Le 13 mai 2013, le jury a délibéré pour désigner les finalistes retenus pour le Prix Orange du Livre dont le lauréat sera annoncé le 11 juin 2013. Six titres ont été sélectionnés.
Le 13 mai 2013, le jury a délibéré pour désigner les finalistes retenus pour le Prix Orange du Livre dont le lauréat sera annoncé le 11 juin 2013. Six titres ont été sélectionnés.
Dans l’un de ses précédents romans, Comme une rivière bleue, Michèle Audin avait décrit la Commune de Paris à partir des quartiers de Paris où celle-ci avait connu les activités et faits les plus marquants et significatifs ; elle avait restitué l’histoire à hauteur des destinées individuelles, obscures, celles des sans-grades.
Dans Josée Meunier , 19 rue des Juifs, l’auteure reprend ce mode de récit en le circonscrivant à un immeuble , celui du 19 rue des Juifs , situé dans le quatrième arrondissement de Paris .Elle prend pour point de départ une perquisition menée par un certain Victor Berlioz, commissaire de police de son état : il ressort quelque peu bredouille de sa descente de police, il n’a pu , en effet, cueillir des suspects et n’a recensé qu’une concierge, Madeleine, un coiffeur, Mlle Georgette, couturière, Madame Dubois, une ouvrière en cartonnages.
Pourtant, l’immeuble du 19 rue des Juifs fut le lieu d’où s’échappèrent Josée Meunier et d’autres membres de sa famille pour rejoindre en exil à Londres Albert Theisz, bronzier et ardent partisan de La Commune.
A travers une correspondance entre les membres de la famille de Josée restés à Paris et cette dernière, Michèle Audin fait ressentir les nostalgies et douleurs des Communards vaincus, coupés de leurs racines, peinant à amortir le choc de la répression des Versaillais contre La Commune : Les nouvelles les plus anodines coexistent avec celles de la grande histoire : « On recommence ici à mourir comme avant les massacres de mai. Plus de coups de chassepot ou de mitrailleuse. Nous avons eu des accidents de charrette une femme de la rue des Rosiers qui s’est jetée dans la Seine parce que son mari est emprisonné sur un ponton dans la rade de Brest (…) Nous ne savons rien de la petite madeleine Alary qui est partie il y a deux mois. Etienne a été condamné à la déportation. »
Les descriptions des relations entre Communards exilés ne sont toutefois pas empreintes d’une excessive complaisance. Ainsi, Michèle Audin pointe-elle les reproches que se font ces personnes entre elles : qui était la plus révolutionnaire, la plus lucide ? Un trait d’humour est restitué ; c’est le récit des noces du journaliste Charles Longuet à Londres, qui célèbre ses noces avec la fille de Karl Marx, ni plus ni moins….
Michèle Audin parvient à nous restituer les espoirs de ces personnages, leurs craintes, leur foi en l’utopie. Ecrit à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de La Commune, Josée Meunier, 19 rue des Juifs contribuera, sans nul doute, à donner à La Commune cette dimension fictionnelle et romanesque ; on s’attache à ce groupe, leurs vies prennent toutes leurs significations à la lumière de l’impact de la Commune, comme tentative de libération humaine.
Peu de romans ou d’essais historiques sont consacrés à la Commune de Paris .Est-ce dû à la brièveté de l’événement ? À son caractère d'utopie révolutionnaire inenvisageable ? Probablement un peu de tout cela .Michèle Audin, dans son récit Comme une rivière bleue évoque cette période, non pas du point de vue global de l’histoire, mais de celui des Communards de base, ceux des quartiers en pleine ébullition, des faubourgs populaires, de ceux qui tiennent des réunions enflammées par la passion de transformer le monde.
Michèle Audin ne manque pas de décrire avec fougue et conviction ce qu’éprouvent à titre privé et dans leur for intérieur les Communards, comment ils s’aiment, se querellent, se retrouvent .Le récit s'articule en descriptions successives des quartiers parisiens juste après la proclamation de la Commune en mars 1871 .On arpente ainsi la place de Grève, le onzième arrondissement, le Faubourg Saint-Antoine, le quai Conti .Mais c’est la prise du journal Officiel qui est présentée comme l’une des premières décisions de la Commune, c’est l’occasion d’y présenter les personnages que l’on retrouvera à travers la récit :Emilie Lebeau, Pierre Vésinier, Florris Piraux ,Paul Vapereau,Charles Longuet .On y croise bien sûr les grandes figures de la Commune, Jules Vallès qui s’écrit : « Quelle journée !Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux !le murmure de cette révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue … ».
Mais que se passe-t-il de décisif ? Michèle Audin nous le rappelle en évoquant les décisions de la Commune, celle d’Edouard Vaillant proposant une paie identique aux instituteurs et institutrices, ou la création d’une autogestion au travail, la suppression des amendes frappant les ouvriers : « Il faut signaler aussi, le 3 mai, le projet de règlement très autogestionnaire soumis à l’approbation de la Commune par cinq cents ouvriers des ateliers de repartions et transformation d’armes du Louvre. »
Le récit de Michèle Audin s’attache aussi à la vie quotidienne dans les quartiers, aux bals organisés, à l’évocation de la joie qui éclate, des sentiments qui débordent d’intensité : « Cette nuit-là….Les soucis, le manque de pain, ça bouffait le désir et la joie .L’espoir né des dix derniers jours, dont la fête a révélé l’ampleur (…) Embrasse-moi, camarde ! Aime-moi camarade !(…) C’est une grande soif de bonheur, c’est la joie de ce bonheur enfin trouvé, Et Paris s’endort dans ces souffles haletants. »
Autre point historique souligné par Michèle Audin : le rôle joué par les Francs-maçons lors de la Commune de Paris et déjà illustré dans Les chemins de la fraternité de Jean-François Nahmias, roman historique consacré également à cet événement. Beau texte, qui nous introduit dans les cœurs et les âmes des Communards, comme pour réhabiliter-mais en a-t-elle vraiment besoin ?-l’utopie, cette vielle lubie humaine .La mort de la Commune est décrite à la fin du roman : exécutions massives, évasions de certains, déportations en Nouvelle-Calédonie, à l’instar de Louise Michel. Concluons avec le bel hommage de Ferrat, en 1971 :
« Devenus des soldats
Aux consciences civiles
C'étaient des fédérés
Qui plantaient un drapeau
Disputant l'avenir
Aux pavés de la ville
C'étaient des forgerons
Devenus des héros »
Le livre retrace des épisodes de vie de jeunes femmes âgées de 20 à 30 ans, et ce sur une période couvrant les années 30 (de 1934 à 1941).
On y croise à chaque fois "Mademoiselle Haas" puisque c'est le pari de Michèle Audin d'avoir donné à chacune de ses "héroïnes" ce patronyme : Léopoldine, fraiseuse, Peroline, accoucheuse, Albertine, femme de ménage...
La narration est originale puisqu'elle différe selon les histoires : le témoignage de l'une est recueillie sous la forme d'un formulaire à remplir, l'un des récits est constitué de nombreux renvois en bas de page, où encore l'un des chapitres alterne entre l'histoire d'Albertine et les informations de l'époque.
Ce sont ainsi de jolis portraits de femmes que Michèle Audin s'évertue à faire revivre dans ce livre, d'illustres inconnues qui, au final, nous racontent aussi ce que fut notre histoire.
Finaliste du prix Orange 2013 avec "Une vie brève", Michèle Audin répondait ainsi à la question "Qu'aimeriez-vous partager avec les lecteurs en priorité ?" : "le fait que la littérature, l'écriture, peuvent aider à appréhender, à comprendre l'histoire". Même si certains portraits auraient gagné à être plus développés, la mission est tout à fait remplie dans ce livre. Elle nous rappelle au demeurant que 37 femmes du nom de Haas sont répertoriées dans le Mémorial de la Shoah.
Michèle Audin nous parle de son père et c'est une belle histoire, une histoire d'amour entre un père et sa fille, c'est toujours une belle histoire. J'ai perdu le mien quand j'avais 14 ans et j'essaie encore aujourd'hui d'imaginer ce père qui me manque tellement. Celui de Michèle Audin est mort à 25 ans, torturé. Un homme aimant et aimé qui avait des projets et qui n'a pas eu le temps de les réaliser. Le texte de Michèle Audin est beau, juste. Une quête, un besoin de dire ce qui reste là, coincé, au fond du coeur, dit ou pas dit mais qui empêche de dormir. C'est écrit avec amour mais c'est aussi, et cela est important, un appel à la vérité.
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