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Le narrateur se promène dans Jérusalem en longues phrases quand il croit reconnaitre son ancien amour.
Un amour d’étudiant qui n’aura duré que 3 semaines avant que la jeune fille ne s’enfuit.
J’ai aimé découvrir la vie de Robert Stobetzky, son frère et leurs parents décédés alors que les garçons étaient très jeunes.
J’ai aimé découvrir cet amour comme une étincelle dont le souvenir réchauffera longtemps le coeur de Robert.
Mais j’ai été triste de sa quête de la jeune femme jusqu’à l’autre bout de la France.
J’ai aimé son amitié avec son professeur de violoncelle, homosexuel dans une France encore fermée à cette sexualité.
J’ai aimé la fascination de Robert pour la fameuse Suite en do mineur pour violoncelle de Bach dès les premières notes qu’il entend à la radio, son envie d’apprendre l’instrument.
J’ai aimé me laisser porter par la mélodie du récit. Une lecture comme un sortilège de musique en mots.
L’image que je retiendrai :
Celle de Robert voulant échapper à son groupe dans les vieilles rues de Jérusalem.
https://www.alexmotamots.fr/suite-en-do-mineur-jean-mattern/
Pour ses cinquante ans, Robert Stobetzky est parti faire un voyage organisé en Israël.
Dieu sait qu'il n'avait pas du tout envie de ce voyage, mais c'est son neveu Émile qui a payé, et s'est occupé de tout, Robert n'a pas voulu lui faire de peine…
À Jérusalem, les touristes se prennent pour Jésus, Mohamed ou un autre prophète. Dès sa première sortie, il perd le groupe avec lequel il a quitté l'hôtel. Soudain, en déambulant dans les rues étroites, il est persuadé de l'avoir reconnue dans la via Dolorosa. Vision furtive, mais il est sûr que c'était bien elle, Madeleine. Comment faire pour la retrouver avec toute cette foule ?
Vingt-six ans qu'il ne l'a pas revue.
Trois semaines de bonheur intense, puis une séparation brutale qui laisse Robert complètement dévasté. Juste un petit mot avant de le quitter, “Tu comprendras un jour, sois heureux”.
“Suite en do mineur”, c'est l'histoire de cet homme défait, incapable de se reconstruire, et là, vingt-six ans plus tard, tout lui revient à l'esprit. Pourquoi ?
Lorsqu'il décide des années plus tôt de prendre des cours de musique, c'est par le violoncelle que Robert est attiré. Son professeur, Johann, qui deviendra son ami, disparaît aussi du jour au lendemain.
Le seul plaisir que la vie lui a offert, c'est ce lien qu'il est arrivé à construire avec son neveu Émile, avec qui il nouera une relation très profonde autour de la littérature, et qui vient lui donner tous les samedis un coup de main dans sa librairie. La vie de Robert est difficile et pèse sur ses épaules…
Je découvre Jean Mattern avec ce roman particulièrement sensible.
Alors qu'habituellement, je n'aime pas spécialement les phrases trop longues dans les romans, ici au contraire, elles se justifient, et donnent véritablement un sens au récit, accentuant même une certaine tristesse présente dans tout le récit. Je me suis laissé porter et Jean est arrivé à m'emmener dans son histoire triste et agréable.
Au travers du destin d’un homme sans histoire ni passion, Jean Mattern poursuit son délicat questionnement des apparences, dans une nouvelle exploration des non-dits autour des origines et de la filiation.
« J’ai passé ma vie à éviter les sensations fortes. Question d’éducation. Pas d’alcool, pas de sauts en parachute, pas de voitures de course. Pas d’aventures non plus. Même le sexe m’ennuie parfois. Tout m’ennuie d’ailleurs, je crois. J’attends que ça passe. » Ainsi fait-on, dès l’incipit, la connaissance de Clément Bontemps, anti-héros absolu issu de la bourgeoisie lyonnaise et menant à Sète une existence réglée comme du papier à musique, entre son épouse Madeleine, son fils Matias et sa pharmacie. Ayant décidé une fois pour toutes d’éviter les vagues et les drames, « gérant sa vie comme un financier ses actions », il traverse le temps comme sous anesthésie, les yeux soigneusement fermés sur tout ce qui pourrait briser la perfection des apparences. Comme la mélancolie de Marguerite lors de leurs épousailles, la naissance prématurée de Matias et leurs si grandes dissemblances, et, de temps à autre, les absences « vitales » de sa femme, « pour aller à l’Opéra de Paris ou ailleurs »...
Mais voilà qu’un coup de téléphone vient soudain égratigner la bulle ouatinée de sa sérénité. Georges Almassy, le professeur de philosophie de Matias, veut lui parler de son fils. « Il craint de vous faire certains… aveux. De vous dire certaines choses, si vous préférez. » En ces années 1980 où, tout juste dépénalisée, l’homosexualité est toujours perçue comme une maladie, l’enseignant multiplie les allusions sans que le père muré dans les convenances ne s’autorise à comprendre. Sa gêne, notre homme l’attribue plutôt à une coïncidence troublante : le nom Almassy le renvoie à ses origines hongroises par sa mère et au silence familial qui les a reléguées dans l’oubli, Mme Bontemps mère s’étant « fondue dans le décor comme une plante verte qui reprend le motif du papier peint sur le mur » pour ne plus jamais évoquer d’autrefois qu’un prénom, József, répété en boucle sur son lit de mort.
Alors, perturbé par le rappel de cette fêlure d’un passé qu’une fois veuf, son père a définitivement bouclé d’un « Chacun emporte sa part de mystère en quittant ce monde », ce n’est pas en songeant à son fils mais à sa mère que le narrateur recontacte l’enseignant. Lui qui aux eaux de la Méditerranée a toujours préféré la sécurité sans surprise de la piscine, va se retrouver plongé dans celles, ensanglantées par l’Histoire, du Danube. Découvrant alors les frappantes répétitions d’un destin familial qui l’aura influencé à son insu, trouvera-t-il la force de briser la carapace et d’enfin s’autoriser à vivre ? S’ouvrira-t-il enfin aux émotions de ses proches, son épouse qui laisse traîner les poèmes de Paul Valéry – « Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre » –, et son fils qui se désespère de parvenir à lui parler de qui il est ?
Ciselant son texte en mille détails signifiants, Jean Mattern réussit encore une fois, en un roman aussi bref qu’intense, une brillante auscultation des thèmes qui lui sont chers : les pouvoirs dévastateurs du non-dit, la transmission, et enfin, l’acceptation de soi. Un livre délicat et délicieux.
Clément Bontemps, personnage principal du roman, est un individu marqué par la routine, les habitudes sécurisantes, le lien à une bonne famille lyonnaise. Il est marié à Madeleine, depuis bientôt vingt ans. Le couple s’est installé à Sète. Clément vit au rythme des ouvertures à horaires fixes de sa pharmacie ; aucune surprise, aucun impondérable ne sont susceptibles d’enrayer cette belle mécanique.
Tout cela va craqueler, comme la terre en proie à une secousse sismique de grande intensité.
Un dialogue entamé avec Georges Almassy, professeur de philosophie qui enseigne à Matias, le fils de Clément.
Cette conversation, interrompue, puis reprise au cours d’autres rencontres entre Clément Bontemps et Georges Almassy, révèle à Clément beaucoup de faits nouveaux : l’origine de ce professeur : « Mes parents ont réussi à s’enfuir en 1956. J’avais huit ans. Et Almàsy György s’est effacé devant Georges Almassy. Tour de passe-passe. Jusqu’à devenir le prof de philo de votre fils Matias. »
Mais ce sont les révélations sur la propre biographie de son épouse, Madeleine, qui vont déstabiliser Clément. Ce dernier supposait bien une origine étrangère à sa mère, en raison de la présence d’un très léger accent dans son élocution. Georges Almassy révèle dans un deuxième temps les origines de Madeleine et sa date d’arrivée en France : « Votre mère ne s’appelait pas Hélène (…) Elle s’appelait Ilona Ferenczi (…) ».
Clément apprend alors que sa mère est arrivée en France En 1945, en s’évadant de Hongrie par la traversée du lac Balaton, proche de la frontière autrichienne.
Ce professeur de philosophie, très calme et factuel, conclut ces conversations par une révélation concernant Clément Bontemps lui-même. Ce fait nouveau le rattache définitivement à la Hongrie et à l’Europe centrale. Il est le fils « d’un homme dont personne ne m’avait jamais parlé, d’un jeune homme mort dans une cellule quelque part dans le sud-ouest de la Hongrie, d’un homme nommé Jôseph Ferenczi. L’homme qui fut le premier amour de ma mère. »
Ce roman rappelle, accessoirement, les drames de cette partie de l’Europe, longtemps oubliée car située du mauvais côté du rideau de fer divisant le continent européen durant la guerre froide. Il est aussi un bel hommage à l’œuvre de Franz Schubert, plus précisément à la Fantaisie D 940. C’est enfin une illustration des pouvoirs de la littérature, quand elle dévoile des vérités souterraines ;
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