.
De Toni Morrison, j’avais déjà lu et beaucoup apprécié Délivrances et Home.
Là, ce fut toute autre chose ! Malgré l’intérêt du récit, la condition des esclaves à la fin du XIX° siècle, leur émancipation et pour certains leur affranchissement, je n’ai pas réussi à accrocher. La lecture fut laborieuse, je me suis perdue dans le temps, les lieux et parfois même les personnages, malgré les allers-retours entre les paragraphes voire les chapitres pour tenter de comprendre.
D’ailleurs j’abandonne (p. 223 sur 379). Peut-être en reprendrais-je la lecture un jour car la dénonciation des horreurs commises durant ces années est malgré tout d’une force et d’une humanité incroyables. L’écriture, comme souvent avec cette auteure américaine, est pourtant magnifique et poétique mais cette fois, cela n’aura pas suffi ! Alors oui cela peut paraître étrange d’apprécier l’écriture et, dans le même temps, de la trouver suffisamment ardue pour qu’elle nous échappe et nous pousse à fermer le livre.
Étonnant sentiment !
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