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« Un amour sous la guerre » est magistral et puissant. Nous ne sommes pas dans un lyrisme romantique, mais dans une grande œuvre capitale et maîtrisée, sérieuse, qui mérite la plus grande attention. Ce genre de roman qui persiste dans le temps et assigne la notion d’un classique ardent. Une épopée familiale, le génie contemporain.
Ce livre est un socle et son exemplarité est une leçon de droiture.
Olivier Jacquemond déambule dans les grandes capitales du monde. Ici, il dévoile une fiction d’ombre et de lumière. Entre le Liban et la France, l’ubiquité, les cultures inversées, les prononciations géopolitiques si fidèles et apprenantes, qu’elles prouvent la capacité d’un auteur d’écrire avec l’intelligence aiguë, le regard affûté, le monde en exactitude.
L’électrochoc de deux pays qui vont rassembler l’épars. Ce roman est une valeur sûre.
1970, le Liban lève son voile. Antoine est un jeune homme, français, juste arrivé à Beyrouth. Son enjeu, développer la maison de décoration Roche Bobois dont le siège est en France. Il sera conseiller décorateur dans une boutique à Beyrouth.
« Le Liban est la fiancée du Proche-Orient ». 1976, les affrontements sont récurrents. « Tout étranger et enthousiaste qu’il était, il n’était pas naïf, et avait eu vent de l’existence de tensions profondes que la nourriture n’apaiserait pas ». Le Liban est en ébullition. Les faux-frères longent les murs. Les duperies deviennent des complicités. Le vacillement d’un pays ployé sous les affres des disparités et des enjeux politiques. Il aime le Liban comme une tasse brûlante entre ses mains.
« C’est un beau pays pour mourir ». « Soudain, le retour à une langue universelle, le silence ».
Il va rencontrer Esther. Une jeune femme emblème d’un Liban empreint de coutumes et de morale conservatrice. L’approche comme une biche aux abois, « une femme, lui expliqua-t-elle, ne s’appartenait pas. S’il souhaitait l’épouser, dit-elle en plaisantant, il ne le pouvait pas. Sa candidature ne serait même pas examinée ».
Ils vont contrer les habitus, les conformités. Tout en sachant que les frontières sont mentales, imposées et noria d’oiseaux noirs en pleine nuit. Antoine doit quitter le Liban, seul. Trop de risques, de troubles, et « le Français fait bien de partir, conclut Ghassan. Il est resté trop longtemps ». « Une guerre de susceptibilités, une mosaïque de contentieux, avec des raids punitifs, des embuscades, des prisonniers, et des morts, plus qu’il n’en faut ».
Il reviendra au Liban. Aimanté par Esther, par sa promesse d’un retour. Rejoindre les meurtrissures et les filatures. Risquer son corps, mais ouvrir son cœur . « Il épousera Esther. Culturellement cela va de soi ».
Antoine le sombre, Esther l’immaculée, l’un mélancolique, l’autre enjouée, battante et voluptueuse. Les vents contraires, peuvent-ils s’assembler ? Sans doute, il y aura des épreuves,. La loyauté vaincra. Ils reviendront en France. L’expérience des migrations refoulée du pied. La mère d’Antoine, Colette, odieuse et hautaine, méprisante et jalouse cherchera la faille. Le colibri gardera le sourire coûte que coûte. « Mari et femme. Dans son mariage, il cherche la perfection. Il se veut exemplaire. Sans se le formuler vraiment, il sent qu’on frôle la première fausse note. Là-bas, dans son environnement, Esther était sublime, parfaite. Ici, elle est exotique ».
Ils rejoindront et pour toujours le Liban. Malgré les bombes et les flammes, l’insécurité et la peur. La passion est un garde-fou. « Et en les écoutant, en les observant, Antoine se remémore tout ce qu’il a aimé chez ce peuple. Cet envoûtement par la parole, les gestes, cette poésie qui glisse au bord du gouffre ».
Ce récit est une mappemonde sentimentale et de bravoure. Le devoir d’équité, l’empreinte qui somme la liberté. Vivre en absolu et en quintessence. Ce livre est le porte-voix des ténacités. « Dans un conflit, la vraie question n’est pas qui gagne la guerre mais à qui profitera la paix ». Les familles qui percent l’abcès des différences culturelles et religieuses. L’étrange (er), l’étrange (ère), un livre émouvant qui prouve que le courage est gagnant. Saisir le jour présent, garder son libre-arbitre. L’amour comme une couronne d’olivier. Les obstacles comme des défis. L’épi de blé de la foi en l’autre, son frère et sa sœur en humanité. Ce livre est la preuve des possibles, une lutte à la vie. Les résistances souveraines. Magistral, l’éthique et son modèle. Publié par les majeures Éditions Intervalles. Ce livre est une fierté éditoriale. En lice pour le prix Hors Concours des Éditions Indépendantes 2023/2024.
Olivier Jacquemond écrit une histoire d'amour entre deux personnes qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Lui, Français exilé au Liban. Elle d'une riche famille chrétienne qui aurait dû épouser un fils d'une autre riche famille chrétienne. Ils sont différents. Elle enjouée, vivante, sociable et lui taciturne. Leur histoire n'est déjà pas facile sur le papier, mais la guerre s'en mêle. Ce petit pays aux multiples communautés se déchire. Une guerre complexe marquée par des tensions entre communautés mais aussi au sein des mêmes communautés. Tout cela, Olivier Jacquemond l'explique en toile de fond de son roman, et certains noms reviennent en tête qu'on entendait souvent dans les années 80 : les familles Gemayel, Chamoun... Puis les interventions des pays voisins : Syrie, Palestine, Israël...
Ce roman, inspiré de la vie des parents de l'auteur est construit en courts chapitres, dans lesquels, la guerre et le Liban sont omniprésents. Même lorsque les deux jeunes gens sont en France. Le pays vit en eux et la guerre aussi. Il y est question d'exil, le pays d'accueil, la France, n'est pas à la hauteur des espérances d'Esther, non pas qu'il soit question de racisme, mais plutôt de déclassement social -adieu la riche famille avec des serviteurs- et de jalousies et d'habitudes de vie : "Sur le quai, ils attendent parmi une multitude d'hommes renfrognés. Personne ne se sourit. Personne ne se salue. Le métro approche. Les pneumatiques, l'ébranlement des wagons, lui rappellent la guérilla, les abris, les caves où ils se réfugiaient lorsqu'une pluie d'obus s'abattait sur Beyrouth. Le train libère ses passagers par grappe. 5 millions de personnes utilisent le métro chaque jour, deux fois la population du Liban. Chaque jour, deux Liban, toutes confessions confondues, circulent dans ces voies souterraines. Une vie sous terre, pour Esther c'est pire que la guerre." (p.105) Colette, la mère d'Antoine n'accepte pas volontiers sa belle-fille au contraire d'Ivan le grand frère, éternel rival qui s'empresse, au risque de provoquer des tensions et des jalousies. La famille française d'Antoine n'est pas la famille unie et soudée libanaise d'Esther. On n'est pas encore dans le "Famille, je vous hais !" d'André Gide, mais pas non plus dans un cocon protecteur et rassurant. Et lorsque l'envie de retourner vivre au Liban reprend le jeune couple, c'est la situation géopolitique qui joue les trouble-fêtes.
Ce roman très prenant évoque tout ce que j'ai écrit plus haut, l'exil, l'arrachement au pays, aux siens au nom de l'amour certes, mais aussi parce qu'il y a une guerre. Il fait écho aux réfugiés qui tentent par tous les moyens d'arriver en Europe pour fuir la violence, la guerre... Et notre accueil n'est pas meilleur qu'il y a 40 ans, il a même sans doute empiré. Et le Liban, ce petit pays meurtri duquel il semble si difficile de se passer, d'en vivre éloigné. Un amour sous la guerre est un roman original bien qu'il évoque des sujets maintes fois abordés aux personnages très marqués, volontaires et forts et des relations entre eux pas toujours saines -notamment entre Antoine et Ivan-, bien décrites par Olivier Jacquemond. Un roman à découvrir, toujours du bon chez Intervalles.
Eric, alors que son futur mariage est pratiquement annoncé décide (initialement) de faire une pause et quitte tout. Il quitte ses parents et sa soeur, Paris pour New York, deux villes différentes, deux vies différentes, deux cultures différentes. New York, la ville où les personnes qui n'ont pas de rêves viennent les chercher. Eric vient réaliser ses fantasmes, fixer ses désirs et provoquer son avenir, mais aussi par cette rupture, oublier son histoire, son passé, se forger sa propre identité et s'accepter. Au cours de son séjour, son père tombe malade et c'est le retour. On apprend que son père était un père absent, à côté de la famille, son seul souhait était qu'elle soit heureuse mais s'effaçait toujours devant elle : un père transparent qu'Eric ne connaît pas. Après la mort de son père, il décide finalement de retourner à New York et fera la rencontre peut-être qui marquera sa naissance : Mick un écrivain truculent sans manière, à la vie sans retenue, franc et grand observateur. Ils se rencontrent autour de Leonard Cohen et Mick va permettre à Eric de se révéler à lui-même. Leur amitié et leur discussion l'amèneront à respecter le point de vue de Kerouac, «on finissait fatalement par rentrer chez soi, et ce qu'il fallait retenir en définitive, c'était le nombre de tours de piste qu'on avait réalisés entre le moment de son départ et celui du retour programmé.», un ultime voyage vers Paris qui lui permettra de constater que son père était plus proche de lui qu'il ne le pensait jusqu'au point où il n'est peut-être venu à New York que pour réaliser les rêves de son père. Ce premier roman est une vraie réussite, une très belle découverte.
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