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Forêt de Louviers, en Normandie, cela fait sept ans qu’un homme vit dans celle-ci, et qu’il estime être avec sa vraie famille : les chevreuils. Point de départ pour Geoffroy Delorme, jeune homme, en marge des études scolaires et de sa famille, qui décide, comme la fable de La Fontaine – Le Loup et le chien – : ...préférer être pauvre et libre que riche et contraint. Ainsi va naître L’homme-Chevreuil.
Au bout de quelques mois, il a le sentiment de faire partie intégrante du monde sylvestre. Et surtout, il va découvrir un animal énigmatique : un jeune chevreuil, curieux, qui au bout de quelques mois de patience, va tolérer puis accepter ce bipède à se fondre dans leur groupe, et le suivre à toutes les époques de l’année. Ce chevrillard, il l’appellera « Daget » ; et au fur et à mesure, nommera chaque chevreuil ou chevrette qu’il sera amené à côtoyer.
Pour sa survie, il va connaître les différentes plantes tels : l’ortie, lamier rouge, angélique, etc.… pour se substanter ; également il arrivera à trouver de l’eau, mais il aura au préalable de ses sorties, choisir des effets qui l’aideront à supporter le froid, la neige et la pluie. Car la forêt n’est pas un parangon de gentillesse, ni de méchanceté mais un espace à la fois qui nécessite une adaptation permanente.
En dehors de l’aspect hors norme, de cette vie humaine jouxtant une espèce animale, l’auteur aborde avec un sens critique très marqué cette relation. Notamment la gestion cynégétique maîtrisée – la chasse –, car l’homme oublie que cette gestion doit s’adapter aux lois naturelles, et s’exonère au profit de ses lois mercantiles ; très facile de considérer comme de mauvaise qualité : les vallons, les taillis clairs, qui offrent aux animaux des endroits de calme et de vie. De même les coupes de bois qui modifient en permanence ces lieux de nourritures, de repos et de sécurité pour les faons.
Il est évident que le message de ce récit considère, que la Nature n’est pas un gisement, mais un bien commun aux hommes et aux animaux. Par curiosité, j’ai regardé une interview de Geoffroy Delorme, en novembre 2011, qui corrobore bien sûr ses écrits ; cependant il faut noter, qu’il existe une polémique sur la véracité de cette aventure.
Certes ce livre rejoint la myriade d’informations sur le devenir de la Nature donc de notre existence à terme. Enfin, le livre propose différents clichés en noir et blanc de ses « amis ». Une écriture et un style qui ne se perdent pas en circonlocutions mais analyse le quotidien, sans se départit d’un amour inconditionnel de l’environnement et surtout sur du respect de la forêt ; une bouffée d’air frais dans notre monde de particules fines.
Médoc, octobre ensoleillé, un moment privilégié pour lire au jardin, profiter du chant des oiseaux et malheureusement être assaillie par les pétarades des chasseurs très près des maisons. Donc une pensée pour cette faune qui ne demande rien, seulement de vivre en paix.
Alors, c’est le bon moment pour lire ce livre, j’ai écouté Geoffroy Delorme dans les émissions et j’ai été subjuguée par ce récit original.
Au départ ce jeune homme est un enfant à la Prévert, préférant regarder par la fenêtre, rêver mais pas seulement, visiblement à l’étroit dans le milieu scolaire dont il a été retiré. Une scolarisation à la maison lui a permis de profiter de cette nature qui l’a toujours happée, pour lui l’occasion de se documenter et de vérifier ses connaissances sur le terrain.
Il n’est pas parti sur un coup de tête pour jouer les robinsons, Into the wild mais à l’inverse de Christopher McCandless mieux informé sur la nature pour y vivre.
Le lecteur verra que malgré tout c’est un long apprentissage, et que le risque est omniprésent.
La chouette et son hululement inquiète, les renards sont beaux, le chant des engoulevents berce mais le monde des chevreuils le happe pour toujours.
« A ce stade de l’aventure, je retourne encore de temps en temps à la civilisation, deux ou trois fois par mois, pour reprendre des forces. […] Je dors quelques heures dans mon lit d’enfant et je repars avant le lever du jour. J’évite de croiser mes parents qui réprouvent cette nouvelle vie d’homme des bois et ne manquent pas de me le faire savoir. »
Les détails du quotidien de la vie sauvage font que le lecteur est lui aussi en immersion dans cette forêt.
Chaque chevreuil, chevrette a un nom, c’est plus que des animaux-amis, c’est une famille, où il apprend à vivre dans et de la nature mais lui aussi leur apporte cette empathie humaine.
Le premier c’est Daguet, il y a une scène drôlissime où à force de se sustenter avec certaines plantes, il est ivre et complètement désinhibé.
C’est une démonstration que ce monde-là est un monde essentiel même si invisible pour la plupart d’entre nous.
« La vie sauvage est ainsi faite et dans cette nature que j’aime tant, à la fois si belle et si cruelle et dont les bois sont témoins, je me dis que si les arbres pouvaient pleurer, des rivières de larmes couleraient dans nos forêts. »
C’est un constat de l’homme qui s’approprie, saccage le territoire comme si lui et seulement lui avait le droit de… Pas une pensée pour cette faune et cette flore détruite alors qu’ils nous sont indispensable pour un équilibre écologique sans lequel notre vie n’est pas la même.
« Une forêt, c’est avant tout une communauté d’arbres qui accueille d’autres communautés végétales et animales. Lorsque l’équilibre sylvestre est ébranlé, ce sont toutes les communautés qui sont fragilisées. La forêt, c’est le reflet de la vie : complexe, mystérieuse, changeante. »
Dit comme cela de nos jours cela peut être naïf, mais autrefois c’était un savoir que beaucoup recevait en héritage familial, maintenant ce savoir a disparu.
Je sais la polémique qu’il y a eu autour de cet ouvrage et les doutes émis sur la véracité de ces 7 ans de vie à l’état sauvage.
Personnellement j’ai envie d’y croire.
C’est une belle lecture qui fait considérer les changements que chacun devrait effectuer pour respecter Dame nature et ses hôtes dont nous faisons partie.
L’écriture n’a pas la beauté de celle de Maurice Genevoix mais l’intention est belle et les photos sublimes tant nous avons l’impression de regarder un album de famille.
©Chantal Lafon
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