Philosophe de formation, auteur d'une thèse sur Platon et d'une somme sur La formation du radicalisme philosophique et animateur dès 1893 de la nouvelle Revue de métaphysique et de morale, Élie Halévy (1870-1937) peut également être rangé parmi les grands historiens du XXe siècle français. Il est...
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Philosophe de formation, auteur d'une thèse sur Platon et d'une somme sur La formation du radicalisme philosophique et animateur dès 1893 de la nouvelle Revue de métaphysique et de morale, Élie Halévy (1870-1937) peut également être rangé parmi les grands historiens du XXe siècle français. Il est notamment l'auteur d'une Histoire du peuple anglais au XIXe siècle (Hachette, 1912-1932 et rééd. 1973-1975), vaste fresque commencée en 1906 et restée inachevée malgré la conclusion d'un Épilogue fondamental en deux volumes, Les Impérialistes au pouvoir (1895-1905) et Vers la démocratie sociale et la guerre (1905-1914), et la publication posthume, en 1946, du Milieu du siècle (1841-1852). « Historien philosophe », telle avait été la définition/fonction qu'il s'était du reste attribuée lors de la fameuse séance de la Société française de philosophie du 28 novembre 1936 consacrée à la discussion sur « l'ère des tyrannies » et publiée dans l'ouvrage du même nom en 1938 (à titre posthume). Cette position revendiquée l'avait conduit, à partir de « l'interprétation de la crise mondiale de 1914-1918 », à concevoir l'apparition d'un nouveau régime, produit d'un processus d'étatisation du point de vue économique et du point de vue intellectuel, représenté dans le fascisme mais aussi dans le « soviétisme ». « Le soviétisme, sous cette forme, est, à la lettre, un "fascisme" », développa-t-il pendant cette séance à laquelle participèrent Raymond Aron, Léon Brunschvicg, ou Célestin Bouglé. La modernité des thèses d'Élie Halévy résidait dans le rapprochement rarement tenté à cette époque entre les deux phénomènes, en apparence opposés, du fascisme et du stalinisme, identifiant l'un des mécanismes du national-socialisme allemand et esquissant une théorie du totalitarisme avant la lettre. Elle tenait aussi à la lecture qu'il faisait de la Grande Guerre et du « régime de guerre » qui fit entrer l'Europe dans « l'ère des tyrannies ». Cette expression forte donna son titre au livre posthume de 1938, recueil d'articles et de conférences qui démontraient autant la cohérence d'une pensée personnelle que le pouvoir d'un philosophe à comprendre les transformations majeures de la politique contemporaine.