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Après sa remarquable trilogie Benlazar sur la guerre civile algérienne des années 1990 et l'arrivée du terrorisme djihadiste sur le sol français, Frédéric Paulin revient avec une nouvelle trilogie historique, cette fois consacrée à la guerre civile libanaise. Nul ennemi comme un frère, le premier tome, couvre la période 1975-1983, et c'est juste formidable !
Le roman s'ouvre le 13 avril 1975 en banlieue de Beyrouth sur le massacre de Palestiniens par les Kataëb, les phalangistes chrétiens, en représailles d'une attaque d'une église par le FPLP ( Front populaire de libération de la Palestine ), inaugurant un déferlement de violence sans commune mesure jusqu'en 1990, date officielle de la fin de la guerre civile libanaise.
Dans la précision des détails et l'habileté à jongler avec, on sent très vite, à quel point l'auteur a absorbé un travail documentaire colossal. Frédéric Paulin sait que la plupart de ses lecteurs ne seront pas des spécialistes de la géopolitique du Moyen-Orient, et qu'il faut les guider dans les dédales de ce conflit. Jamais on ne ressent le poids d'un didactisme lourdaud type fiche wikipedia, alors même que sont présentés toutes les grands marqueurs de la période comme l'assassinat de l'ambassadeur français Louis Delamare le 4 septembre 1981, celui du président libanais chrétien Bachir Gemayel le 14 septembre 1982, puis des massacres de Sabra et Chatila dans les camps de réfugiés palestiniens du 17 au 18 septembre 1982.
L'avancée narrative est tellement performante dans la lisibilité que j'ai eu la sensation d'être plus intelligente après avoir lu ce roman et d'avoir mieux compris la complexité ahurissante de ce conflit et de ce pays construit sur la pluralité confessionnelle et ethnique. Il n'y a pas de réponse toute faite, jusque une somme de questions soulevées par l'auteur, sans réponse définitive, qui permettent d'avancer dans la compréhension de ce qu'il s'est passé au Liban, de ce qui est en train de se passer au Moyen-Orient et de ce qui s'y passera peut-être.
Car le conflit libanais a largement dépassé les frontières du Liban et du Proche-Orient. « La guerre n'est pas un conflit civil mais une guerre par procuration ». Pour beaucoup d'acteurs étrangers, le Liban n'est qu'un moyen de renforcer leur puissance régionale et/ou régler des comptes : l'Iran de Khomeini, soutien des Chiites libanais et du Hezbollah que l'on voit naître ; la Syrie d'Hafez el-Hassad qui considère le Liban comme un département syrien ; Israël en guerre contre ses voisins arabes ; les Palestiniens d'Arafat qui veulent faire payer la Nakba à Israël. Sans compter Américains et Russes qui vont la guerre froide sur place, plus les Français ( du RPR de Chirac aux socialistes de Mitterrand au pouvoir ) qui s'accrochent à ses dernières zones d'influence post-coloniales.
« O mon frère chrétien, ô mon ami druze, ô mon voisin sunnite ou chiite, ô mon hôte palestinien, vois ce qu'est devenu ton pays. Vois combien les massacres succèdent aux massacres, l'horreur à l'horreur. du Nord au Sud, de la Bekaa au Mont Liban, de Beyrouth à Baalbek, de Tripoli à Tyr, les massacres et l'horreur ont nourri une terre pourtant si féconde du sang des victimes. le cèdre, l'olivier ou le genévrier n'avaient pas besoin de ce sang, depuis des millénaires ils poussaient sur la montagne et dans les vallées, ils couvraient d'une ombre protectrice ceux qui vivaient là. »
Nul ennemi comme frère n'est pas qu'un récit historique nécessaire et palpitant, c'est un roman qui se lit comme une tragédie grecque, comme l'indique son magnifique et douloureux titre. Il y a le choeur antique qui assiste au développement du récit et accompagne le lecteur par le lyrisme de ses incursions élégiaques. Et il y a de formidables personnages que Frédéric Paulin fait évoluer au fil de la guerre et de leurs destins croisés.
L'auteur multiplie les personnages de premier plan afin de s'approcher au plus près de la réalité en couvrant tout le spectre des protagonistes de la guerre du Liban. Chacun permet des focales à ras le sol et à fleur de ressenti, des Français ( un diplomate, un agent des services des renseignements, une juge antiterroriste ) et des civils Libanais de tout horizon.
« Les tueurs. Ses frères »
Un patriarche, trois frères. C'est la famille chrétienne maronite Nada qui s'approche le plus d'une lignée de tragédie grecque ( ou shakespearienne ) car le poids de l'héritage se double d'enjeux individuels perturbés par l'irruption de la violence guerrière qui redéfinit les places de chacun, assigne, tourmente, contrarie sur fond de rivalités, jalousie, trahisons et culpabilité. L'acmé de la tension romanesque familiale se déploie lors des massacres de Sabra et Chatila auxquels participent deux frères phalangistes sous les regards horrifiés d'un autre qui a fui la guerre à Paris ne se sentant pas la capacité à tuer, et du père rongé de remords :
« Nassim Nada est vieux , il sait qu'il est responsable de ce qu'on fait ses fils là-bas. Il les a éle
Frédéric Paulin ouvre aujourd'hui une nouvelle série destinée à mieux nous faire comprendre les enjeux des conflits libanais. Vaste entreprise (!) dont le premier titre Nul ennemi comme un frère est tiré d'un proverbe qui évoque la trahison.
L'auteur, prof d'histoire-géo et journaliste, s'est fait une spécialité de romans (un peu polars, un peu thrillers) avec lesquels il éclaire la géopolitique de notre Histoire contemporaine.
On se rappelle notamment sa trilogie Benlazar sur le terrorisme venu du Maghreb et surtout son récit du sommet du G8 à Gênes. .
Issu d'une longue tradition française, le pays du Cèdre, la Suisse du Moyen-Orient dont la capitale fut même appelée le Paris du Moyen-Orient, fait toujours et encore aujourd'hui la Une des actualités : l'histoire que l'auteur va nous raconter tombe vraiment à point nommé.
Ce premier tome (début d'une nouvelle série) couvre la période des années 70 jusqu'en 1983, du début de la guerre civile libanaise jusqu'au 23 octobre 83 précisément, jour des terribles attentats contre les forces de la FMSB qui visèrent les américains à l'aéroport et les français dans l'immeuble Drakkar.
Depuis des millénaires, le Liban est le centre géopolitique du Moyen-Orient et aujourd'hui toujours, le centre névralgique d'une région sur le point d'imploser.
"[...] Qui comprend ce qui agite depuis quelques années la Bekaa et le pays entier ? Pourtant tout le monde pressent le pire."
Nous voici dans les années 70 puis 80 au coeur d'une poudrière faite d'une multitude de communautés et de confessions irréconciliables. C'est ici, entre chiites, chrétiens, druzes et sunnites, qu'ont trouvé refuge les palestiniens chassés par les israéliens et les jordaniens.
Frédéric Paulin a convoqué le phalangiste chrétien Pierre Gemayel et son fils Bachir, le druze Kamal Joumblatt, Hassan Nasrallah et Abbas Moussaoui, ... tous ces noms qui faisaient la Une des journaux télévisés de notre jeunesse et certains encore aujourd'hui.
Quelques acteurs français également comme Charles Pasqua chef d'orchestre des basses oeuvres du RPR, Pierre Marion nommé par Mitterrand à la tête de la DGSE lors de la réforme du SDECE, …
Les années 70 ce sont celles où se succèdent à Beyrouth enlèvements, attentats, massacres et assassinats, celles de la révolution iranienne menée par les chiites de Khomeyni, celles aussi des premiers attentats d'Action Directe à Paris, …
Les années 80 ce sont celles de l'assassinat de l'ambassadeur français Louis Delamare en poste à Beyrouth, celles de Mitterrand au pouvoir, celles des attentats palestiniens à Paris (rue Copernic, rue des Rosiers), …
Enfin, rappelons que 1982 c'est l'année de l'opération Paix en Galilée et l'invasion du Liban par les israéliens qui se conclura par les sinistres massacres de Sabra et Chatila ...
"[...] Peut-être que le Liban n'a pas d'autre intérêt pour ses puissants voisins que d'être un champ de bataille où régler leurs comptes."
Pour la trame romanesque de son livre, Frédéric Paulin a réuni, aux côtés des personnalités réelles de l'époque, quelques personnages de fiction qui vont nous servir de guides dans ce dédale libanais où se mêlent très étroitement politique, guerre et religion : Philippe Kellermann l'agent de l'ambassade shooté aux anxiolytiques, Zia al-Faqîh la belle interprète chiite qui parle (trop bien) le farsi iranien, l'arrogant Christian Dixneuf l'agent du SDECE (puis de la DGSE avec Mitterrand), la charmante juge antiterroriste Gagliago, les chrétiens maronites de la famille Nada, ...
On profite avec plaisir et intérêt du parcours historique que Frédéric Paulin retrace brillamment pour nous : un intelligent résumé des événements de 1975 à 1983 quand Syriens, Iraniens, Israéliens et Palestiniens réglaient leurs comptes dans l'arrière-cour libanaise. Et un peu à Paris, aussi.
L'auteur nous balade d'une faction à l'autre, de Paris à Beyrouth : le récit est soigneusement documenté et c'est tout simplement passionnant.
Nous allons même assister en direct à la naissance du Hezbollah qui fait tant parler de lui aujourd'hui.
Mais Frédéric Paulin ne se contente pas de Beyrouth et détaille longuement les tergiversations et retournements de la diplomatie française au Moyen-Orient. Une politique française qui, de Chirac à Mitterrand, ne ressort pas vraiment grandie de ce récit, c'est le moins que l'on puisse dire.
On regrette cependant que l'intrigue romanesque marque le pas sur le résumé historique : le lecteur, captivé par les événements, aura bien du mal à s'intéresser aux déboires des personnages de fiction, pas tous recommandables. Pour une fois, l'alchimie entre Histoire et roman ne semble pas fonctionner à plein, peut-être parce que Frédéric Paulin a voulu brosser un trop large panorama dans lequel ses personnages de roman se sentent un peu perdus.
À noter : le journaliste Marwan Chahine publie un roman sur le massacre du bus palestinien par les milices chrétiennes, le 13 avril 75, événement qui ouvre également le bouquin de FPaulin.
Nul ennemi comme un frère ou l'extrême complexité des forces mises en jeu dans les conflits au Moyen Orient et plus particulièrement au Liban.
Tous les soirs de mon enfance, j’ai entendu le présentateur du sacro saint journal télévisé parler de la guerre du Liban. Je n’y comprenais rien et en toute honnêteté ça ne m’intéressait pas. Le Liban c’était loin et on ne peut pas en vouloir à une enfant de préférer Les jeux de 20 heures. Pourtant je savais, ou plutôt je percevais, que ce qui se déroulait là-bas était d’une importance capitale et d’une infinie violence.
En grandissant, j’ai essayé d’appréhender ce conflit mais la multitude des belligérants et la complexité des enjeux m’ont perdu. Il aura donc fallu attendre la rentrée littéraire 2024, pour qu’un roman et un écrivain génial viennent rendre quasi limpide ce qui avait été si longtemps obscur.
Le roman de Frédéric Paulin débute en 1975, au temps du basculement. Le Liban n’est plus la terre de cocagne où chrétiens, musulmans - chiites et sunnites - druzes vivaient dans la concorde.
Dans une passionnante et vertigineuse fiction, Frédéric Paulin raconte à hauteur d’hommes et de femmes la guerre. Il mêle l’Histoire au destin de ses personnages et on découvre, effaré, le morcellement de la société libanaise à travers les partis et organisations de l’échiquier politique, auxquels se rajoutent l’OLP, Israel, la Syrie, l’Iran, les intérêts français, américains….
Guerre, religion et politique se mélangent; forcément c’est sale.
Raconter sous forme romanesque la guerre du Liban est une sacrée gageure mais l’auteur parvient dans une parfaite maitrise narrative à être à la fois professeur de géopolitique et conteur. C’est palpitant, dense, puissant, éclairant. Le travail de recherche est totalement bluffant et j’attends déjà impatiemment le tome 2.
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