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La capacité exhaustive, une spirale, le fil d’Ariane. Une déambulation entre les images-rayons, les mouvements d’un texte bleu-nuit, viscéral et poétique.
Les pistes, sans danses aucune, le plein de la vie, le vide des échéances.
Un pas après l’autre, Perrine Le Querrec nous octroie la direction.
Main tendue, le regard qui dévore notre vaste humanité. Le huis-clos à flanc de falaise. La conscience affûtée, sans illusions est le tremblant de ce viatique. Des mots sur les maux.
Les pistes sans manège, avec des chutes et des électrochocs.
Les aléas comme du givre qui perce une fenêtre fissurée par les épreuves. Le renom prend place.
119 pages, entrelacs, nuages qui filent dans un décorum dont Perrine Le Querrec maîtrise tout.
Ils sont trois. Éva, fille, femme, mère, épouse, seule ou envahie. Piotr, homme, père, époux, seul ou l’universel. Tom, tour à tour, enfant, fils, linceul et drame.
L’écriture cadencée dans une justesse infaillible est un port d’attache. Tout advient de l’intrinsèque. Les vagues comme des pistes, des scènes au ralenti. La cruauté de la vie. La mort comme un blâme ou la rédemption.
Perrine le Querrec est la quintessence même. Elle comble les vides de cette poésie, main, chevelure, corps, enfant sur un tricycle. Éve, Piotr, Tom, le choix des pistes, les conséquences et les drames humains.
« Les tombes rectangles noirs, caractères anonymes entre lesquels serpentent les mots. Vues du ciel elles composent une poésie existentielle trouée par le silence. »
L’écriture en devoir de prononciation. Étreindre les mots comme le silence dans une chapelle endormie. La rémanence des choix.
« Éve ne dit mot empêche le soleil de se répandre sur la semi-nudité de Piotr, elle déploie une très large nappe bariolée de papillons aux ailes dessinées de motifs géométriques tels des masques aux mille regards recouvrent entièrement le corps de Piotr le bras tendu et l’image incertaine de l’enfant Tom remplissent l’espace. Roulis de la nappe où Éve renverse le contenu entier de son panier d’osier. Battement d’ailes. »
« ...La nuit tombée. L’écriture est tombée. L’écriture est le verdict. »
Les pistes à l’instar d’un kaléidoscope en pleine lumière. Écrire ainsi l’épure et le plein, les larmes et douleurs comme des ressemblances avec ce qui est visible à l’œil nu.
« Étrange paysage griffé de couleurs vives. Des repères. Pour qui ? Seuls les plus désespérés. Ceux qui fuient, ceux qui doivent passer, ceux qui ignorent tout de l’endroit où ils sont arrivés. »
« Migrants, bâillonnés, traqués perdus. Laisser derrière la terre l’origine la langue. »
Les séquences comme des conséquences. Les fragments sont des images qui nous frôlent et nous alertent. La vie est ici. Le seuil de l’hospitalité langagière aussi. Dans la création même du mot. Assigner à l’entendement et à l’apaisement, à l’ultime vérité.
Petit Tom sous toutes les coutures. Ne pas s’effrayer de l’exactitude du mot placé au plus juste. Perrine Le Querrec change les décors, loin des images d’Épinal. La vie n’est pas franche. Elle blesse dans le dos. « Je pars rien ne m’intéresse garde tout . À rebrousse-mots remonte les allées, les façades et nous pencher sur un balcon . »
Les montages comme les sillons d’un disque. La littérature sans distance. Perrine Le Querrec est douée, intuitive et détient la force et l’obstination pour rassembler l’épars des évènements, des aléas comme une gouttière percée en plein orage. La langue époustouflante de ce texte aux traductions indéfectibles. Assembler l’immensité du monde. Changer la donne et lancer les balles en plein ciel. Prendre part au recommencement, autrement.
Lire « Les pistes », « l’invisible de la vie », le déroulé du triomphe des mots. L’incarnation avant-gardiste d’une prose de prodigalité.
Collection Fictions ShushLarry. Publié par les majeures Éditions Art&Fiction.
Au début, il y a la rencontre de deux corps
« Nos corps à l’amble / Au passage les branches nous dénudent »
Puis il y a la forêt, comme un troisième corps
« Souffle des arbres penchés sur nos corps »
Perrine Le Querrec cueille le plaisir des sens dans la sensualité des éléments, car tout se mêle et s’accouple dans une sauvagerie originelle. La chair devient tour à tour végétal ou animal.
« Mes seins des bourgeons/ tes cuisses des cerfs »
C’est un patchwork de sensations et d’émotions éclatées avec des images étonnantes qui nous percutent.
« Sauvage la vigueur
Sauvage l’amour
Sauvage nos corps … »
L’anaphore appuie sur ce désir violent qui, par moment, peut nous sembler effrayant.
L’illustration de la couverture, signée Frédérique Breuil, nous invite à suivre ce couple dans les profondeurs de la forêt. Serions-nous un peu voyeurs ?
La langue est sans butoir, dépouillée de tout effet inutile, c’est une écriture de la terre, du végétal et de l’animal qui se rejoignent dans un érotisme charnel. Il n’y a plus de frontière, « La tanière de tes pieds … ta peau de sève… corps entier paysage » et c’est comme une fête païenne d’un rut élargi à tout ce qui vit dans la forêt.
Au-delà du désir charnel se profile un désir plus cérébral, celui de l’écriture. La passion amoureuse comme catalyseur de la création poétique.
« Avec le désir de ton corps
Revient le désir d’écrire »
Le désir sexuel se confond à celui d’écrire « désir et écrire/ font rage » et tout tangue
Un texte sinueux, fulgurant et inventif qui parle de désir de sexe et de désir d’écrire, un texte que j’ai lu avec une sorte de fascination.
« La bête, son corps de forêt » que j’ai ramené du Marché de la Poésie est une jolie trouvaille de 10 cm sur 15 cm des éditions Les inaperçus.
Certains textes en brodent de nouveaux_répondre à Warglyphes de Perrine le Querrec qui comme toujours a l'humanité au couteau, sensible et fort
et la mémoire suinte et les guerres s'assemblent
trahison
et certains jours les oiseaux trillent
d'autres défigurent les obus
les sexes transpercent
armes de corps
de poing
de langues
la brutalité sans printemps
à l'horizontal mort
à la verticale guerrière
cassé les os putrides
lambeaux
et ca ne dit pas vraiment pourtant
on cherche dans les fosses des tas d'humains en bouillie
attendent qu'on parle d'eux
je transmets dit la voix
Napoléon en symbole de gloire écrasée sous
les sabots de ceux
qui souffrent tu pleures ?
tu dois continuer de dire
les entrailles vrac
et la petite robe à fleurs de tourner tourner tourner
la guerre même sans bruit dans les tas au sol dans le froid
tu n'y crois pas ? observe et dit
Marilyn pose plein sourire dans l'usine d'armement
se défendre dit l'idée
contre quoi ? on a le droit ? qui ?
des pierres des tondeuses et de la salive dans les yeux
un défilé de langues mortes
en dedans en désordre des naissances réitèrent
ça continue t'entends ?
alors quoi ?
les corps face aux flammes
nous sommes les petites filles de survivantes
la peur attire l'espoir de grimper
et les ventres gras et les ventres mous de prendre les bonnes décisions
pour la nation
c'est facile
un colis abandonné souhaite son anniversaire à l'orphelin
il croira au vertu du conflit et la mort aux oreilles de dire encore
le dépeçage sans abri
« les vies inutiles » à broyer à payer à consommer
je te mutile tu m'échappes
à la surface un rictus s'en balance
je suis l'absence et le désagrément la lutte et l'onguent
tu existes si je te passe en bouche
il faut ruser pour le souvenir
il faut prier pour l'inconfort
silence on tue on dézingue et on désosse
bruit on oublie pas on considère
et l'enfant court sous la brûlure et je tais le gras et je caresse le tortueux
pour dire le devenir des monuments en insomnie qui crépitent l'enfance
ça existe et l'honneur de sangloter
plus plus plus plus de corps de tas de bouches de manque
et saisir ce qui compte
se souvenir
la terre rouge et les machettes les vagins troués et les enfants repeuplement
se souvenir
les dents brillent au ciel partagé
se souvenir et lister
se souvenir et pleurer
se souvenir et lutter
Le 25 novembre 2020 avait lieu La journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Cette occasion me permet d'évoquer deux ouvrages lus ces derniers mois, que je trouve vraiment forts mais que je n'ai pas encore réussi à mettre en mots pour en parler plus longuement.
Il s'agit de Rouge Pute de Perrine Le Querrec aux éditions de la Contre Allée et Quarante cerfs-volants de Salpy Baghdassarian traduit par Souad Labbize aux éditions des Lisières.
Deux recueils poétique âpre et combatif qui suggèrent tout en finesse les brisures faites aux femmes dans des mondes dominés par les hommes. Ce sont en outre de très beaux objets.
Évidemment ce sujet mérite attention toute l'année mais il était approprié de s'y attarder plus longuement encore ce jour. Il y aurait bien d’autres ouvrages mais ces deux-là sont sortis cette année et ils méritent audience.
Pour x raisons
La violence tombe
Pour x raisons
Mon corps, une ombre
Pour x raisons
Ma vie, une tombe
https://unmotpourtouspourunmot.blogspot.com/2020/11/rouge-pute-de-perrine-le-querrec.html
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