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« Junil », vertigineux, méticuleux, l’épopée d’un monde. Un chant étincelant. Une fable qui élève ses miscellanées, dans une orée signifiante, si captivante, qu’elle nous frôle de près.
On retient notre souffle tant l’écriture de Joan-Lluís Lluís prend vie.
À la hauteur d’un chef-d’œuvre, ici le langage est murmure, écoute et retenue.
« Junil » cette fillette de huit ans, orpheline de mère. L’enfant vit avec son père. Un « écrivain public qui avait perdu toute sa famille, ou s’inventer une nouvelle vie avec sa fille comme fardeau. C’est ainsi que naquit le mépris. »
Devenu libraire, il soumet Junil à sa tyrannie. Esclave de son père, elle est silencieuse mais volontaire, vive et intelligente.
Junil encolle des feuilles de papyrus avec les esclaves copistes. Elle va apprendre à lire, à écrire dans un secret de connivence avec asservis.
Le récit est un univers de scènes au ralenti. On se glisse entre les rives, on retient cette mélopée. Ce conte qui semble venu des terres lointaines, dans cette oralité, où l’on ressent sur notre peau, tout le charme d’une histoire sans âge, posée dans l’ère romaine, et plus encore.
Elle qui va s’émanciper sur les textes d’Ovide. Dans cette teneur glorieuse d’atteindre la voûte des sages.
Elle, camarade de cœur avec les assujettis qui vivent dans l’antre paternel.
La connivence des mots, la solidarité altière, elle, esclave-fille, de.
Junil s’accroche à ses rêves, aime Ovide, pleure lorsqu’elle apprend que l’empereur a renié Ovide. Elle s’affole lorsqu’elle apprend qu’il faut détruire tous les rouleaux. Anéantir toutes les traces, toutes les merveilles de ce grand poète.
« L’empereur l’a envoyé à Tomis. »
« Junil, orpheline des œuvres d’Ovide , « qui ne retournera pas à la bibliothèque aujourd’hui. »
Et pour cause.
Jeune femme devenue, virginale et pure, vouée à Ovide. Le récit est d’une compassion révélée pour la grandeur des âmes. Charnel et puissant, de sens et d’essentialisme, voûte sur des contrées où les Dieux agitent leurs rites. Où des terres se veulent sans esclaves. L’idiosyncrasie de notre monde, voilée entre les mythes et notre réalité de chair et de sang.
Les drames et les altières fraternités également enserrent cette trame profondément humaine.
La capacité de subvertir de par un conte grandiose les évidences.
D’une générosité exemplaire, dans cette virtuosité des apogées des transmissions gagnantes.
Junil et ses frères de cœur vont s’élancer dans un périple. Partir sur les traces d’Ovide.
Et peut-être atteindre la rédemption. Ici, on imagine des mages, et l’histoire est belle.
La voie de traverse jusqu’à l’absolu. D’une dignité inlassable, intrinsèque, « Junil » est un livre presque intemporel. Une légende-née qui acclame le pouvoir des mots, des hérédités et des passations.
Bienveillant et olympien, « Junil » est un éclat de diamant, tant il est merveilleux et d’un bleu infini.
« Ainsi, la première nostalgie qui les unit est celle des flammes apprivoisées. »
Initiatique, irradiant, dans cette supériorité qui excelle d’acuité.
« Junil », l’inoubliable.
« Junil » a reçu le prestigieux prix Òmnium ainsi que le prix Crexells du meilleur roman.
Traduit du catalan par Juliette Lemerle. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes.
Dans la lointaine époque de la Rome antique, Junil survit à un incendie qui décime une partie de sa famille et, à 8 ans, elle vit dans l’ombre de son père, écrivain public, et apprend secrètement à lire.
Passant ses journées à la bibliothèque de la ville frontalière de Nyala, elle découvre les écrits du poète Ovide et décide de lui vouer sa vie.
A 16 ans, aidée du bibliothécaire et de deux autres esclaves en fuite, elle part pour un long périple à travers l’Empire pour tenter de retrouver « le plus grand poète de l’univers », jusqu’à Tomis où il a été exilé.
Bien d’autres esclaves évadés, portés par l’idée de rallier le pays des Alains où l’esclavage est proscrit, vont se joindre à cette troupe qui ne cessera de grossir au fil du voyage.
Dans ce monde aux dieux multiples et aux sacrifices récurrents, la jeune fille va transmettre la lecture et l’écriture à ses compagnons et leur montrer le pouvoir des mots.
Ce joli conte idéaliste véhicule des valeurs de partage et de solidarité et prône le savoir comme chemin vers la liberté. Son héroïne, la jeune Junil, mène sa troupe avec sa seule ferveur intellectuelle et porte en elle l’exaltation et l’innocence d’une Jeanne d’Arc des temps anciens.
J’ai regretté le peu de repères historiques comme géographiques de la narration à laquelle seul le poète latin Ovide, apporte un ancrage concret. Il faut donc prendre ce roman comme un mélange de fiction historique et de conte allégorique et ne pas se perdre dans la recherche d’éléments trop réalistes.
Destiné à un large public, ce roman un peu naïf mais réjouissant de Joan-Lluis LLUIS véhicule des valeurs très actuelles et il m’a transportée plus de mille ans en arrière avec beaucoup de plaisir.
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