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Au début de ce récit, qui se déroule en Norvège en 1927, le lecteur fait la connaissance de Gunnar (douze ans) ses soeurs Randi (sept ans) et Marta (six ans). Par désoeuvrement ou simple défi, le garçon va voler de la dynamite à son père, Johan Strand, (qui – lui-même – l’avait volé dans un entrepôt …) et faire sauter le « Géant », une sorte de gros « rocher-phare », indispensable aux pêcheurs …
Depuis la mort de la mère, Ragnhild est venue prendre sa place dans la maison, avec ses propres enfants (trois également) malgré la misère ambiante. Six enfants, ce n’est plus possible pour le père qui envoie Marta vivre chez tante Marit et oncle Oscar et Randi chez tante Gunnhild et oncle Olav … Si Randi est choyée par le couple qui n’a pas d’enfants, Marta ne sera pas aussi chanceuse … Malheureusement, Johan Strand se montrera bien incapable de ne pas agrandir la fratrie recomposée avec sa nouvelle épouse et fera ainsi perdurer leur pauvreté … Dans cette famille, les hommes sont paysans-pêcheurs (voire maçons et un peu ébenistes …) de père en fils …
À l’âge de quatorze ans, Marta fera comme sa cousine Lylian et partira tenter sa chance à Oslo où elle deviendra domestique dans une grande maison. Elle y traversera la seconde guerre mondiale et se mariera. La seconde partie du roman sera consacrée à l’un de ses fils (Rogern) et au changement qui s’opère dans le pays, jusqu’à l’aube des années 1990 …
Une écriture prolixe et un style qui – s’il m’a paru un peu trop narratif dans les premières pages, a fini par me séduire ! – (ou alors je m’y suis finalement habituée …) Un roman très plaisant qui titille la curiosité du lecteur (pour ma part, j’ai découvert des aspects de la Norvège que je ne connaissais pas …) Si ce ne fut pas un réel coup de coeur, on peut dire que ça s’en approche !
Ils sont invisibles parce qu'ils vivent sur de toutes petites îles dans le nord de la Norvège, au début du 20ème siècle, et que ces îles, dont souvent ils portent le nom (ou l'inverse), sont à l'écart des principales routes maritimes, même pas marquées sur les cartes.
Sur Barrøy, Hans, 35 ans, est le chef de famille. Il vit là avec son père, sa soeur attardée mentale, sa femme et leur fille Ingrid. Tous travaillent dur, selon leur âge et leurs capacités. La pêche, la laine des brebis, la récolte de duvet d'eider, les potagers, les tâches sont diverses et variées mais incessantes et souvent rendues très difficiles par les conditions climatiques sauvages, à l'image de la nature. La terre et la mer sont leurs éléments nourriciers mais peuvent aussi ruiner leurs espoirs de survie quand les tempêtes ou les accidents s'en mêlent. Cette vie rude et spartiate, monotone, à l'écart, est racontée depuis le point de vue d'Ingrid, 7 ans au début du roman, qui s'étale sur une petite dizaine d'années. Intelligente et sensible, la fillette observe les adultes sans forcément tout saisir de leurs agissements. Mais même si elle ne comprend pas tout, elle ressent les choses, bousculée elle aussi par la vie et les coups du sort.
Avec son écriture dépouillée et ses dialogues laconiques, "Les invisibles" est un roman taciturne dans lequel on ne gaspille pas son énergie en vaines discussions, tant on est occupé à survivre et à lutter contre les éléments. Mais le texte n'est pas noir ni froid pour autant, le printemps et l'été ramènent la lumière, et l'amour et la solidarité familiale réchauffent les coeurs tout au long de l'année.
En plus de nous en apprendre beaucoup sur le mode de vie insulaire d'il y a un siècle, "Les invisibles" nous emmène en immersion dans une saga familiale attachante, faite de courage, de drames, de silence et de lenteur.
Retour sur l'île Barrøy. L'île est déserte, « il n'y a plus personne, ni homme ni bête ». le fracas de la guerre est venu s'abattre sur les côtes de la Norvège.
Sur l'île, les saisons ont continué leur ronde mais sans utilité.
Tout le monde a vieilli ou disparu. Ingrid a 35 ans. Après un exil forcé à l'Usine de pêcheurs pour gagner sa vie, Ingrid revient vivre sur son île même si son pays est toujours occupée par l'armée nazie.
L'île n'est plus celle de son enfance. Il règne sur Barrøy une atmosphère étrange et inhabituellement pesante. La mort rôde comme les aigles sur la mer. de ces ombres menaçantes, le sauvetage du soldat russe Alexander sera la petite lueur d'espoir malgré les dangers des représailles.
L'amour naît dan son cœur aussi naturellement que la terre tourne autour de soleil. Il est là. Elle le prend.
Je suis toujours aussi émerveillée par la sublime écriture à la beauté dénudée de Roy Jacobsen fortement imagée et puissante. L'auteur tel un peintre du détail et du geste rend Ingrid incroyablement vivante et proche.
Pourtant, presque rien n'est dévoilé de son intériorité, de ses pensées, de ses sentiments. le portrait est tout autre, c'est celui d'une femme en mouvement tournée vers les autres et qui porte en elle les paysages de son île. Intègre, généreuse, solide et douce à la fois.
Pour Ingrid, vivre c'est aimer, aider, recueillir. Toutes les victimes et les enfants orphelins de la guerre, ses proches, son homme fugitif.
C'est se réchauffer dans le duvet douillet des eiders. Un moment de bonheur volé au chaos.
Le chemin de la liberté est encore si long à parcourir pour Ingrid et Alexander.
J'avais repéré la parution du roman « les yeux du Rigel » qui est le 3ième volet de la trilogie de Roy Jacobsen, un auteur norvégien que je ne connaissais pas.
J'ai donc lu Les invisibles traduit par Alain Gnaedig, puis la mer blanche et les yeux du Rigel à la suite sans interruption et avec un immense bonheur car c'est une lecture qui m'a complètement transportée.
J'ai vécu une page d'histoire particulièrement émouvante en suivant pas à pas le quotidien d'une famille de pêcheurs sur l'île Barrøy tout au nord de la Norvège, dans l'archipel dit aux milles îles qui porte le nom des familles qui y vivent.
La famille Barrøy où Hans est le chef de famille est au complet en ce début du 20 ième siècle. Les saisons rythment de manière immuable le dur labeur de la pêche et des fenaisons, le maillage des filets, le ramassage de la tourbe. Les scènes des travaux et besognes sont décrites de manière détaillée et respectueuse d'un savoir faire ancestral qui se transmet de génération en génération. le rythme est lent mais toujours en mouvement comme la mer.
Sur l'île, les enfants naissent, ont à peine le temps de grandir pour travaillent durement dans cet horizon sans limite dont ils ne voudraient pourtant aucun autre . Dans la famille de Hans Barrøy le travail se fait en silence mais avec le bruit incessant du vent et les cris des oiseaux. Alors quand la brume descend et le silence se fait, ils peinent à laisser leurs outils pour faire place à leurs pensées.
Les sentiments sont tus mais le corps et l'esprit sont naturellement offerts au vent comme la petite Ingrid qui préfère de loin son île aux bancs de l'école qui lui a défait son sourire. Les élans tristes ou passionnés sont contenus quitte à ce qu'ils déferlent un jour puissamment sans aucune digue pour les retenir.
Quelle magnifique écriture façonnée comme une pierre précieuse ! Poétique, réaliste, elle m'a poinçonné le coeur. Je me suis raccrochée à ce radeau de petits bonheurs solidaires qui navigue sur l'eau malgré la violence des éléments et les blessures de l'existence. Je me suis profondément attachée aux membres de la famille Barrøy qui ne font qu'un avec la mer. Indomptables et fiers, femmes et hommes sont attachés à leur bout de terre lointain.
La maison sur l'île est un havre de douceur, côté sud ou côté nord qui ont leur préférence selon les saisons . Roy Jacobsen a des yeux de divin en faisant voir et toucher la belle vaisselle polonaise, la nappe aux minuscules fleurs rouges et jaunes reliées par des sarments verts. Tout est beau et simple. Et pourtant le regard n'est jamais le même ni les couleurs de l'horizon.
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