"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lorsque l’on m’a proposé cet ouvrage dans le cadre d’une Masse critique privilégiée, je n’ai pas hésité plus de quelques secondes (le temps de lire le mail en intégralité, quoi) : même si la couverture ne m’inspirait pas grand-chose, le résumé m’intriguait énormément, la phrase d’accroche également (chic, une invasion extraterrestre !) … et surtout, j’avais terriblement envie de retourner l’espace d’une lecture dans ma zone de confort littéraire qu’est le young adult. Elargir ses horizons littéraires, c’est bien, ça permet de découvrir des ouvrages que l’on n’aurait sans doute jamais lus sans cette prise de risque, mais de temps en temps, c’est bon, aussi, de se tourner vers les valeurs sûres et de retrouver son genre favori ! Cette lecture m’a fait énormément de bien, j’ai limite eu le sentiment d’être de retour à la maison après un long voyage … D’autant plus que Fonda Lee nous offre ici un premier tome particulièrement addictif et prometteur !
Il y a un siècle de cela, les Zhrees ont débarqués sur Terre. Ils ne s’attendaient alors pas à ce que les humains résistent si violement et vaillamment à leur arrivée … Après un conflit meurtrier, la paix a finalement été restaurée et la Terre fait désormais partie des colonies Zhrees. Donovan, 17 ans, est le fils de Premier Mandataire, chef de la diplomatie entre les gouvernements humains et les administrateurs Zhrees. A cinq ans, il a été choisi pour devenir un Exo, un humain pourvu d’une armure organique issu de la technologie Zhree. A douze ans, il est sélectionné pour être un erzo-soldat, chargé de faire régner l’ordre. Mais tout son univers s’écroule le jour où une arrestation tourne mal et qu’il se voit enlevé par une organisation terroriste luttant contre la domination Zhree …
Contrairement à la plupart des dystopies et autres récits futuristes pour adolescents qui consacrent leurs premiers chapitres à expliquer avec force détails les subtilités du fonctionnement de cette société fictionnelle, ce roman démarre sur les chapeaux de roues : le lecteur est immédiatement plongé dans le vif du sujet, au cœur de l’action. Les informations nécessaires à la bonne compréhension du récit sont distillées ci et là au cours du récit, et c’est tellement plus digeste que ces longues introductions artificielles ! Bien évidemment, au début, on se pose quelques questions, on est un peu déboussolé, mais je trouve ça bien plus intéressant que de devoir ingurgiter un tsunami d’explications dès le début du livre. Ici, l’élément perturbateur qui lance véritablement l’intrigue survient dès le quatrième chapitre, après un petit incipit destiné à poser un minimum le contexte en nous présentant le personnage principal et son statut. Grâce à ce début in medias res, le lecteur, comme Donovan, se retrouve happé par les événements, entrainé dans une spirale infernale qui le dépasse … C’est justement parce que le lecteur ne maitrise pas encore toutes les subtilités de ce monde que la tension dramatique est si forte, que l’envie de tourner les pages est si grande ! Non seulement le lecteur veut absolument savoir comment la situation va évoluer, mais en plus il veut en savoir plus sur le monde dans lequel il se retrouve plongé à travers les pages. Un lecteur dans l’attente est un lecteur qui va enchainer chapitres sur chapitres sans même s’en rendre véritablement compte …
Rares sont les personnages principaux masculins à m’avoir autant touchée que Donovan. Je me suis très facilement identifiée et attachée à lui : malgré cet exosquelette extraterrestre qui le rend bien plus fort et bien moins vulnérable physiquement qu’un humain, il n’a rien du super-héros invincible qui m’exaspère. Dès le début, Donovan va se retrouver en très mauvaise posture malgré son endurcissement, et il sera incapable de se sortir seul de cette fâcheuse situation : sans l’intervention de ses camarades d’erzé, Donovan était aussi impuissant que n’importe quel humain. C’est tellement rafraichissant, dans la littérature pour adolescents actuelle, que de faire la connaissance d’un protagoniste de cette envergure : Donovan est envahi par le doute, le découragement, la honte aussi. Il va progressivement prendre conscience qu’il n’y a pas qu’une seule vérité, que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir et que prendre une décision est lourd de conséquence. Donovan n’a rien du héros, mais n’est pas non plus un anti-héros : il désire ardemment faire ce qu’il lui semble être juste, sans cesse tiraillé entre son sens du devoir et ses désirs purement égoïstes … Donovan est un personnage étonnamment complexe par sa banalité, justement : c’est un personnage que je qualifierai d’authentique … J’aimerai croiser plus de personnages comme Donovan !
Tout comme notre personnage principal - et les autres protagonistes, d’ailleurs, tous aussi intéressants les uns que les autres -, l’intrigue est à la fois simple et complexe. Au premier abord, on se retrouve avec un schéma somme toute assez classique : un petit groupe de révoltés qui s’opposent au pouvoir en place, une rébellion qui menace d’éclater au fur et à mesure que le mouvement prend de l’ampleur et gagne de l’influence … Certains regretteront peut-être la petite romance « trop prévisible », « trop insipide », « trop inutile », d’autres encore s’insurgeront peut-être contre le rebondissement qui plonge Donovan dans le désarroi le plus profond (événement qui fait naitre en lui ce fameux conflit entre le cœur et la raison), le trouvant « trop cliché » … Pour ma part, j’ai trouvé tous ces éléments tellement bien exploités que je n’ai rien à reprocher à leur utilisation. Fonda Lee récupère des lieux communs du genre pour les utiliser à sa manière, afin de servir son intrigue … et le message qu’elle cherche à transmettre à travers cette histoire, ou plutôt les interrogations qu’elle cherche à faire naitre chez le lecteur.
En effet, ce roman est une vraie mine à questionnements : il sera question de liberté (individuelle comme collective) et de libre-arbitre (avec la grande question des influences et des déterminismes …), de la pluralité des points de vue sur une même réalité (chers professeurs de philosophie ouverts à la littérature de jeunesse pour appuyer vos thématiques avec vos élèves, n’hésitez pas à vous tourner vers cet ouvrage lorsque vous aborderez le délicat chapitre sur la vérité) … Sans oublier bien sûr le grand thème de la colonisation et tout ce qui en découle : un peuple doit-il privilégier la sécurité et le progrès en acceptant la présence d’un autre peuple, ou doit-il au contraire lutter pour préserver son autonomie et ses traditions propres ? quand s’arrête la coopération, quand commence la domination ? Je n’ai sélectionné que quelques axes de réflexion, mais je ne serais pas étonnée si une relecture future me conduisait à en repérer bien d’autres qui, alors, me sembleront encore plus pertinents. C’est la grande force de ce roman : il ne se contente pas de raconter une histoire creuse et terne pour divertir et amuser … Il est au contraire riche, complexe et profond, et intéressera ainsi tout autant les adolescents que les adultes !
En bref, vous l’aurez compris, ce premier tome à la couverture si peu attractive est très rapidement entré dans la catégorie des coups de cœur. L’auteur nous offre ici un récit particulièrement passionnant et captivant, que l’on peine à lâcher : une intrigue vraiment palpitante, pleine d’actions et de rebondissements, mais aussi d’émotions et de bouleversements ; des protagonistes à la personnalité bien travaillée mais qui ne tombent jamais dans le stéréotype sans intérêt ; et surtout une très belle plume que l’on prend vraiment plaisir à lire … Ce roman a tout simplement tout pour plaire ! La dernière partie de l’ouvrage nous promet une suite encore plus prenante, encore plus saisissante, encore plus poignante, une suite que j’ai terriblement hâte de découvrir ! Amoureux de la science-fiction, n’hésitez pas à vous plonger tout entiers dans ce roman qui fut pour moi une excellente surprise ! Je veux vraiment rassurer ceux qui craignent que ce récit soit « trop jeunesse » : c’est absolument tout le contraire, je le trouve même suffisamment complexe pour que certains jeunes lecteurs ne s’y retrouvent pas … Comme quoi, il ne faut jamais se baser uniquement sur le rayon dans lequel les libraires classent les ouvrages pour faire son choix !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/03/exo-tome-1-fonda-lee.html
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