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Putain d'Usine est issue d'un roman Autobiographique de Jean-Pierre Levaray, qui s'auto-qualifie d'ouvrier qui écrit. C'est l'histoire, et même les histoires de travailleurs face aux dangers de l'usine : les accidents, l'alcoolisme, la dépression, la résignation, le mépris...
La bd en elle-même est un pavé, mais vaut la peine de se plonger dedans. D'autant plus que Effix nous aide à supporter la masse en découpant le livre en chapitres, et en alternant le style de tracé : crayon à papier, dégradé de gris, bichrome noir/blanc, en fonction de la légèreté de la situation ou de la légèreté à apporter.
Je recommande vivement cette version: La totale, puisqu'après la récit de ce qui est la misère connue de l'auteur, la seconde bd " les fantômes du bourg" parle d'une misère qu'il ne vit pas, mais qu'il raconte humblement. Celle des habitants qui gravitent autour de cette usine, avec leur propre quotidien et leur propre histoire de vie.
Finalement, la dernière bd change encore drastiquement de style puisqu'elle nous entraine vers de la fiction qui s'intitule " Tue ton patron".
A poser sur sa table de chevet et à déguster par petites bouchées.
Paul Lafargue est un employé de la gigantesque entreprise FFI. Mais sous d'autres pseudonymes tout aussi marqués que Paul Lafargue (voir l'excellent livre Le droit à la paresse) : Guy Debord ou Marius Jacob, il épie le grand patron pour connaître ses habitudes, son univers. Son but : le tuer. C'est lui qui a licencié Paul et pas mal de ses collègues après vingt-cinq années données à l'usine. C'est lui, qui pour s'enrichir davantage et enrichir davantage les actionnaires décide de qui doit aller pointer au chômage, qui doit foutre sa vie en l'air car se recaser après tant d'années d'usine, ce n'est pas facile. Pelletier-Raillac, le patron, est un requin, d'un mépris sans borne pour les petits. Il doit mourir.
Après les tomes 1 Putain d'usine et 2 Les fantômes du vieux bourg, voici le tome 3, mais tout peut se lire indépendamment. Et je retrouve quelques années après mes lectures des eux premiers numéros, tout ce que j'ai aimé. Un bande dessinée engagée, sociale dans un univers noir. Tout est noir, même les dessins, superbes. Les techniques et manœuvres du grand patronat pour licencier et gagner plus sont bien décrites,. Elles sont connues, mais aucun gouvernant ne fait quoi que ce soit pour les empêcher. Les profits explosent et les licenciements aussi. Je n'irai pas forcément jusqu'à conseiller de tuer son patron, mais l'exaspération, la colère, la désillusions sont telles qu'elles peuvent entraîner de telles pensées. C'est ce que montrent formidablement Efix par ses dessins et JP Levaray par son histoire.
Comme les numéros précédents, c'est une bande dessinée importante et marquante, réaliste et sociale, humaine qui en plus est très belle. Je me suis laissé dire que la maison Petit-à-petit sortait une version intégrale des trois tomes. Pourquoi résister ?
les planches de Efix sont tirées de nouvelles de J-P Levaray, dressant des portraits de gens simples, anonymes qui vivent autour de l'usine, dans le vieux bourg.
Pour le dessin, Efix n'utilise que du noir et blanc, et franchement, comme on dit maintenant : "ça le fait !" Les livres sont découpés en petits chapitres, chacun traité différemment pour le dessin : parfois relativement classiquement, parfois à la manière d'ombres chinoises, alternance de dessins noirs ou gris sur fond blanc et de dessins blancs sur fond noir (personnellement, j'ai un faible pour ces derniers). Efix utilise aussi des photos, des cadrages d'images loin des standards de la BD, des superpositions, des polices d'écritures différentes : tout pour nous attirer l'oeil, de belle manière, pour nous happer par son dessin et par le texte de J-P Levaray.
De la BD réaliste, engagée, sociale, ... Quel que soit le terme que l'on puisse utiliser pour ces livres, il est loin de ce que la bande dessinée propose habituellement. Rien que pour cela, ils mériteraient le détour, mais là, on peut les ouvrir en plus pour leurs réelles qualités, autant dans le texte que dans le dessin.
BD, d'un genre très particulier. Particulier, parce qu'elle raconte le quotidien d'un ouvrier d'une usine de produites chimiques, classée Seveso 2. J-P Levaray est, à l'époque où il écrit son livre, ouvrier dans cette usine. Ce n'est pas gai tous les jours : les ouvriers n'ont pas envie de venir bosser ; le livre commence par ces phrases : "Tous les jours pareils. J'arrive au boulot. Et ça me tombe dessus comme un vague de désespoir. Comme un suicide. Comme une petite mort. Comme la brûlure de la balle sur la tempe. On en arrive à rêver que la boîte ferme. Qu'elle restructure." (p.3/4). Le travail est pénible, dangereux et pas du tout motivant. Beaucoup de salariés sont entrés dans cette boîte croyant y faire un bref séjour. Et puis, ça dure. La vie fait qu'il n'est pas toujours facile ou possible de changer. On se réveille 20 ans plus tard en se disant qu'on est toujours là, dans cette usine.
Voilà pour le ton du bouquin, très réaliste, qui décrit formidablement la vie d'un ouvrier au début des années 2000. Une sorte de Zola moderne
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