La Revue de Presse littéraire d'avril
Franco-allemande, Oriane Jeancourt Galignani est critique littéraire. Mourir est un art, comme tout le reste est son premier roman qui évoque Sylvia Plath, poétesse et icône féministe des années 60. Lors du Festival de la Correspondance de...
La Revue de Presse littéraire d'avril
Franco-allemande, Oriane Jeancourt Galignani est critique littéraire. Mourir est un art, comme tout le reste est son premier roman qui évoque Sylvia Plath, poétesse et icône féministe des années 60.
Avec ellipses, raccourcis, et force effets d'esbroufe, l'auteure s'approprie la vie intérieure de Sylvia Plath dans ses derniers moments. J'ai mal vécu cette lecture, comme le témoin d'un viol de conscience, car ce texte n'a rien d'une biographie. Ceux qui aiment et connaissent Sylvia Plath ne peuvent qu'être agacés, je crois. Les autres, déroutés : ils ne comprendront pas les brèves allusions, destinées aux happy few. Mais peut-être auront-ils envie de découvrir la version originale, les oeuvres de Sylvia Plath elle-même ; alors ce livre n'aura pas été inutile.
Dans le parc d’une propriété du Val de Loire les arbres tombent, sans raison apparente, sans signe avant-coureur. Le propriétaire, Paul est au crépuscule de sa vie et ne comprends pas pourquoi ses arbres s’effondrent les uns après les autres. Il demande à sa fille de venir l’aider.
C’est Zélie qui raconte cette période, leur combat commun contre la disparition des arbres mais aussi leur histoire familiale, sa lâcheté à elle, le suicide de son frère, la vie passée de son père qu’elle n’a jamais osé aborder avant ce séjour.
Facile et agréable à lire, ce roman comporte beaucoup de zones floues sans que ça soit ressenti comme un manque, l’importance étant donnée à la vieillesse inéluctable mais aussi aux tragédies jamais réellement abordées ! Un instant qui englobe deux vies, des relations et des sentiments jamais avoués.
La forêt qui tombe petit à petit est la métaphore de la vieillesse qui enlève peu à peu à Paul, ce qu’il a été, ce qu’il a représenté pour sa fille, la perte de sa vision et de sa mémoire, jusqu’à son anéantissement par la mort ! Le chêne c’est le père, miné de l’intérieur et qui un jour s’effondre.
Non exempt de violence, ce roman est très pudique dans les sentiments et ressentis et l’ambiance des solitudes est très bien exprimée. Il est touchant aussi car nous avons tous été confrontés à la disparition de personnes que nous aimions avec la peine et les regrets qui ont suivi.
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Ce roman est un véritable chef-d’œuvre de douceur – malgré le sujet principal, la chute inexorable et symbolique du chêne ancestral que l’on croyait inébranlable –, d’humilité face à la mort, à la décadence physique, à la vieillesse qui s’installe et poursuit son œuvre implacable. Qui parle aussi du deuil sous toutes ses formes : celui d’une jeunesse et d’un pouvoir révolus, celui d’un temps perdu (de longues années sans se parler, sans s’épauler dans la souffrance), quinze ans après un drame jamais accepté pour les trois protagonistes. Le deuil qui n’a pas pu se faire... D’un temps suspendu dans un lieu magnifique, au sein de la forêt, de la terre-mère nourricière pour de nouveau se réunir et explorer ce qui ne l’a pas été, pour se dire au revoir dans l’amour et le soutien. Une réconciliation par le travail commun, par le soin apporté aux arbres, à ce parc, qui est presque le quatrième personnage de ce roman sensible. Un hymne aux échanges de tous types : avec la nature, au sein des familles, et à l’écoute de nos propres sentiments, sensations, engouements. L’histoire aussi d’un dévouement sublime (qui fait penser à celui de Cordélia dans Le Roi Lear. La comparaison entre ces pères déchus, dépouillés est d’ailleurs intéressante.), au final inattendu.
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Le récit commence à Amsterdam en 1642 : Margot qui vient de se faire engager par celui qu’elle appellera toujours le Peintre, pour s’occuper de son fils Titus. Il lui montre l’art de la gravure, dans son atelier, et lui apprend la méthode, devenant au passage son amant. Mais, le Peintre a des dettes et voit d’un mauvais œil le désir de Margot de reproduire la femme-écrevisse qui l’obsède.
On va suivre à travers les descendants de Margot, le voyage de la gravure jusqu’à nos jours en faisant la connaissance, dans un premier temps de Grégoire et Lucie, à Paris qui mènent une vie un peu étrange, leurs parents étant la plupart à l’étranger, les relations entre eux tendues, à l’ombre de la femme-écrevisse.
La gravure est en elle-même un personnage à part entière du roman, prenant parfois la parole. Elle m’a fait penser à « La peau de chagrin » de Balzac, et au « Portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde toutes proportions gardées bien-sûr. Comment ne pas évoquer, à travers les eaux fortes, le beau roman « Terrasse à Rome » de Pascal Quignard…
Le passage traitant de la parthénogenèse de l’écrevisse marbrée qui intéresse beaucoup Lucie m’a beaucoup amusée. Tout tourne bien sûr autour de ses adorables petites bêtes.
Grégoire a une relation très (trop) étroite avec son grand-père, Ferdinand von Hauser, acteur dans les années vingt à Berlin au grand dam de son père qui tient en horreur le passé nazi de la famille Von Hauser qu’il a préféré changer de nom, Ernst devenant Yves Crebsin. Krebs ! On est toujours dans les crustacés.
Ferdinand l’emmenait au zoo tous les samedis, lui promettant l’arrivée de deux dragons de Komodo qui ne sont jamais arrivés et pour cause, il n’en avait jamais été question, mais il pensait stimuler l’imaginaire ou la patience de l’enfant qu’il était alors.
Ce fût un plaisir de retrouver Nietzsche que l’on croise à Turin alors qu’il commence à plonger dans le marasme, ce que Grégoire appelle « la nécrose turinoise de Nietzsche » et dont il parle sans se lasser à table alors que son père enrage, cherchant à tout prix à le faire taire…
J’ai aimé la manière dont Oriane Jeancourt-Galignani a structuré son roman, évoquant trois périodes importantes : Margot apprenant à graver avec la Peintre dont je vous laisse deviner le nom, ce qui n’est pas difficile à deviner et d’ailleurs l’auteure révèlera assez vite, et leur relation amoureuse va aboutir à l’enfermement de la femme. C’est cette partie que j’ai le plus appréciée.
Puis, au cours des siècles, entre les mains la gravure va passer entre les mains de plusieurs descendants de Margot, parmi lesquels : Grégoire et Lucie, leurs parents très bizarres, le grand-père haut en couleur et on ne peut pas dire que ce soit sans conséquences fâcheuses sur leur santé mentale, la folie semblant accompagner certains très loin…
En découvrant le carnet de rôles de Ferdinand, on voit monter l’antisémitisme (sa propre mère est une fervente adepte de Hitler) et les termes employés autour de « la bête immonde » sont nauséabonds… on rencontre les cinéastes qui ont marqué l’époque : Lubitsch, Murnau, Lang notamment.
On suit aussi les différents exils de la Russie, au moment de la révolution, à Berlin, puis Paris, ou encore Londres. Chacun court à la poursuite de sa vie, de son identité quitte à sombrer dans la folie.
J’ai aimé les répétitions qu’utilise souvent Oriane Jeancourt-Galignani, de manière entêtante, comme un TOC et qui donne un rythme particulier à un récit qui l’est tout autant. J’ai essayé de ne rien divulgâcher, ou le moins possible, pour donner envie de lire ce livre hors du commun.
Je trouve, au passage, que l’auteure a bien en évidence l’hypersensibilité des artistes, et la manière dont ils tutoient souvent la ligne rouge entre le réel et le virtuel, quitte à la dépasser parfois, ce qui est le cas ici, qu’il s’agisse de la peinture, du cinéma et parfois la musique avec une ode aux disquaires lors du passage à Londres de Grégoire… Comment ne pas penser aussi à Vincent Van Gogh?
On peut se demander si la reproduction d’une gravure telle que la « femme écrevisse » de manière répétitive, quasi obsessionnelle fait plonger l’artiste dans la folie, ou si c’est la folie qui est représentée sur la gravure avec cette femme nue avec une tête et des pinces. C’est du moins ce que j’ai ressenti en lisant ce roman qui m’a beaucoup plu avec un épilogue génial.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.
#Lafemmeécrevisse #NetGalleyFrance
https://leslivresdeve.wordpress.com/2020/11/30/la-femme-ecrevisse-doriane-jeancourt-galignani/
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