Un couple fusionnel presque exemplaire, dont on envie la réussite : celui de Viri et Nedra, qui laisse apparaître un bonheur conjugal parfait. Parfait seulement aux yeux des autres, en réalité plutôt un bonheur qui se défait au fil des ans .
Dès les premières pages, Salter établit une...
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Un couple fusionnel presque exemplaire, dont on envie la réussite : celui de Viri et Nedra, qui laisse apparaître un bonheur conjugal parfait. Parfait seulement aux yeux des autres, en réalité plutôt un bonheur qui se défait au fil des ans .
Dès les premières pages, Salter établit une distinction entre l’image que la société perçoit d’ un couple et celle que le couple se fait de lui-même « En réalité, il existe deux sortes de vie, celle que les gens croient que vous menez, et l'autre . Et c'est l'autre qui pose des problèmes, et que nous désirons ardemment voir. »
En alternant des séquences de ces deux vies, James Salter crée le tissu d’une vie conjugale à double face . Derrière une vie sociale et son réseau d’amis, derrière les scènes détendues d’un dîner ou dans la maison des douces vacances d’Amangasset, se révèle une vie conjugale quotidienne où sans colères, sans affrontements directs, le couple se dissout progressivement. La passion fait place à l’affection, la froideur s’installe, vivre ensemble n’est plus qu’une habitude « ils dormaient comme s'ils avaient signé un contrat. Même leurs pieds ne se touchaient jamais »
C’est à Nedra surtout que le mariage pèse, « le mariage m’est devenu indifférent .j’en ai assez des couples heureux . Je ne crois pas à leur bonheur. ……notre couple est pomponné comme un cadavre, mais il est déjà pourri »
Il lui apparaît comme un frein à l’épanouissement personnel, à la conquête de soi, un carcan qui l’oppresse « je suis comme écrasée, meulée entre ce que je ne peux pas faire et ce que je dois faire. Je me transforme en poussière». C’est elle qui proposera le divorce, que Viri acceptera mais qu’il vivra comme la disparition de « l’arôme de sa propre vie »
Un roman grave qui porte sur le mariage un regard désabusé, qui met en lumière les effets du temps sur les cœur et sur les corps.
J’ai découvert James Salter par ce livre . Il m’est apparu ici comme le romancier de l’intime, du bonheur empreint de tristesse, celui qui sait capter des instantanés de la vie, faits tantôt d’instants de doute, tantôt de moments de plénitude .
Il est aussi celui qui sans souci de description exhaustive, traduit une scène par une sélection de quelques fragments éclatés , de quelques éléments épars, de quelques sensations qui suffisent à révéler tout un climat, celui dont l’écriture est souvent faite de phrases courtes, toujours juxtaposées, sans lien direct apparent mais qui constituant un ensemble suggestif et cohérent .
C'est ce que j'appellerais une écriture cubiste, un peu à l'image de la peinture de Picasso dans ses portraits de femmes. Une écriture qui mérite l’attention qu’elle exige du lecteur.