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Prix Fémina 2022, bizarre.
J’aurais envie de dire, comme quand on parle d’une personne qu’on vient de rencontrer pour la première fois, que Rachel Cusk a réussi à me dérouter. Au sens propre comme au sens figuré. J’ai ressenti ce dilemme du fait que d’un côté j’ai été captivée par l’histoire, mais que de l’autre j’ai souvent eu du mal à décoder les phrases de Rachel Cusk, à suivre avec des personnages prénommés L. ou M., et donc du mal pour suivre l’évolution de l’histoire. Etait-ce l’autrice ? ou est-ce la traductrice Blandine ? ou était-ce moi qui avait un cerveau en berne ? En tout cas, l’écriture fourchue, entortillée m’a très, trop souvent déconcertée. Heureusement qu’en toute fin du livre on a une jolie surprise en découvrant de quelle artiste elle a révélé l’histoire vraie.
L’histoire de base n’a finalement rien révélé de plus intéressant que ce que la 4ème de couverture annonçait, à savoir une femme de 50 ans qui décide d’inviter un artiste peinte de près de 80 ans qui débarque avec une jeune femme, avec tout ce que cela peut créer de vaudevillesque. Rien de tonitruant dans ce huis clos.
J’aurais dû lire les appréciations de quelques babéliotes au lieu d’essayer d’y trouver une explication à l’obtention d’un prix pour cette oeuvre.
J’ai eu beaucoup de mal à apprécier La dépendance, de Rachel Cusk. Tout d’abord, la forme m’a déplu : cette espèce de long récit à un dénommé Jeffers est très désagréable. Je ne sais pas qui est ce Jeffers dont le nom revient régulièrement. Très pénible.
De plus, je n’aime pas ce procédé qui consiste à ne pas donner de nom à certains personnages, les plus importants d’ailleurs. La narratrice est M et le fameux peintre qu’elle invite dans sa propriété du marais est dénommé L. Par contre, les autres sont bien identifiés : Justine, la fille de M, Tony son second mari, Brett la jeune femme accompagnant L, Kurt le compagnon de Justine, etc…
Cela est sûrement un procédé littéraire déjà utilisé mais je n’adhère pas du tout et, à mon avis, cela nuit à la fluidité de la lecture. Alors, puisque j’avais écouté Rachel Cusk parler de son roman aux Correspondances de Manosque 2022, j’étais vraiment curieux de la lire, surtout que le beau bandeau Prix Femina étranger 2022 orne la couverture du livre.
En fait, La dépendance se révèle double. C’est d’abord une maison remise en état par M et Tony afin de pouvoir accueillir amis ou artistes tout près de leur résidence principale, au bord de l’océan, un endroit entouré de marais.
La seconde dépendance est beaucoup plus trouble et compliquée. C’est celle dont est victime, volontairement ou malgré elle, la narratrice, vis-à-vis de ce peintre célèbre : L.
Après avoir décommandé sa venue, L accepte enfin l’invitation mais Justine et Kurt sont installés dans la dépendance. Qu’importe ! M et Tony leur demandent de laisser la place à l’artiste pour venir habiter avec eux dans la grande maison.
Débute alors une longue introspection pour cette femme souvent mal dans sa peau. Elle est fascinée par ce peintre, éprouve un sentiment trouble pour cet homme qui ne lui renvoie que du mépris.
Le fait que le peintre débarque avec Brett, beauté éblouissante, n’arrange pas les choses. La vie pratique de ces quatre personnes n’est qu’anecdotique mais elle permet d’apporter du liant dans leurs relations souvent surprenantes.
Rachel Cusk va bien au bout de l’histoire de ce peintre célèbre, tellement bizarre et imprévisible comme la plupart de ces génies… Blandine Longre, la traductrice, réussit admirablement à rendre le style d’une autrice à l’écriture et au vocabulaire très riches.
Quand on héberge un artiste qui ne laisse pas indifférente, il faut choisir entre sécurité et liberté, regarder par la fenêtre ou sortir de la maison. C’est le difficile dilemme que doit affronter la narratrice.
Dans La dépendance, Rachel Cusk développe avec talent ses conceptions de la féminité. Elle disserte sur les peintures de l’artiste, y revient souvent sans donner une vraie solution aux interrogations qui la dévorent. Heureusement, les paysages dans lesquels l’autrice fait évoluer son lecteur sont magnifiques et donnent envie de les découvrir.
Pourquoi L demande à Tony et à Justine de venir poser pour lui sans inviter celle qui n’attend que ça, celle qui en meurt d’envie ? Pour le savoir, il faut lire La dépendance, un roman qui trouve toute sa saveur dans cette admirable phrase finale : « L’art véritable revient à s’efforcer de capturer l’irréel. »
Chronique illustrée à retrouver sur https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/04/rachel-cusk-la-dependance.html
M la cinquantaine et son mari Toni se sont installés dans une maison isolée dans un lieu magnifique proche de marais et de l’océan. Sur leur propriété le couple possède une dépendance.
De cette belle dépendance, idéalement située, M et Toni en font une résidence pour artistes. Les conséquences du Covid étant nombreuses, M se retrouve à devoir héberger sa fille Justine et son mari.
Depuis de nombreuses années, M est en admiration des œuvres d'un peintre nommé L et rêve de l'accueillir dans cette dépendance, elle lui écrit pour l'inviter.
Après une annulation, L lui écrit pour lui confirmer sa venue ce qui rend notre narratrice très heureuse.
Seulement L n'arrive pas seul. Il vient accompagner d'une belle et désirable jeune femme. Bien plus qu'une déception cette femme représente la jeunesse et le temps qui passe et la renvoi à son propre corps qui change.
Le livre raconte ce huis clos, le besoin de plaire, l'orgueil....
J’ai passé un bon moment de lecture mais malgré les thèmes intéressants, la belle écriture et la tension palpable, je n'ai pas réussi à rentrer complètement dans le roman, et je ne peux pas l'expliquer car c'est assez subjectif et les ingrédients sont bien là !
Cet épisode somme toute banal que la narratrice choisit de nous conter, prend une dimension romanesque, sublimée par l’art d’écrire et d’emporter son lecteur dans un monde inspiré autant des soeurs Brontë que des classiques russes.
Au fond, l’histoire résumée est simple : la narratrice accueille en résidence un artiste peintre dont l’oeuvre l’avait séduite lors d’un séjour à Paris. L’homme est âgé, fragile, mais habitué à profiter de la générosité de ses admirateurs, il ne s’embarrasse pas scrupules : il accepte l’invitation mais vient accompagner d’une jeune femme encombrante.
Pour commencer, la narratrice met à distance le récit, entré dans les annales de sa vie personnelle, en s’adressant à un interlocuteur attentif, Jeffers. Ensuite elle introduit le récit en invoquant la présence d’une créature malfaisante qui lui aurait suggéré voire imposé les décisions qu’elle va prendre. Enfin nous découvrons le cadre dans lequel elle vit, une belle propriété, disposant d’une annexe, destinée à héberger l’artiste.
Le récit prend des allures de confidences et nous sommes conviés à l’histoire familiale, à petites touches, mais qui a son importance dans la configuration finale de cette aventure.
Chaque personnage est évalué à l’aune des valeurs qui comptent pour la narratrice. Elle-même règne sur le récit avec de nombreuses casquettes : épouse, mère, amante potentielle, femme mûre, égérie …
J’ai beaucoup aimé cette façon de mettre en valeur une histoire finalement peu originale mais sublimée par l’art de dresser des portraits criants de vérité et de l’auréoler d’un voile émotionnel qui hésite entre le fantastique et le subjectif.
J’aime cette plume forte et dense, qui m’emporte à chaque fois. Admirons aussi l’ambiguïté du titre.
2089 pages Gallimard 25 Août 2022
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