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Un sujet particulièrement douloureux qu’on ne peut reprocher à Jean-François Samlong d’avoir choisi. Pourtant l’ouvrage lui-même n’emporte pas entièrement la conviction et laisse une confuse sensation de manque.
Les POUR sont nombreux. Contribuer à faire connaître un processus qu’on ne peut qualifier que de honte pour ceux qui l’ont conçu et mis en place, avec une absence totale d’humanité. Apporter des données et des chiffres précis, en décrivant un contexte. L’écriture est superbe, souvent poignante.
Je me suis toutefois prise à regretter que le livre n’ait pas été écrit différemment, à avoir l’impression qu’il n’avait pas été suffisamment travaillé et construit mais rédigé à la va-vite.
Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire du seul point de vue d’Heva ? On ne connaîtra que des bribes du vécu de Tony et de Manuel alors qu’un récit à trois voix (voire à quatre en y incluant leur mère) aurait été, me semble-t-il, beaucoup plus riche.
La polémique sur l’exil, la déportation m’est apparue bien longue avec nombre de redites alors que j’ai ressenti des trous dans la narration. Quid du destin de la mère, qu’on ne fait que supposer morte ? Quid des premiers contacts d’Heva avec les personnes qui l’accueillent, de sa perception de ces gens à ce moment-là et de son quotidien ? Ses sentiments pour Samuel ne sont également qu’ébauchés.
Pourquoi ce parallèle appuyé entre l’exil des enfants réunionnais et la déportation des juifs comme si cette dernière devait servir de référence à tout processus infâme ? Ce qu’ont vécu les enfants réunionnais, qui est spécifique, se suffit à lui-même.
Enfin, on a du mal à croire qu’Heva, qui avait 16 ans lors de son départ de La Réunion, ait attendu quelques 30 ans avant d’y revenir, fût-ce pour des vacances, de chercher à savoir ce qu’étaient devenus ses père et mère, de retrouver ses racines, d’autant qu’étant devenue fonctionnaire, elle pouvait sans doute bénéficier de ce qu’on dénomme « congés bonifiés ». La littérature ne devrait pas exclure la vraisemblance.
Dommage !
Ecoutez la rumeur du train qui traverse la nuit. Entendez le grondement sourd de la vengeance. A qui appartiennent ces cris de colère, ses invectives teintées de fureur ? D'une guillotine qui file dans le noir pour obtenir réparation, Jean-François Samlong réécrit l'histoire la plus sanglante de la Réunion, l'histoire de Sitarane. Mais qui donc est cet homme passé de contre-maître à assassin ? Qui sont les hommes qui composent la bande de "buveurs de sang" ? Entre réalité historique et littérature, l'auteur déterre le passé pour mieux s'interroger sur la violence de ces hommes encore pris dans l'étau colonialiste du début de XXe s. Ecrit avec force et passion, sentez le souffle diabolique caresser les pages denses et poétiques d'un des plus grand traumatisme de l'île intense. Glaçant !
De 1909 à 1910, La Réunion fut le témoin de crimes odieux et abjects. Derrière ces épisodes sanglants, se cache désormais un nom bien connu de ses habitants : Sitarane. Avec sa bande de buveurs de sang dont le mystérieux sorcier Saint-Ange, l'homme sema la terreur avec démonstration dans toute la région sud de l'île, laissant derrière lui une légende à son nom. Après vols, meurtres et nécrophilie, cette bande de malfaiteurs aux obscures pensées, a finalement été débusquée puis condamnée. Entre crainte et fascination, on peut encore à ce jour voir des adeptes se coucher sur la tombe du célèbre assassin, mais aussi les poignées de certaines maisons ornées de plaques dissuasives. le passé au présent.
Historique, ce livre n'en est pas moins un très beau travail littéraire. D'une écriture riche et dense, Jean-François Samlong fait danser les mots, même les plus terribles, avec une poésie déconcertante. Redoutable, l'auteur réussit à nous faire frissonner d'angoisse au son du vilebrequin de Fontaine le déverouilleur de portes, ou encore sentir la poudre jaune soufflée par Saint-Ange gagner notre sommeil. Car derrière la monstruosité des faits, se cache un mode opératoire précis et sinistre. Implacable.
Entrecoupés de scènes menant le meurtrier et ses complices à l'échafaud, l'auteur contextualise les faits historiques pour expliquer la violence des hommes. Sans jamais juger, celui-ci utilise avec ingéniosité les paroles des journalistes et gendarmes de l'époque et met ainsi la lumière sur la poigne colonialiste dont découle sûrement cette violence trop souvent ignorée.
A vrai dire, je vous déconseille de le lire à la nuit tombée tant l'ambiance créée par Samlong est oppressante ! Malgré cette lecture fouillée et cette atmosphère inquiétante, l'écriture reste parfois un peu difficile, mais toujours savoureuse.
Alors que grignoter à lecture de ce livre ? Et bien sans mauvais jeux de mots, un chemin de fer ! Petite pâtisserie sucrée et colorée, cette gourmandise me semble toute choisie pour parfaire cette lecture passionnante.
http://bookncook.over-blog.com/2019/04/une-guillotine-dans-un-train-de-nuit-jean-francois-samlong.html
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