Taïna, indienne des Caraïbes, a été instruite dès son enfance pour devenir chamane, mais Christophe Colomb et les Espagnols arrivent...
Récit qui percute, qui bouscule, encore plus, je pense, du fait de notre traversée récente d’une pandémie de masse. L’auteur nous relate l’histoire, dans les années 80, d’une bande de jeunes promis à un bel avenir, artistes activistes, journalistes, professeurs qui voulaient croquer la vie à pleines dents et qui, finalement, se sont fait croquer par celle-ci.
Nous sommes à Chicago, dans le quartier de Boystown, le monde fait face à une nouvelle maladie qui va rapidement devenir un fléau mondial : le sida. Depuis 1981, les premiers cas suscitent de nombreuses interrogations dans le monde médical et la population en général. Rebekka Makkai nous plonge dans une petite communauté d’amis gays. L’histoire débute en 1985, nous les retrouvons lors d’une fête à la mémoire de Nico, l’un d’eux, le lendemain des obsèques. En cette année, la contamination va à un rythme effrayant et les premiers décès apparaissent. Nous suivrons, principalement, Yale un jeune homme qui prépare une exposition d’œuvres d’art et Charlie son compagnon, journaliste, ainsi que Fiona, la sœur de Nico, une amie très proche.
C’est avec beaucoup de précision (le livre fait près de 600 pages) que Rebekka nous retrace, l’extinction, progressive, mais quasi intégrale, de ce petit groupe de copains, leur vie dans ce monde en chaos, leur résilience face à la maladie, la formidable solidarité dont ils font preuve, on parle également des premiers traitements. On dénonce fortement la politique des dirigeants, les gouvernements Reagan puis Bush, homophobes, se sont très peu impliqués dans la gestion de cette crise, ce qui favorisera la propagation du virus et la mort inutile de centaines de milliers de personnes. La méfiance du reste de la population vis-à-vis du monde homosexuel, méfiance qui s’immisce au sein de la communauté, elle-même, dans le choix et la fiabilité des partenaires.
Le récit se fait, alternativement, sur deux temporalités : les années 1985 et suivantes et 30 ans plus tard, en 2015, où nous suivons Fiona, qui, bien qu’hétérosexuelle, a une existence mouvementée. Quasi « sainte » dans le dévouement qu’elle porte aux malades, la vie ne l’épargne pas : après son divorce, sa fille Claire claque la porte et disparait. Et en cette année 2015, nous la retrouvons à la recherche de celle-ci, devenue adulte, à Paris. Période qui permet à l’auteur de tirer un constat sur la période écoulée et de nous narrer le destin des quelques amis rescapés.
Quelques passages délicats à lire sur les fins de vie, mais ce roman est un véritable témoignage, poignant, bouleversant sur cette tragédie.
Un roman un peu déroutant car il remonte le temps. J’ai beaucoup aimé le début qui se passe en 1999. Le style est fluide et les personnages attachants.On suit Zee, professeur d’université et descendante d’une lignée de mécènes d’artistes. Son compagnon écrit d’ailleurs un ouvrage consacré à l’un de ces artistes et il rêve de pouvoir lire les archives, gardées au grenier, dont Grâce, la mère de Zee garde jalousement la clé. Lorsqu’il y parvient enfin, il tombe sur une photo étonnante . Un début plutôt aguichant qui révèle les secrets des uns et des autres et l’on se doute que la deuxième partie qui se passe en 1954 va lever le voile sur quelques mystères.
Et en effet. Sauf que cette deuxième partie comme les deux suivantes sont à peine rédigées. Volonté de l’autrice ou difficulté à la traduction ? Je ne sais pas . Mais j’ai été vraiment déçue par cette deuxième moitié…
Une note moyenne donc pour une bonne idée de départ ; donner envie de favoriser les lieux de résidences pour les artistes…
Thalia Keith, " c'est celle qui " a été retrouvée morte en 1995, dans la piscine du campus de la prestigieuse école Granby dans le New Hampshire. L'enquête a montré que la cause de sa mort était la noyade mais le corps présentait également des signes de fracture ouverte à l'arrière du le crâne, des hématomes au niveau du cou révélant qu'elle a été étranglée. Un seul suspect officiel, le jeune et noir préparateur physique Omar Evans. Son ADN a été retrouvé sur le maillot de Thalia. Il a avoué, il s'est rétracté. Accusé de meurtre sans préméditation, il a été condamné à soixante ans de réclusion. Elle avait 17 ans, c'était il y a 23 ans.
Bodie Kane était la colocataire de la très populaire Thalia, pas son amie. Vingt-trois ans après les faits, désormais célèbre podcasteuse spécialiste du cinéma, elle revient à Granby pour donner des cours durant quinze jours. Ce n'est plus l'adolescente mal dans sa peau, ne se sentant pas à sa place entourée de camarades beaux et riches qu'elle ne comprend pas, elle a grandi « par-dessus elle comme les anneaux autour du centre d'un arbre, mais elle était toujours là. ». le doute s'installe. Et si Omar Evans avait été inculpé à tort ?
La structure narrative choisie pour porter cette contre-enquête est très sophistiquée, spiralaire. L'intrigue ralentit à coup de flashbacks, accélère lorsque le présent éclaire le passé pour permettre de lire des indices, dans un va-et-vient captivant qui avance comme un thriller psychologique fouillé. le caractère glissant de la mémoire ainsi que la nature fugitive de la vérité sont au centre de tout le récit. Rebecca Makkai dit remarquablement comment les souvenirs se réactivent lorsqu'on revient sur les lieux de leur expression mais se transforment avec le temps qui passe. Bodie se retrouve à évaluer sa propre expérience de 1995, révisant minutieusement ses souvenirs à l'aune de ses quarante ans.
Car les années 90 ne sont pas les années 2010. L'autrice ne recherche pas le sang mais ouvre sa focale sur une réflexion plus large à l'aune des préoccupations actuelles qui interroge la société américaine, son racisme endémique, son système judiciaire défaillant, la frénésie sensationnaliste souvent nauséabonde autour des True Crimes, l'emballement des tribunaux médiatiques et surtout les violences faites aux femmes qui désormais ne sont plus tues
Le meurtre de Thalia et ses suites s'inscrit au croisement de toutes ces problématiques. C'est chargé, c'est très riche mais toujours fait avec subtilité tant Rebecca Makkai questionne avec acuité les tropes du MeToo. La fin du roman suspend tout jugement définitif tout en apportant la quasi certitude de qui a tué la jeune fille et pourquoi, laissant intelligemment au lecteur toute sa place pour ajuster ses propres considérations, voire introspections sur l'adolescent qu'il a été et le chemin qu'il a parcouru depuis.
Une enquête au long cours s’installant en alternant passé/présent. Un passé avec une enquête et un coupable tout trouvé. Un présent jouant au jeu du ping-pong d’hypothèses. Les deux s’imbriquent aisément, même s’il m’a fallu être assez concentrée pour repérer tous les personnages dans le temps. L’écriture est modérée, et fourmille de détails, avec des chapitres courts et efficaces. Concernant les thèmes abordés, Rebecca Makkai ne fait pas dans la dentelle, elle frappe fort : mouvement #metoo, réseaux sociaux, justice, féminicide, domination…
Un roman qui donne à réfléchir sur la manipulation de la vérité, la morale, le bien fondé, l’impact des réseaux sociaux. Rebecca Makkai a bien réfléchi et installé chaque élément, chaque fait pour que son roman me tienne en haleine jusqu’au bout. C’est réussi.
http://www.mesecritsdunjour.com/2024/04/j-ai-quelques-questions-a-vous-poser-rebecca-makkai.html
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Taïna, indienne des Caraïbes, a été instruite dès son enfance pour devenir chamane, mais Christophe Colomb et les Espagnols arrivent...
Une belle adaptation, réalisée par un duo espagnol, d'un des romans fondateurs de la science-fiction, accessible dès 12 ans.
Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...