Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Le narrateur, Chaïm Rosenzweig, a publié sans grand succès quelques livres sous le pseudonyme de Vincent Delecroix. Pour gagner sa vie, il travaille dans la teinturerie de son père, à Paris. Inexplicablement, la NASA l'a désigné pour faire partie de l'équipage d'une navette spatiale qui doit se rendre dans la station internationale. Après des mois passés à préparer la mission à Houston, Chaïm embarque à bord de la navette, avec des cosmonautes bigarrés et dubitatifs quant à la réelle utilité de sa présence. A mesure que l'engin s'approche de la station, Chaïm leur déroule le fil de son existence (car à défaut d'avoir des compétences scientifiques, il parle beaucoup) : ses relations conflictuelles avec son frère, également écrivain mais à succès ; sa rupture difficile avec Clémence ; l'histoire de son ancêtre Meïr Heschel Ben Joseph, figure du juif errant sans fin à travers les siècles.Le récit de Chaïm est brutalement interrompu lors de la découverte d'un passager clandestin qui n'est autre que Jésus. Le Messie n'a pas réussi son Ascension, contrairement à ce que prétend la légende évangélique. Il est resté sur Terre pendant deux mille ans en compagnie des hommes, et perdu toute illusion sur sa capacité de sauver cette engeance. Son but est désormais de rejoindre le ciel, c'est pourquoi il a décidé de détourner la navette. L'humanité est-elle perdue à tout jamais ?Après le grand succès de La chaussure sur le toit, Vincent Delecroix laisse souffler sur Ascension un vent de folie jubilatoire, témoignant d'une vitalité, d'une inventivité et d'une drôlerie époustouflantes.
Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Le 23 novembre à 18h, à Paris dans le 15e arrondissement.
"Ascension" de Vincent Delecroix, un voyage étourdissant, éblouissant !
Les Explorateurs de la rentrée, cinquième édition !
J'avais lu le recueil de nouvelles de Vincent Delecroix, Une chaussure sur un toit, publié en 2007. Comme vous le savez, les nouvelles et moi, ça fait deux, et pourtant, il avait su m'emporter en gardant cette chaussure comme fil conducteur. Mais depuis, il n'avait rien écrit, ce qui explique peut-être qu'il ait eu besoin d'écrire plus de 600 pages cette fois-ci. Si vous aimez les livres déjantés, ce roman est pour vous. L'auteur parvient même à parler de son précédent titre en faisant passer son narrateur juif pour un écrivain ayant choisi un pseudo goy. Certains passages m'ont agacée mais le génie de Delecroix, c'est qu'ils sont faits pour agacer puisque c'est Chaïm, le narrateur, qui tient à jouer son rôle de raconteur d'histoires et nous transmet l'histoire de son aïeul, dont tout le monde se moque. Il y a par contre des moments de grâce loufoque et/ou lyrique comme la scène du musée (l'amour d'Antonio pour Beth nous embarque) ou celui sur la critique littéraire de la Bible. Marc Lévy est régulièrement écorché au passage. Bref, Vincent Delecroix, malgré sa tête de premier de la classe, est complètement fou et j'ai globalement aimé ça.
#Explolecteurs 2017
C’est l’histoire d’un Russe, d’un Mexicain, d’un Français et d’un Américain – pardon, deux Américains parmi lesquels une femme-alibi et un commandant qui ne rigole pas – embarqués dans une navette spatiale qui décolle… Soudain, « Houston, on a un problème… » Oui, on dirait le début d’une histoire drôle ou la parodie d’un film hollywoodien et le roman de Delecroix commence ainsi. Si l’on ajoute à cela que le Français en question est écrivain, qu’il s’appelle Chaïm Rosenzweig ayant publié quelques romans dont La chaussure sur le toit sous le pseudonyme de Vincent Delecroix, on pourra se faire une idée du jeu constant entre le réel et la fiction auquel se livre le véritable auteur avec les codes et les stéréotypes. Pour notre plus grande jubilation ! Nous nous installons donc dans la navette auprès de l’équipage, prêts à passer un bon moment et nous élevons dans l’espace de la narration delecrucienne.
Sauf que… derrière l’intrigue principale, il y autre chose, comme toujours avec le réel Delecroix (enfin le supposé « réel » - le doute finissant par s’immiscer et l’on a tendance à croire davantage en Chaïm qu’en la personne de son pseudonyme): une réflexion philosophique voire métaphysique s’ébauche à travers les histoires des personnages sur les notions de départ, d’errance, du « partir » - titre de la première et plus longue partie sur les quatre du roman-, sur la question du mal et du salut... Il y a d’abord l’épopée familiale de Chaïm et celle de son aïeul Meïr Heschel, sorte de baron de Münchhausen traversant les siècles et le monde à la suite de messies auto-proclamés historiques, et dont Chaïm assomme ses coéquipiers. Les histoires des autres membres de l’équipage vont nous être également distillées lors de cette ascension grâce à de multiples retours en arrière sans jamais oublier l’histoire principale et ce problème (« Houston on a un problème ») lié à la découverte d’un passager inattendu…
Sans rien « dévoiler » de la fin (sens étymologique du mot apocalypse), Delecroix exploite toutes les ressources de ce titre polysémique et construit magistralement son récit jusqu’à le transformer en dialogue de comédie se transmuant elle-même en autre chose de plus grave, de tragique… Mais c’est avant tout l’aventure d’un récit exubérant et savoureux qu’il nous livre, servi avec une écriture élégante, précise - la phrase delecrucienne n’a rien à envier à la phrase proustienne ! avec constamment la juste distanciation de l’autodérision, de l’ironie ou de l’humour (comment ça, nous l’avons déjà dit ? et alors, même si c’était le cas ?). Parce que ce décalage entre le fond et la forme, entre la profondeur de la réflexion et la légèreté du ton pour l’exprimer, fait tout notre bonheur de lecture !
Quand j’adore un auteur, un livre, j’ai coutume d’envier ceux qui ne l’ont pas encore lu pour le découvrir, mais en l’occurrence, c’est un livre qui mérite d’être relu tant il est dense et contient de références à creuser. Faute de maturité, j’ai raté mon année de philosophie en terminale et c’est un manque que je comble grâce à Delecroix mon romancier philosophe préféré de la rentrée. Sans ce roman, il est peu probable que je me sois intéressée à certains mystiques, à Jacob Frank et au frankisme par exemple. Encore une fois, ce roman touffu a plusieurs niveaux de lecture et c’est pourquoi il est si riche et si ascensionnel. Un des grands grands romans de la rentrée littéraire !
Le rendez-vous de la page 100
Alors là je pars ! que dis-je, je pars… je m’élève, j’ascensionne et j’encense Vincent Delecroix de me faire partir en orbite avec une telle joie, une telle euphorie, une telle jubilation que j’en oublie mon sens critique. Pourtant, ce voyage improbable d’un écrivain dans une navette spatiale n’aurait pas a priori pu m’embarquer vers le silence de ces espaces infinis… Qui plus est quand l’écrivain (narrateur) s’appelle Chaïm Rosenzweig et qu’il publie des romans ("La chaussure sur le toit") sous le pseudonyme de Vincent Delecroix… et pourtant ça marche. Parce que l’auteur, c’est Vincent Delecroix et que l’on retrouve les ingrédients philosophiques, littéraires, certains personnages comme Clémence et surtout la belle écriture, l’humour et l’ironie que l’on a tant aimés dans "La chaussure sur le toit"...
« Partir » comme le titre de la 1ère partie de ce roman, je ne demande que ça, alors j’y retourne…
Vincent Delecroix, Ascension ( Gallimard, 2017 )
A l'origine, Ascension est un roman de science-fiction de Christie Golden s'inscrivant dans l'univers étendu de Star Wars : c'est le huitième roman de la série Le Destin des Jedi qui fait suite aux événements se déroulant dans la série L'Héritage de la Force. Le roman de Christie Golden est paru aux U.S.A le 9 août 2011; le dépôt légal d'Ascension par Vincent Delecroix a eu lieu tout récemment en juillet 2017. Le narrateur, Chaïm Rosenzweig, est un écrivain sans grand succès " choisi " par la NASA pour faire partie de l'équipage d'une navette spatiale.
Rien que le titre, Ascension, est déjà une incitation à l'intertextualité dans le domaine de la Science-fiction et c'est vrai que dès le début du roman le narrateur estime que " le commandant Harold Pointdexter était par imitation le commandant qu'il nous fallait pour cette mission. Surtout, vu son aptitude au mimétisme tant moral que physionomique, on pouvait se réjouir ( avais-je dit à Sergei ) qu'il eût préféré L'Etoffe des héros à L'Empire contre-attaque : nous n'avions évidemment aucune envie d'être commandés par Dark Vador ".
Par ailleurs, contrairement à ce que veut faire croire aux lecteurs le résumé publié par certains sites littéraires, le narrateur d'Ascension, Chaïm Rosenzweig, n'a pas été choisi par la NASA : " Mettons un terme au délire, parce que j'ai d'autres choses à raconter : il n'a jamais été question, en réalité, d'un choix. Le responsable, c'est le hasard d'un tirage au sort. " ( page 37 ). Le narrateur en question vit une longue et langoureuse période d'entraînement : il s'entraîne avec le reste de l'équipage dans une ambiance délirante. Décidément, ce roman traîne en longueur, en tout cas dans sa première partie. En effet, dès le début, dès la page 21, ce narrateur évoque six mois d'entraînement : " en ce qui me concernait, car les autres, c'est-à-dire Sergei, Beth et Antonio, étant des astronautes professionnels et confirmés, avaient bénéficié d'un allègement de charge. "
Mais la réflexion philosophique qui découle de cette attente, de l'attente du départ de la navette, n'en est pas moins captivante. En outre, " la littérature, c'est fait pour rendre compte du réel, tu vois papa, saisir les problèmes réels … ", puis-je lire à la page 94. Et c'est cela qui me fascine dans ce roman de Vincent Delecroix, c'est cette capacité à rendre compte du Réel, par petites touches …
Du coup, il faut attendre encore des mois avant que Chaïm Rosenzweig finisse par embarquer à bord de la navette avec le reste de l'équipage. Après avoir fait traîner son roman tout au long d'une première partie de 300 pages consacrée à la dernière mission d'une navette spatiale de la NASA qui ne décolle qu'au milieu de cette première partie, Vincent Delecroix surprend le lecteur en générant une deuxième partie sans contenu narratif ou tout du moins avec juste cette phrase : " Ils voyagèrent ".
Puis vient la troisième et dernière partie et alors un passager imprévu - et néanmoins célébrissime - vient soudain révéler sa présence en pleine ascension … Il faudra quelques temps à l'équipage pour découvrir sa véritable identité : " Jésus ". Et d'ailleurs, ils finissent tous par croire que c'est Jésus-Christ. Vincent Delecroix aura ainsi laissé souffler sur son roman un vent de folie …
J'ai beaucoup aimé ce roman de science-fiction au titre motivant. Vincent Delecroix a un style et une langue académiques. D'ailleurs, romancier, il a reçu le Grand prix de littérature de l'Académie française après avoir publié Tombeau d'Achille. Son œuvre littéraire et philosophique est attentive aux actes et expériences existentiels, comme l'amour, le chant et le sacré. Et je crois qu'Ascension ne déroge pas à cette ligne de base littéraire. D'ailleurs dans la troisième partie du roman, le passager que l'équipage n'attendait pas et qui fait petit à petit son apparition finit par dévoiler son identité à cette équipe médusée : il s'appelle Jésus-Christ et qui mieux que Jésus-Christ pour incarner cet amour, ce sacré ?
Ascension => Mon avis initial de la page 100 :
Choisi par la NASA pour faire partie de l'équipage d'une navette spatiale, le narrateur Chaïm Rosenzweig vit une longue et langoureuse période d'entraînement : ce roman traîne en longueur. " La littérature, c'est fait pour rendre compte du réel, tu vois papa, saisir les problèmes réels ... ", puis-je lire à la page 94. Et c'est cela qui me fascine, dans ce roman de Vincent Delecroix, c'est cette capacité à rendre compte du Réel. Vincent Delecroix use à profusion de la phrase complexe. Sa langue est châtiée, presque académique. Je suis entré dans cette histoire où se prépare l'envol d'une navette spatiale, mais au préalable la préparation est longue : c'est un stade expérimental.
orsque Chaïm Rosenzweig, écrivain à la petite semaine, se trouve recruté par la NASA pour rejoindre un tout nouveau programme spatial et embarquer donc à bord d’une navette en direction d’une station spatiale, il pense détenir là une belle revanche sur la vie. En effet, au sein de sa propre famille, il a toujours eu du mal à trouver sa place, écrasé par la présence étouffante d’un frère , qui lui, réussit tout, alors que Chaïm vivote en travaillant dans le pressing familial.
Ce voyage intersidéral représente l’occasion pour Chaïm/Vincent (parce que oui, j’avais oublié de vous le préciser, mais Vincent Delecroix n’est autre que Chaïm), de poser cartes sur table, de dérouler son histoire, sa vision du Monde et d’accéder peut-être ainsi à la première marche du podium familial, voire plus !
Abordant moult sujets avec finesse, humour et élévation (à tous les sens du terme), par le biais de dialogues délicieusement subtils, l’auteur embarque le lecteur avec lui dans cette improbable aventure, peuplée de personnages qui le sont tout autant. A noter par exemple l’intervention de Jésus en personne (j’ai adoré ce moment-là du livre).
" Jésus : " ....A la sortie du tombeau, quelques jours après, j'ai bien compris que je ne pouvais pas repartir comme ça, qu'il fallait que je reste encore un peu. Qu'est-ce que c'est que partager la condition des hommes si on ne partage pas aussi leur histoire, un bout de leur histoire ? Il ne suffit pas de mourir pour connaître cette condition : il faut encore vivre, continuer à vivre, continier à marcher sur cette Terre. Je ne pouvais pas repartir après avoir annoncé tant de choses, suscité tant d'espoir, provoqué tant de scandales"..
J’ai aimé cette vision d’en haut, ce découpage au scalpel et sans concession d’une société matérialiste et en perte de repères dans laquelle on ne prend plus le temps, faute de temps..
J’ai été touchée par ce récit qui s’apparente à une fable initiatique selon moi, sous des apparences loufoques.
Enfin, chapeau bas pour les dernières lignes, et l’émotion qu’elles contiennent.
Rendez-vous de la page 100 d'une #Explolectrice #RL2017 :
Un festival, un feu d'artifice, une fête des mots et de la littérature, un gala bienfaisant, bref je suis enthousiasmée par ces 100 premières pages ! J'ai ri, mais j'ai ri aux éclats en découvrant les mésaventures de l'équipage de cette navette spatiale qui m'emmène au septième ciel de la littérature ! Pourvu que "ça tienne" sur les 524 pages qui restent !
Et finalement :
Mâtin, quel roman ! Et la lectrice que je suis de se trouver bien embarrassée au moment d'exprimer l'entièreté de son plaisir et de son admiration ! Par où commencer et surtout comment rendre compte de toutes les facettes de cet ouvrage foisonnant ? Essayons...
L'intrigue initiale pourrait en quelques mots être résumée : la navette spatiale Farewell 000 est sur le point d'effectuer sa dernière mission vers la station orbitale internationale. Sous les ordres du Commandant Harold Pointdexter, l'équipage suit l'entraînement nécessaire au bon déroulement des opérations avant de s'embarquer pour un voyage qui risque de le conduire bien au-delà de la destination attendue. Sauf qu'à ce scénario finalement assez simple viennent se greffer des histoires d'amour, des récits bibliques, un soupçon de polar, une larme d'éclats de rire, une ombre d'espionnage, le tout lié par une écriture qui se plie à toutes les bouffonneries et aux situations les plus rocambolesques...
Car l'équipe que Pointdexter tente de diriger est une sorte de Tour de Babel en réduction qui réunit des spationautes professionnels comme Sergei, colonel de l'armée russe à tendance dépressive, Beth, jeune astronaute américaine au rôle hésitant, Antonio, mexicain amoureux de la précédente, et Chaïm Rosenzweig, candide spatial, juif, français, écrivain de seconde zone sous le pseudonyme de Vincent Delecroix, philosophe de pressing et inénarrable narrateur de ces aventures intersidérales et métaphysiques.
Pourquoi la NASA a-t-elle jugé bon d'intégrer Chaïm à cette mission de la plus haute importance ? Est-ce parce qu'il est juif ? Ecrivain ? Français ? Incompétent en matière d'astrophysique ? Frère d'un philosophe de renom nommé Abel ? Peut-être pour toutes ces raisons à la fois, car, endossant le rôle d'une Shéhérazade moderne, Chaïm manipule l'histoire à son gré et utilise sa virtuosité de conteur pour tenir captifs ses partenaires, les temporalités, la navette elle-même... et ses lecteurs ! Et c'est vertigineux !
Vincent Delecroix se permet tout et réussit tout dans ce roman, qui, pour moi, est une extraordinaire leçon de théorie littéraire et de philosophie. En jouant avec les conventions et les codes romanesques, il met en évidence leur fonctionnement et instaure avec le lecteur une complicité espiègle et ironique fort réjouissante. Tout fait sens dans cette richesse formelle, qui marie récits enchâssés, pastiches, intertextualité, éclatement des frontières génériques et un échantillon impressionnant de procédés narratifs ! La construction même fonctionne comme une fusée en pleine ascension dont les étages se séparent progressivement jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la structure essentielle : celle qui mène à la destination finale.
En lisant "Ascension", j'ai eu l'impression d'être dans la "centrifugeuse" de la base d'entraînement : bousculée, ballotée, débordée, emportée dans une dimension inouïe où tout est prétexte à rire en réfléchissant et à s'enrichir sans se prendre au sérieux. Un voyage si étourdissant, si éblouissant, que je suis prête à le recommencer pour en apprécier encore davantage tous les charmes et en goûter tous les sucs !
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