Une excellente porte d’entrée dans le Grand Siècle pour les collégiens et lycéens
Une excellente porte d’entrée dans le Grand Siècle pour les collégiens et lycéens
Un roman surprenant qui ne laisse personne indifférent
Cette semaine, suivez Cécile Boyer-Runge, PDG de Robert Laffont et Betty Mialet codirectrice des éditions Julliard.
Ma chronique : Si vous étiez témoin d'un crime, en reconnaissant le coupable et la victime, pourriez-vous révéler la vérité sans hésiter ? Delacomptée est un auteur que je retrouve avec plaisir ! Je l'avais découvert avec " Le sacrifice des dames". Ici, dans cet ouvrage - qui sort de son registre habituel, où il excelle dans ses portraits littéraires -
il ne s'agit pas d'un thriller angoissant, mais plutôt, dans l'ambiance secrète et feutrée de Province, d'une analyse sur les amnésies traumatiques, sur le déni, obligeant le personnage à aller au bout de sa logique.
L'auteur, passionné de cinéma, fait souvent allusion aux films noirs tirés des romans de Chandler ou à l'ambiance dérangeante de ceux de Lynch. Il procure au lecteur le sentiment d'un climat, d'un décor, d'une ambiance en mettant l'accent sur le témoin et non sur le coupable d'un crime.
Delacomptée place son intrigue près de Bayeux.
Il imprègne l'atmosphère de cette mélancolie qui règne sur une plage en hiver, dépeuplée, gonflée de gros nuages sombres.
La pluie incessante fait référence au déluge.
Phill, ancien détective privé, insomniaque, souffre d'hyperacousie : son incroyable ouïe saisit le moindre bruit, inaudible pour d'autres.
Un jour il entend depuis sa véranda un couple se disputer sur la plage. Il reconnaît les deux personnes. Il assiste à la violence de l'agression mais n'intervient pas, il n'appelle pas la police quand la jeune femme gît sur le sable.
Le lendemain Phill refuse de témoigner parce qu'il ne se souvient plus des détails. Certains faits ont disparu comme une "éclipse".Pourquoi ?
Phill se confie à Lise, sa compagne qui est malade. Leur union est très fusionnelle.
Le policier qui enquête, sous des allures de grossier personnage, est un fin limier. Sa collaboratrice est tout aussi obstinée.
Je partage l'opinion des critiques qui trouvent dans cet excellent roman une atmosphère à la Simenon.
C'est une forme de confession plus qu'une intrigue policière.
Une déambulation apprenante et de haute voltige.
Le printemps en apogée « Jean de La Fontaine » « Portrait d’un pommier en fleur » est une biographie originale et nuancée. Entre le portrait d’un illustre homme de lettres, les anecdotes, points d’appui et références, ce livre est un outil pour les étudiants (es) en littérature et les lecteurs qui lisent par plaisir, passion, un Jean de la Fontaine dont plus aucun secret n’est ignoré.
Entrelacs de vulgarisation, d’érudition aussi, ce texte est un sacre.
Il faut dire que Jean-Michel Delacomptée est un habitué pour rassembler l’épars. De nombreux ouvrages et des portraits de personnages historiques et littéraires ornent son palmarès de biographe de renom : La Boétie, François II, Ambroise Paré, etc.
Ici, nous côtoyons Jean de La Fontaine. Nous connaissons tous les fables de ce poète-fabuliste. Perce dans cet ouvrage, la main d’un écrivain, un homme qui dévorait des yeux le monde, les habitus et les diktats sociologiques. La morale à fleur de peau et l’esprit acéré aux images d’anthropomorphisme alloué.
Né en 1621 à Château-Thierry, une ville-antre jusqu’à ses cinquante ans.
Il était lunaire, souvent les yeux fixes, sans que l’on sache où son rêve le glissait. « Le fablier et le pommier » :Jean de La Fontaine disait lui-même que ses fables naissaient d’elles-mêmes dans son cerveau, et s’y trouvaient faites sans méditation de sa part, ainsi que les pommes sur le pommier : tant il paraissait n’être bon à rien, et n’avoir pas la moindre étincelle de ce feu divin qui fait les grands poètes ».
Perfectionniste, observateur, le regard tiré au cordeau, « la perfection ne s’obtient pas comme un fruit qui tombe de l’arbre ».
Il écrit à s’épuiser. Déchire et recommence inlassablement. « Je mourrais d’ennui si je ne composais plus. »
Intègre, humaniste et solidaire, « en plus d’être loyal, Jean exaltait la gratitude, auxiliaire de l’entraide. Ce qu’elle a de gratuit en même temps d’utile, témoin « Le Lion et le Rat ». Elle conditionne l’harmonie au sein du monde sauvage. Sans elle, pas de salut ».
« Les hommes vivent d’illusions. En devenant un maître fabuliste, La Fontaine a opéré un choix extraordinaire : il a enchanté ses contemporains, et il continue d’enchanter. Magistrale réussite. Pourtant ce n’est pas ce qu’il voulait, du moins pas au début. »
Il aurait aimé être comble de littérature. Écrire des tragédies, des romans, être cet homme d’écriture magistrale et parfaite. Mais les frustrations ont sans doute offert une force à ses fables. Une fable sans fin.
« Dans « Les Deux pigeons », il s’inquiète et l’on sent la tristesse : « Ai-je passé le temps d’aimer ? ».
Jean de La Fontaine : l’ Homère des français selon Racine. Quel bel éloge !
Les fables de La Fontaine ont fait (et encore) le tour du monde.
Dans « Le Tour de la France par deux enfants » au chapitre 109, André et Julien rencontrent les hommes célèbres, dont La Fontaine. Cinq cents rééditions depuis 1877, et toujours en vente.
Cet essai riche et sérieux est un hommage à la langue française. Pour un poète-fabuliste dont on aime le chant des fables et des mots. Un flambeau qui ne s’éteindra jamais. À l’instar de Victor Hugo « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire ».
Un portrait fronton, le plus beau verger littéraire. Un homme qui écrivait l’enfance sans aimer les enfants. Et pourtant ! Quel passeur ! Quel admirable écrivain, lui dont les enfants apprennent les fables par cœur. Un joli pied de nez à l’adversité du temps qui passe.
Il était mutique et flamboyant. Mais ses écrits perdurent, de nos jours l’écho joyeux des fables qui enchantent les grammaires et l’amour du verbe.
Publié par les majeures Éditions Le Cherche Midi.
L’auteur reconstitue d’après les mémoires de St Simon, un dialogue entre ce dernier et Philippe d’Orléans, neveu de Louis xiv, connu pour ses débauches et son caractère volatile.
Saint Simon, son ami fidèle et lucide, veut le prévenir d’une menace d’exil et surtout le convaincre de changer d’attitude et de maîtresse.
Il s’agit donc d’un huit clos, d’un dialogue entre les deux hommes, à l’image d’une pièce de théâtre.
Sauf que….
Être auteur de théâtre ne s’improvise pas, et les dialogues sont particulièrement plats…
Quand Delacomptée reprend le cours du récit, il est nettement plus convaincant. Comme ce tableau du caractère de Ph d’Orléans, fait par sa mère :
« Sa mère, la princesse Palatine, bien qu’elle l’aime profondément, admirative de ses capacités, ne se méprend pas sur ses failles. Elle le définit joliment comme un conte : toutes les fées ayant été conviées à se pencher sur son berceau, elles l’ont doté de mille talents. Mais on a malheureusement oublié d’inviter une vieille fée qu’on ne voyait plus depuis longtemps. Vexée, la vieille fée s’est vengée : elle l’a doté du talent de rendre inutiles tous ceux qu’il a reçus.
St Simon évoque couramment ce conte quand il déplore le détachement de son ami envers les exceptionnelles facilités dont Dieu l’a pourvu.
De là, l’ennui lancinant que traine le prince. Et une forme d’indifférence, satellite de l’apathie qui le plombe, le sentiment qu’il donne que rien ne lui importe, ni ses excès de débauche, ni les occupations moins condamnables auxquelles il se livre, son intérêt pour les sciences par exemple, pour la chimie en particulier. De là également, son caractère changeant, les velléités qui le saisissent, les projets qu’il abandonne sas explications, ses volte-face. »
J’apprécie beaucoup l’auteur et garde un souvenir inoubliable de « Écrire pour quelqu’un » et « Ambroise Paré, la main savante ».
Dans un contexte historique toujours bien documenté, il nous fait revivre des personnages historiques avec beaucoup de crédibilité et de consistance.
La forme est ratée pour celui-ci. Mais le prochain sera une réussite !
Non content, depuis maintenant dix ans, de bafouer ouvertement son épouse, propre fille du roi, avec sa maîtresse Mme d’Argenton, Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV, s’est fait une ennemie mortelle de Mme de Maintenon au travers d’une mauvaise plaisanterie. Inconscient de la disgrâce et de l’exil qui le guettent, il reçoit la visite de son ami Saint-Simon, venu le mettre en garde. Acceptera-t-il de quitter sa maîtresse pour regagner les faveurs royales et conserver sa place à la Cour ?
Mi-roman historique, mi-pièce de théâtre, ce bref récit s’inspire des Mémoires de Saint-Simon, pour imaginer une conversation entre deux éminents personnages de la cour de Louis XIV. L’un est prince, l’autre duc et pair de France, mais tous deux se retrouvent écartés du pouvoir par un monarque qui préfère cantonner les grands du royaume au rôle de courtisans et gouverner avec des secrétaires d’État roturiers. Une grande amitié lie les deux hommes que pourtant tout oppose : autant Philippe d’Orléans ne pense qu’à ses plaisirs au point d’y avoir gagné une réputation de débauché, autant le vertueux Saint-Simon est ambitieux et se fait un observateur attentif de la vie et de la société de Cour. Leur dialogue tourne ici à l’exercice de rhétorique, tandis que Saint-Simon s’évertue à protéger son ami de ses faux pas de préséance.
En nous exposant la cabale prête à se déchaîner pour un mot de travers, ce conciliabule entre Saint-Simon et Philippe d’Orléans nous révèle toute la sauvagerie du microcosme de la Cour versaillaise, que Louis XIV tient dans sa main en jouant des rivalités et des conflits d’intérêts. Dans ce Versailles, aucune position n’est acquise, seule la faveur royale fait et défait les existences entre les feux de la Cour et l’obscurité de l’exil, et les complots se multiplient sur la seule base de la rumeur et de la calomnie. L’arme la plus commune est la manipulation, dont cette histoire est un morceau de choix : d’une parole malheureuse au sacrifice d’une femme aimée, il aura suffi de quelques mots glissés dans une ou deux oreilles opportunes pour que la crainte amène le contrevenant à se châtier de lui-même.
Réussissant le tour de force de nous faire appréhender en quelque cent cinquante pages le nid de vipères que Louis XIV avait fait de la Cour de Versailles pour la tenir à sa main, ce huis clos imaginé avec une grande exactitude historique prend une singulière acuité lorsque l’on pense aujourd’hui à l’explosion de la désinformation, du complotisme et des lynchages médiatiques grâce à internet et aux réseaux sociaux.
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