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Voilà un autre titre, paru en début de mois de mai chez les Editions Viviane Hamy, qui lance cette saison de la Lituanie, Se voir en l’autre / Kitas Tas Pats, organisée entre autres par l’Institut Français – j’en parle ici : Undinė Radzevičiūtė est une autrice lituanienne, née à Klaipėda, la ville de naissance de Tomas Venclova. Il faut dire que du pays, à côté de Vilnius la capitale, Klaipėda et Kaunas sont des villes essentielles au point de vue culturel. Elle a reçu le fameux prix européen de littérature en 2015 pour son roman Žuvys ir drakonai (Fish and Dragons, 2013). Elle est également historienne et, sans surprise, les fictions historiques se révèlent être son genre de prédilection. Ce que notre roman ci-présent ne manque pas de confirmer.
Berlin, République de Weimar, 1926. Walter est un jeune dandy, qui se pense atteint d’une maladie incurable, richissime, il vit en célibataire dans la demeure qu’il a hérité d’Egon, son grand-père. Sa sœur Lotta et son neveu Axel viennent ponctuellement lui rendre visite. Ce grand-père ne lui a pas seulement légué la demeure, mais l’ensemble de ses biens et en particulier une bibliothèque hors-du-commun. La scène liminaire du texte est un dialogue entre frère et sœur qui échangent sur leur ville, Berlin, et son atmosphère particulière en cette fin de décennie, en peu moins de dix ans après la fin d’une guerre, qui a laissé une Allemagne perdante sur bien des plans et en premier lieu sur le plan économique. C’est la misère, et la débandade, les mœurs y sont légères, les lupanars pullulent, et la poudre blanche commence à faire son apparition. C’est la période d’entre-deux-guerres, une période pleine d’espoirs et de désillusions en même temps, des Berlinois en recherche d’idéaux, alors que Lotta s’avère être une épouse déçue, car trahie par ses deux maris, qui sont allés voir ailleurs si l’herbe y était plus verte, et que Walter, jouant l’agonie, se complait dans cette maladie imaginaire.
Tout part de ce tableau que Lotta réclame à son frère, du peintre allemand Cranach, une demande que ce dernier a bien du mal à comprendre tellement il le trouve laid. De laideur et de beauté, il en sera question tout au long du roman, de la vie de Walter jusqu’aux années soixante-dix. Après l’épisode du tableau, Walter s’emploie à montrer à son neveu certains livres de cette fameuse bibliothèque, pas n’importe lesquels puisqu’il choisit de montrer ceux recouverts de peau de bêtes, et encore plus glauque, de peau humaine. C’est à ce point une fascination totalement morbide qui va s’enraciner dans le cerveau, bien plus malade que le corps, de l’homme, qui va partir dans un débat intérieur sur la question de la beauté et du mal, la corrélation entre deux concepts, l’idéal que va se fabriquer l’homme : la recherche du Beau, de ce qu’il implique, c’est-à-dire à faible ou grande mesure, d’une goutte ou d’un océan de Mal. Walter va se lancer dans la constitution de sa propre œuvre d’art, en prolongation de ce qu’Egon son propre aïeul a commencé, des livres recouverts de véritable peau humaine. Mais l’exigence de Walter est encore plus élevée, elle implique des peaux minutieusement tatouées donc soigneusement triées et sélectionnées.
On ne peut pas ne pas penser au Baudelaire des Fleurs du mal, qui tente de s’échapper de son ennui existentiel, qui cherche par certains de ses poèmes à trouver de la beauté dans laideur, de cette recherche d’un Beau qui n’a rien à voir avec le Bien, ce que Walter va transposer en une recherche d’esthétique qui va le mener sur les voies sombres de l’assassinat pour assouvir ses besoins de collectionnite, dans le fond très malsaine, mais qui vont satisfaire sa recherche de son propre Beau. Dans cette période charnière, impossible de ne pas passer à côté de ce que ce traitement de l’humain, séduit, massacré, broyé pour satisfaire un individu, annonce. Dans son monde de synthèse, les Paradis Artificiels qui sont les siens sous l’état poudreux de la cocaïne humée, tout nouveau remède en vogue dans ce Berlin des années vingt, Walter reprend vie et explore son inhumanité, cette satisfaction perverse qu’il a à posséder des hommes et femmes dans sa bibliothèque, d’avoir obtenu le livre unique et parfait – à ses yeux – à fois si humaine, et tellement inhumaine.
Ce roman porte à la fois la noirceur des romans gothiques qui jouent avec tous les codes de la mort, du roman historique qui s’implante là même où le mal historique éclora dix ans plus tard, Sade, Wild, Baudelaire, ceux qui ont amené avant cela, la beauté de la souffrance, sa jouissance, à travers la mort, moyen ultime de posséder un être humain -posséder sa peau et ses pensées, son essence à travers ses tatouages – à travers la distinction entre Bien et Beau, Mal et Mauvais et l’ordre et désordre. Le désordre d’un Berlin ensauvagé, image martelée régulièrement d’abord par Lotta, remariée à cet homme, Rudolf qui deviendra le parfait modèle du nazi de service. Cette notion d’ordre et de désordre n’est en outre
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