Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Un roman surprenant, découvert grâce au site web « la Carte des Argonautes », qui nous emmène au XIème siècle sur les traces d’une jeune femme prosélyte originaire de Rouen.
Force est de constater que le titre donné au roman en français est assez trompeur : « le Cœur Converti » évoque une romance historique. La couverture, une photo d’une jeune femme aux longs cheveux nattés en robe grise sur fond d’abbaye, ne fait rien pour arranger cette erreur, bien au contraire. Résultat : certains lecteurs, pensant à tort lire une romance historique, seront très déçus, alors que d’autres excluant d’office la possibilité d’acheter ou d’emprunter le roman pour cette même raison, se retrouveront privés du plaisir de découvrir ce roman hybride, qui vaut pourtant le détour. Seule l’édition Gallimard peut amener le lecteur à se douter qu’il s’agit d’autre chose que d’un roman à l’eau de rose.
Stefan Hertmans adopte un style à mi-chemin entre le récit historique et le roman de fiction, à la manière d’un carnet de voyage où il noterait ses impressions et sensations pendant ses diverses visites des villages au Sud de la France jusqu’au Caire. Ce mélange des genres littéraires, qui semble être la marque de fabrique de l’auteur -selon ce que j’ai pu lire par ailleurs sur ses autres ouvrages (« Guerre et Térébenthine », « Une ascension »)-, m’a d’abord rebutée, et a entravé ma lecture. Au bout de quelques chapitres, j’ai laissé le roman de côté. Et puis, quelques semaines plus tard, je l’ai repris, et je ne l’ai pas regretté. Si le début (c’est-à-dire le récit de l’enfance normande de Vigdis puis sa fuite avec David ) peut sembler long et ennuyant, la deuxième partie du roman, bien que terrible, est bien plus enlevée.
Vidgis Adélais est une noble normande, de sang viking et flamand, puisque son père est un Normand et sa mère issue d’une famille de la noblesse flamande. Lors de l’une de ses promenades, elle fait la rencontre d’un jeune juif, David, étudiant à la yeshiva de Rouen. C’est le coup de foudre et les deux amoureux décident rapidement de fuir pour rejoindre des terres plus clémentes (du moins le semblent-elles), à savoir le Sud de la France et la famille accueillante de David. Ils s’établissent un temps à Narbonne, puis dans le petit village de Monieux, où Vigdis se convertit à la religion juive. Mais un malheur vient bientôt frapper le village : les croisés, répondant à l’appel de Clermont-Ferrand du pape Urbain, s’élancent sur les routes de France, avec l’objectif de reprendre Jérusalem. Ils n’hésitent pas à piller, violer et détruire des villages au nom de Dieu. Monieux est un des villages victimes de leur passage.
Je n’ai pas beaucoup empathisé avec les personnages, sans doute car l’auteur a fait le choix de les présenter d’une manière historique, tenant ainsi le lecteur à distance. Difficile donc de se sentir proche des personnages dans de telles conditions. L’histoire d’amour entre David et Vidgis est présentée de manière très froide, alors que pour tout quitter sans regarder derrière elle, la jeune femme doit forcément être sous le coup d’une passion débordante. En lisant un commentaire sur Babelio, j’ai mis le doigt sur ce qui me gênait (et qui visiblement a gêné bon nombre de lecteurs) : l’absence de dialogues. Certes l’auteur nous fait part de certaines interrogations et questionnements de Vidgis, mais ce n’est pas assez pour que le lecteur se sente impliqué et lié aux personnages, et surtout Vigdis, en tant qu’héroine de cette histoire.
Cela étant, la trajectoire de vie tragique de Vigdis, du massacre du quartier juif de Monieux jusqu’à sa mort, en passant par sa démence, provoquée par les nombreux drames auxquels elle est confrontée, fait forcément réagir et réfléchir sur la place des femmes au Moyen-Age. Violée dès le début du roman par des vagabonds dans les bois, elle est de nouveau violentée lors de sa traversée en bateau sur le Nil. Victime collatérale des massacres religieux, Vigdis n’a personne vers qui se tourner : reniée et recherchée par sa famille pour avoir osé fuir et se convertir au judaïsme, elle est menacée d’être enfermée pour le restant de ses jours, ou, pire, brûlée sur le bûcher. Elle a pour seuls soutiens les juifs qui sont sa nouvelle communauté, mais son physique de Normande la trahit : si certains acceptent de l’aider, d’autres la voient comme une chrétienne, et ne sont pas très enclins à lui offrir un quelconque appui. L’auteur nous décrit un Moyen-Age particulièrement violent, où les ours et les serpents ne sont pas les dangers les plus graves à redouter. Ce sont les hommes, leur fanatisme (« Deus lo volt »), leur avidité et leur cupidité qui mettent en péril la vie de Vigdis.
Si la plupart des évènements et péripéties retravaillées par l’auteur sur la base des documents historiques très parcellaires retrouvés dans la genizah du Caire, je reste sceptique quant au fait que des chevaliers normands soient encore à sa recherche des années après son départ de Rouen…J’ai eu l’impressio
En 1979, alors qu'il se promène à Gand, en Belgique, l'auteur tombe sous le charme d'une maison qu'il décide d'acheter. Il y passera vingt ans avec sa famille. Alors qu'il l'a déjà revendue il découvre qu'un certain Willem Werhulst l'a également habitée avec toute sa famille, des années auparavant.
Mais ce qui lui donne le vertige, c'est que cet homme à priori ordinaire a intégré la SS et a été très fortement impliqué dans une collaboration intense avec le IIIe Reich. S'ensuit une période d'enquête, de recherches, de rencontres pour comprendre celui qui a habité cette maison. Comment et pourquoi l'auteur n'a t-il lui-même rien senti, imaginé , compris, entre ces murs.
Qui étaient Mientje, l'épouse et Letta, Adri et Suzy les enfants de cet homme ? Des complices aussi pervers que lui, des victimes de sa personnalité à une époque où il était plus sûr de se taire.
Comment ont ils supporté le mal, en adoptant la même attitude, en l'ignorant, les enfants étaient-ils au courant des agissements du père... Leur mère était-elle soumise, consentante, ou forcée à vivre sous le même toit sans accepter ces dérives.
Des questions auxquelles il tente de répondre en nous présentant un homme ordinaire, un mari, un père, mais aussi un SS convaincu et zélé.
Peu à peu, à travers une somme d'actions bénignes à priori, dans le contexte sombre de la seconde guerre mondiale, il nous montre les changements qui s'opèrent en Willems.
Comment ce père de famille est devenu celui qui espionne, fait des listes, note les noms de ceux qui pourront être ensuite arrêtés, avec autant de régularité et d'assiduité. Autant de noirceur n'a t-elle pas laissé de traces dans cette maison? Sont elles porteuses des actes et des mots qui se déroulent entre leurs murs ? A travers les textes, archives, écrits des enfants, témoignages, l'auteur brode un contexte, des mots, attitudes, relations dans le couple, tout l'art de l'écrivain est de faire vivre le passé.
Passionnant, instructif, émouvant, révoltant. Une lecture pour comprendre.
https://domiclire.wordpress.com/2022/01/24/une-ascension-stefan-hertmans/
Décidément, Stefan Hertmans excelle à faire parler les pierres. Il avait déjà puisé dans les pavés moyenâgeux du village de Monieux dans le sud de la France la matière du superbe roman qui m'a fait connaître sa plume, Le cœur converti. Cette fois, c'est une vieille maison d'un quartier de Gand tombé en désuétude qui le met sur les traces d'un odieux personnage qui jeta toutes ses forces dans la collaboration avec les SS lors de l'occupation de la Belgique à partir de 1940. Une maison que l'auteur a habitée pendant vingt ans avant de réaliser qui elle avait abrité et d'entreprendre des recherches minutieuses pour reconstituer les faits et gestes de Willem Verhulst puis nous les restituer avec la sensibilité aigüe du romancier.
Pour celles et ceux qui, comme moi ignorent à peu près tout de l'histoire chahutée de la Belgique, partir dans les traces de cet homme revient à ébaucher le parcours d'un nationaliste flamand marqué dès l'enfance par le très fort antagonisme entre ceux qui parlent le français et ceux qui parlent le flamand, avec même une cour de récréation séparée en deux dans l'école anversoise où il suit sa scolarité. Stefan Hertmans mène son enquête comme un biographe et comme un historien, à travers les nombreuses archives, les écrits laissés par Verhulst et les membres de sa famille (c'est incroyable le nombre d'individus qui tenaient leur Journal à cette époque) mais également les témoignages de ses deux filles devenues des vieilles dames. Et ce qu'il s'attache à mettre en évidence est quelque chose sur quoi le commun des mortels ne prend pas le temps de s'arrêter, ce que représentent vraiment certains actes et pourquoi il est important de le faire savoir. Ce que signifie "être du mauvais côté", au-delà des mots. Il aimerait interroger les murs, il pousse même jusqu'à aller visiter la carrière de Comblanchien, village de Bourgogne dont fut extrait le marbre qui orne la cheminée de la maison et sur laquelle fut posé un buste en plâtre d'Hitler.
"Un buste de... ? Ici, dans cette maison ? Mais c'était quel genre de personnes ? Les avait-il connues, monsieur notre notaire ? Absolument, a-t-il dit en hochant la tête, et très bien même, monsieur. Il a reniflé, songeur. Ce n'étaient pas de mauvaises personnes, vraiment, enfin, à l'exception du père, mais bon, lui non plus n'était pas une mauvaise personne au fond..."
Hum, oui, voilà. L'enquête montre qu'il fut un vrai salaud, collabo enthousiaste et volontaire, il sera emprisonné après la guerre, condamné à perpétuité mais remis en liberté conditionnelle à partir de 1953 grâce à l'influence de son fils aîné dans les milieux maçonniques tellement honnis, ironie du sort. Il touchera même une pension de guerre octroyée par l'Allemagne aux anciens collaborateurs (!!!), principe dont j'ignorais tout. Stefan Hertmans frissonne à l'idée de l'avoir peut-être croisé sans le savoir alors que son enquête met au jour des lieux qu'ils ont fréquentés tous les deux. Il est aussi et beaucoup question d'une famille partagée entre honte, liens filiaux et maritaux, dont l'auteur restitue la dignité avec empathie.
Ce que les lieux portent en eux est un questionnement universel - personnellement je ne peux ôter de mon esprit les images des bâtiments parisiens ornés des drapeaux à croix gammées - le temps a passé mais les empreintes sont toujours là, enfouies dans la mémoire de millions de pierres que Stefan Hertmans et peut-être d'autres n'ont pas fini de fouiller. Ici, le résultat est sidérant et fascinant.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Vers 1100, Vidgis Adelaïs vit en Normandie. Issue d’une riche famille de Vikings chrétiens installés à Rouen, la belle aux cheveux blonds et aux yeux bleus croise le regard fier et noble de David, devant la Yeshiva (école juive). Son cœur d’adolescente ne fait qu’un tour, l’amour frappe les deux jeunes gens malgré l’interdiction formelle de mésalliance entre religions. A cette époque, l’alliance avec un ou une juive est impossible, et renier sa religion pourrait conduire Vidgis droit au bûcher.
Elle réussira à rencontrer celui qu’elle décide de prendre pour époux. Face à la fureur de son père, Vidgis et David sont contraints à la fuite, poursuivis sans relâche par des chevaliers attirés par la rançon promise par le père.
Ils traversent la France, Évreux, Orléans, Bourges, Clermont-Ferrand, le chemin est long et difficile pour arriver jusqu’à Narbonne. Ils vont par les chemins isolés, soumis aux intempéries et aux risques perpétuels d’agression, de vols, de viols, d’être découverts, trahis, capturés. Enfin, la belle Vidgis, devenue Hamoutal est officiellement baptisée par son beau-père le Grand Rabbin de Narbonne. Convertie à la religion juive, la belle devra apprendre les règles de sa nouvelle religion et abandonner ses croyances chrétiennes.
C’est à cette époque que le pape Urbain II, soucieux d’asseoir son pouvoir, exhorte les chrétiens à reconquérir le tombeau du christ à Jérusalem. Il lance la première croisade. Les armées se forment, disparates, composées de chevaliers, de paysans, de va-nu-pieds. Fort d’une promesse d’Indulgence, les massacres de mécréants ne sont pas rares. Les Croisés provençaux qui font route vers Constantinople s’arrêtent près du petit village de Monieux, demande abris et vivres. Un véritable pogrom s’ensuit, pillages des maisons, massacres dans la synagogue, enlèvements d’enfants, rien ne sera épargné à la communauté juive du paisible village. David est assassiné. Hamoutal, restée seule avec son dernier né prend la route vers Jérusalem. Elle s’arrêtera en Égypte.
C’est dans la Gueniza d’une synagogue du Vieux Caire que sera retrouvé le document qui atteste de son existence, de sa conversion, puis de sa fuite et de son séjour en Égypte.
chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2018/09/06/le-coeur-converti-stefan-hertmans/
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Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
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