Des livres de cette rentrée que la librairie "Au temps lire" vous recommande avec passion...
Aujourd’hui, c’est dans le nord de la France que nous partons chercher de nouvelles idées de lectures pour vous ! C’est à Lambersart dans la métropole lilloise (59), que nous rencontrons Virginie de la librairie « Au temps...
Des livres de cette rentrée que la librairie "Au temps lire" vous recommande avec passion...
Depuis l’été 2015, tout est devenu plus difficile …. Fatigué par les (trop) récurrentes tâches administratives (toujours plus urgentes les unes que les autres …) Jacques Bonhomme n’a pas déclaré à temps (dans les sept jours …) la naissance de ses derniers veaux. Une sorte de « burn out » : il en a eu marre de toute cette paperasserie, qui semble ne vouloir que la chute du paysan ! Et quand un contrôleur zélé se présente dans une ferme, ça peut très vite partir en vrille ! … Seulement voilà : on ne tient pas tête à la puissante administration française ! Et cet instant de rébellion, Jacques Bonhomme va le payer très cher ! Sans bruit, la « machine à broyer » s’est lentement mise en place … Alors, notre malheureux éleveur va choisir la fuite …
Avec un talent fou (un style percutant et des mots poignants) Corinne Royer raconte les neuf jours de cavale d’un paysan désespéré. Récolte les témoignages de voisins et amis (Marie-Ange et Arnaud) de Pierre D (un contrôleur) du vieux Baptiste (qui travaille encore à soixante-douze ans) et de sa propre soeur.
Nous nous doutons bien, nous autres urbains (loin du quotidien des agriculteurs) que ça ne doit pas être rose tous les jours … Ce magnifique roman – librement inspiré d’une réelle (et récente) tragédie – (celle d’un certain Jérôme Laronze, dont – à ma grande honte – je ne me souviens pas avoir entendu parler …) nous ouvre un peu plus les yeux sur la totale ineptie des interminables (et souvent complexes) dossiers administratifs à laquelle sont confrontés des hommes et des femmes qui ont déjà des horaires à rallonge sur leurs exploitations …
Un récit particulièrement bluffant ! Un gros coup de coeur et une immense empathie pour le lourd tribut auquel doit faire face le monde agricole !
Une première de couverture, constituée d’ une ambiance brumeuse et sombre, qui exprime la solitude et la terre ; qui d’ailleurs m’a fait penser au tableau de Jean-François Millet : L’Angélus. Un funeste voyage dans les terres agricoles, dans le monde des paysans ; des enracinés à leur héritage et parfois depuis des générations ; un monde qui fait vivre notamment les citadins ; qui ne mérite pas le mépris de nombreux politiques qui n’écoutent leur sincères revendications qu’en période électorale !
Difficile pour eux de s’en sortir avec de petites parcelles, il faut donc acheter de nouvelles parcelles et en corollaire investir dans le matériel adéquat au grand bonheur des banques ; sans compter les multiples tracasseries administratives sans cesse en progression – la traçabilité, les normes de la PAC – ; la course au rendement. Une spirale sans fin, qui grève l’avenir de l’exploitation ; fournir des heures de travail, essayer de se rémunérer, comment dans ce cas être étonné de la révolte des agriculteurs, un mal profond et pourtant un secteur indispensable à tous.
Or donc, Jacques Bonhomme, agriculteur solitaire de Saône-et-Loire, éleveur de vaches va devenir un rebelle. Il va devenir un homme en fuite, un homme traqué. Et pourquoi ? Tout simplement, il a oublié de déclarer des naissances de son cheptel, largement suffisant pour l’administration, pour commencer les pénalités, les contraintes, les amendes. Mais Jacques se sent dépouillé de son honneur et ainsi ces sanctions vont laisser place à la rébellion et le transformer en fugitif...
Ce roman inspiré d’une histoire vraie, celle de Jérôme Laronze, en mai 2017, avec trois ans de harcèlement administratif et neuf jours de cavale. Un sentiment partagé par nombre d’exploitants, car le refus de soumission et devant l’arrogance des autorités déconnectées du réel, ne peut qu’aboutir à des crises violentes, soit à des extrémités d’abandon et de fuite.
Corinne Royer délivre un message primordial, avec cet homme fier de sa descendance, attaché à sa terre, qui ne comprend pas l’acharnement du pouvoir avec ses directives ; elle donne la voix à son entourage, expliquer le contexte, la fierté pour eux de bien faire, mais aussi et surtout d’être reconnu. Un récit ? Un document ? L’auteure instille le désarroi de ces hommes et de ces femmes face à notre insolence d’ignorer leur sempiternel combat ! Un récit bouleversant devant l’injustice, l’ignorance et la bêtise des hommes, qui jamais ne cessera...
Pleine terre, souligne notre abandon de ce secteur. « C’est le peuple des paysans en rang serré qui refuse la servitude et l’humiliation. » Un coup de cœur.
En parfaite communion avec leur décor, la famille de Sasho, son père, ses quatre frères et sa soeur, vivent en marge des conventions établies. Pas d’école, sinon celle de la nature, pas de contraintes, sinon celle du respect de ce qui les entoure. Pourtant cette zone méprisée attire l’attention de zélotes écologistes qui veulent en faire un pôle d’observation de la nature. Virer six personnes pour en faire venir des milliers !
C’est ainsi que la famille se retrouve dans un ghetto urbain, déracinés et inadaptés. Le bison sauvage pourra t-il les sauver de ce piège tendu ?
A partir d’une histoire vraie, Corinne Royer construit un roman passionnant, qui se déroule dans une Roumanie pleine de contrastes et de contradictions. On vit avec passion le drame de cette famille de Roms, qui avait trouvé dans son isolement au coeur de la nature un équilibre que la folie des hommes balaie d’un revers de main.
Superbement écrit, et très émouvant, un des beaux romans de cette rentrée.
Merci aux éditions Seuil pour l’envoi de ce service de presse numérique via NetGalley France. Cette chronique n’engage que moi.
#Ceuxdulac #NetGalleyFrance
288 pages Seuil 19 Août 2024
Une plume magnifique, des personnages inoubliables, une lecture intense et émouvante
« Il devait abandonner le lac et la cabane, renoncer à cette vie dans ce coin d’eau et de terre estimé le plus beau au monde au seul motif qu’il était sien. Renoncer à la liberté et aux grands espaces, au rythme quiet des saisons inscrit dans la laitance de la lune, à la fierté de ne rien devoir à personne. »
Les Serban, une famille tzigane, un père veuf et solitaire, la fratrie de six, sans oublier le vieux chien fidèle Moroi, vivent paisiblement au bord du Lac dans le delta de Vacaresti, leur royaume. Jusqu’au jour où le malheur frappa à leur porte « par la chose écrite ; le père l’avait toujours pressenti. » Il devait partir, il n’y avait d’autre choix, les agents de la ville de Bucarest l’avait décidé. Un projet de réserve naturelle était sur les rails. Il n’avait pas leur mot à dire.
« La nature l’imprégnait d’un pouvoir prodigieux, une faculté sans cesse renouvelée de croissance et de regain. Sasho était feuille ou poil, fleur ou roche, plume, duvet, corolle, nervure. »
Ils avaient par conséquent finalement tous été déplacés, ils avaient quitté Vacaresti, ils avaient rejoint le quartier de Ferentari celui que les autorités nommaient « une poche de pauvreté et i était dit qu’on ne pouvait s’en extraire que les pieds devant. »
Le père n’était plus que l’ombre de lui-même. Il « était un homme qu’on avait réduit à empailler son passé. »
Adieu la nature, adieu la vie d’avant. Sasho ici « était inutile et transparent. »
Seule Naya et son pied gauche semblent pouvoir tirer profit de ce déménagement forcé.
« On entendait les coassements des batraciens au cœur des marécages et les coups répétés du pic-vert contre le tronc des vieux bouleaux. On voyait le scintillement des eaux du lac à l’aplomb du soleil et les feuillages des sureaux penchés sur la grande flaque d’argent. La blancheur de la sève demeurait intacte sous les écorces et les jumeaux avaient toujours un vif plaisir à les taillader pour en extraire le sang couleur de lait. »
Si vous avez lu l’excellent pleine terre (disponible en version poche chez Babel), vous savez que la nature est un personnage à part entière chez Corinne Royer. Ceux du lac le prouve une fois encore. Les descriptions sont exceptionnelles, l’immersion totale pour le lecteur. C’est une véritable ode à la nature sauvage.
L’écriture est d’une beauté absolue. Sensible et poétique, elle magnifie les portraits, elle amplifie la violence de la ville, la noirceur de certains personnages, elle émeut profondément, elle imprègne nos cerveaux d’images ineffaçables. C’est lumineux et cela fait un bien fou.
Et puis il y a ces petites phrases, l’air de rien, si puissantes, si évocatrices, ces petites phrases qui percutent, qui s’installent et qui demeurent : « Draguer l’oubli », « Nous n’a pas été », « Le soleil brule froid ».
Il y a enfin le souffle romanesque exceptionnel et le choix de Corinne Royer de faire appel à l’onirisme. Mettez en sommeil votre esprit rationnel et laissez-vous porter. Tout est parfait. Réalisme et onirisme finissent par se confondre.
« Il ne faut pas confondre l’oubli et le pardon. L’un efface et l’autre répare. »
Ceux du lac est un roman foisonnant, une ode à la nature, à la liberté, à la fraternité, servi par une plume poétique et onirique magnifique. Vous n’oublierez pas de sitôt Sasho et Naya.
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