Après "La petite communiste qui ne souriait jamais", Lola Lafon nous captive avec son nouveau roman de "Mercy, Mary, Patty"
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu'il soit construit.
Après "La petite communiste qui ne souriait jamais", Lola Lafon nous captive avec son nouveau roman de "Mercy, Mary, Patty"
Bakhita s'annonce comme l'un des grands livres de cette rentrée, et si on suivait les conseils de lecture de Véronique Olmi ?
Séance rattrapage, quels romans allez-vous lire cet été ?
Et si on composait un texte nous aussi ?
Parce qu’au cours d’une partie de pêche au large de Brest, il a jeté et abandonné un homme à la mer, le narrateur Martial Kermeur a été déféré devant un juge. Il est auditionné, mais, dans le huis clos qui le place face à lui-même autant qu’au magistrat, sa confession se mue en implacable réquisitoire, et, sous les traits du meurtrier, se profile bientôt la victime d’une insupportable machination. L’on ne devient pas assassin du jour au lendemain. Victimes ou coupables, tout est parfois question de point de vue...
Son quasi monologue s’ouvre sur l’horizon modeste d’un ouvrier de l’arsenal de Brest, horizon encore raccourci par quelques vents contraires : opportunité manquée, divorce, chômage, et voilà notre homme seul avec son fils de onze ans et une prime de licenciement, de quoi investir dans un bateau de pêche et enfiler le ciré jaune, seule reconversion plausible dans cette région sans avenir économique. C’est dans cette grisaille que surgit une perspective inespérée, en la très avenante personne d’Antoine Lazenec, un promoteur immobilier vendeur de rêve et de standing, plein de projets dynamisants que plus personne ici n’aurait osé imaginer. Séduit comme beaucoup d’autres par la promesse d’un « Saint-Tropez du Finistère », Kermeur lui confie tout son argent. Le temps passe, mais aucun complexe immobilier ni touristique ne sort de cette terre fatiguée, usée jusqu’à la moelle par les vents et les flots.
Comme souvent les victimes de grosses arnaques, si bien prises à leurs espérances qu’elles préfèrent s’enfermer dans le déni malgré les évidences, les pigeons vont se laisser leurrer des années durant. Jusqu’à ce que les drames s’enchaînent, dans une cascade n’épargnant que l’escroc, plus que jamais plastronnant et occupé de son grand train, sans remords ni conscience dans son aplomb inoxydable et dans son intouchable toute-puissance. Enfin revenu de sa crédulité, dépouillé, trahi et humilié, mais surtout blessé au travers de son fils, victime collatérale, et désespérant d’une quelconque « justice naturelle qui ne tombera peut-être jamais », Kermeur décide, dans sa colère, d’entrer en révolution pour inverser, ne serait-ce qu’une fois, le sempiternel cours de l’histoire qui veut qu’une poignée de puissants menteurs et corrompus impose ses dés pipés à une majorité d’éternels perdants.
Se dévidant en longues phrases qui reflètent à merveille les efforts d’ordonnancement de la pensée, entre incrédulité, lassitude et sentiment de délivrance, d’un homme droit, mené au meurtre par les circonstances, le texte est d’une virtuosité confondante, chaque tournure renversante de justesse, d’originalité et de vraie beauté. Et c’est l’âme troublée, qu’à la fois dans la tête du prévenu et dans la peau de son juge, on l’observe tenter de tracer « la ligne droite des faits », en réalité « la somme des omissions et renoncements et choses inaccomplies » et « comme l’enchaînement de mauvaises réponses à un grand questionnaire » qui ont fait déraillé sa vie. A moins que le dénouement ne réserve quelque surprise… Coup de coeur.
Le résumé de l’éditeur :
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l'ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec. Il faut dire que la tentation est grande d'investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer.
Encore faut-il qu'il soit construit…
Ce que j’en pense :
Déroutant au départ, par le ton du narrateur, le Je de Martial Kermeur accusé de meurtre et son récit au juge d’instruction.
On est ensuite piégé par le déroulement de l’histoire
Face au juge, il se souvient, ajuste, raconte, déroule le film de sa vie : licenciement, départ de sa femme, survenue de Lazenec, retrace désespérément "la ligne droite des faits", le poids des échecs et des infortunes, ses rapports avec son fils ...... A propos de ce dernier, il dit :
« Au départ, c’est moi qui l’emmenais, et puis peu à peu, c’est lui qui s’efforçait de venir avec moi, comme pour me faire plaisir, ou pire encore, ne pas crier partout sa pitié ou sa honte. (… ) Un fils, il n’est pas programmé pour avoir pitié de vous. »
Avec ses mots à lui, sa sincérité, sa crédulité abusée, son incompréhension, son accablement.
Et sous ces mots bruts, on perçoit sa sincérité, son humanité, son incapacité à comprendre la traitrise.
On sort complètement des sentiers battus de la narration, avec la parole libre, parfois heurtée de Kermeur et c’est une véritable réussite.
Un magnifique huit-clos
Quant aux lecteurs curieux et impatients de comprendre l'article 353, il apparaît seulement en conclusion.
Mieux vaut donc en ignorer le contenu pour ménager le suspense même si "nul n'est sensé ignorer la loi "!
Un récit remarquable, une réflexion, une méditation sur le mal en l'homme, sa responsabilité individuelle, le destin et le mécanisme d'un scénario menant d'une manière implacable au drame !
Article 353 du Code Pénal.
C'est le titre de ce livre de Tanguy, Viel qui m'a amené sur les traces d'Antoine Lazenec promoteur immobilier dont le corps a été retrouvé sans vie en mer, Martial Kermeur ouvrier Breton qui floué a commis l'irréparable, et d'un juge d'instruction. Celui-ci est amené à instruire à charge et à décharge cette enquête judiciaire et de rendre une ordonnance de renvoi total, partiel ou de non lieu. Tout au long de ce roman qui dès les premières lignes nous présente la personne mise en examen, nous prenons connaissance de l'affaire, je dirai-même des affaires, ses tenants et ses aboutissants. Au fur et à mesure que l'on progresse, le dossier s'épaissit. Cette histoire prend de plus en plus de consistance que ne laisser entrevoir l'auteur en préambule.
173 pages il nous est donné lecture d' un article très important du code de procédure pénale l'article 353. C'est à partir de cet article que ce juge d'instruction va rendre son ordonnance. En effet dans cet article 353 du CPP, la loi ne demande pas de compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles. Elle leur prescrit de s'interroger eux mêmes dans le silence et le recueillement la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?
Je ne suis pas sur que dans ces circonstances un autre juge saisi par le procureur de la République parvient à cette même conviction. Mais comme il est mentionné ci-dessus je vous laisse découvrir celle qui a emporté ce juge dans l'affaire Kermeur-Lazenec.
Ne cherchez plus l'article 353 du code pénal il a été abrogé le 1er mars 1994.
Alors qu’il vient de pousser par-dessus bord Antoine Lazenec à des miles de la rade de Brest, Martial Kermeur est arrêté par la police.
Dans le bureau du juge commence sa confession des événements qui l’ont mené jusque-là.
Article 353 du Code pénal est un roman habilement mené sous la forme d’un huis clos. Dans cette tragédie, l’écriture de l’auteur vous harponne et, tant par les événements que la façon dont ils sont racontés, vous n’en ressortirez pas indemne. Magistral.
lu en juillet 2019.
J'avais déjà lu Paris-Brest de cet auteur.
J'ai vraiment bien aimé cet ouvrage de par sa construction qui nous met dans la tête du principal protagoniste via un long monologue.
Petit à petit on découvre pourquoi et comment il s'est retrouvé dans le bureau de ce juge. Derrière la construction littéraire, on est amené à réfléchir sur la nature humaine et l'évolution du monde actuel.
rien à dire , c'est super.
Le septième ouvrage de Tanguy Viel se déroule dans le Finistère . Antoine Lazenec, promoteur immobilier véreux, est jeté en mer par Martial Kermeur au cours d'une partie de pêche. Pour quelles raisons ? Confronté à un juge, le meurtrier va essayer d'expliquer son geste en racontant chronologiquement toute l'histoire depuis ses origines. Divorce, garde de son fils Erwan, désillusions du socialisme des années Mitterand , licenciement économique par l'arsenal de Brest. Un enchaînement infernal dans une région sinistrée. Enfin arrive un sauveur séduisant portant un projet de complexe immobilier à vocation touristique. Beaucoup vont le suivre aveuglément en investissant leurs économies. Roman noir, social, psychologique au style fluide et précis, mais sans emphase. L'auteur, usant de plans et de références cinématographiques, s'inspire aussi de Simenon et de Dostoievski et nous livre une réflexion profonde et humaniste sur le mal.
Un long monologue dans le bureau du juge pour retracer toute l'histoire qui l'a mené là. Nous devenons juge face à ce récit et suivons les pensées de Martial Kermeur, avec des aller-retour entre ce quel ressent, la chronologie de l'histoire, les souvenirs qui remontent.
C'est bien écrit, agréable, très imagé, parfaitement interprété par Féodor Atkine. Une agréable écoute
Une écriture précise, factuelle, concrète qui pose les bases d'un questionnement philosophique passionnant, et bouleverse nos points de vue et nos stéréotypes. Un lire qui réapprend à penser, et à rester critique, éveillé face aux instances établies. Un livre puissant qui m'a redonné goût à la rébellion.
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Bonjour,
Merci. Non, je suis très tentée, mais je crains de n'avoir pas la disponibilité nécessaire, notamment pour les points en présentiel.
Bonjour,
J’apprécie bcp tes chroniques. As-tu postulé pour le Prix Orange Romans 2024 ?