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Le personnage principal de cette histoire, c’est la comédienne, « l’actrice trans la plus connue du monde », qui peut tout jouer sur scène, tout se permettre vu son succès insolent.
Elle s’est mariée avec l’avocat, gay et bourgeois, et ils ont adopté l’enfant, orphelin porteur du VIH.
Autour d’eux gravitent le père, la mère, le demi-frère, le metteur en scène, l’un ou l’autre amant et quelques autres personnages dont le point commun est de ne jamais être identifiés par leur prénom. Est-ce une volonté de l’auteure de fondre tout ce microcosme dans l’anonymat du Mr et Mme Tout le Monde ?
Difficile pourtant pour cette famille hors « normes » de passer inaperçue : une femme transgenre, un mari homosexuel, tous deux extravertis et assumant leur sexualité à la face du monde, et un enfant « sidaïque », de quoi les classer chacun dans une minorité potentiellement exposée aux critiques, discriminations, violences.
Mais la comédienne, au tempérament de feu, libre et indépendante, a voulu se « domestiquer » en fondant une famille. Pour se caser, se canaliser, (se) prouver qu’elle peut être une épouse et une mère de famille mature et raisonnable, aussi compétente qu’une autre ? Allez savoir, et lire le résultat…
Dans ce roman alternant passé et présent, on découvre le parcours de la comédienne, d’un bled paumé à la campagne à la grande ville, de la pauvreté au luxe et à l’opulence, du rejet à la célébrité et la gloire, de la liberté à la vie bien rangée. Des contrastes et des oppositions qui ne tranchent pas autant dans le vif que ce que la comédienne veut faire croire, aux prises, malgré elle et les années, avec son passé et son identité.
L’histoire est racontée à la troisième personne, par un narrateur extérieur qui pourrait bien être un double de la comédienne, et qui livre son récit d’un ton sarcastique et incisif. On y observe une femme tourmentée, complexe, paradoxale, qui se débat dans ses questionnements avec des cris, des larmes et du fracas, du désir, de l’amour et du sexe.
J’ai aimé ce ton ironique, insolent, provocant, sans tabou, un peu moins son côté parfois trop mélodramatique, très cru et explicite (et j’ai vraiment du mal avec la vulgarité). C’est aussi un peu redondant, mais les derniers chapitres sur la confrontation avec le passé rattrapent l’ensemble et rendent les personnages presque attachants. Si globalement je suis restée un peu à distance, l’écriture flamboyante de Camila Sosa Villada fait de la comédienne un personnage des plus marquants.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Certes l’histoire peut faire peur puisqu’elle concerne une actrice trans, formant un couple hors norme avec son mari homosexuel et ayant adopté un enfant positif au VIH.
Toutefois, il ne faut pas s’arrêter à cela, car c’est un bon roman, parlant notamment de relations qu’elles soient celles d’un couple ou humaines tout simplement.
C’est bien écrit et on n'oubliera pas de sitôt cet ouvrage et ces « êtres à l’écart des normes ».
J'ai lu et apprécié "les vilaines" et son univers des trans dans un parc de Cordoba et toute l'humanité qui se dégageait de cette histoire.
J'ai donc retrouvé l'univers de cette auteure argentine et n'ai pas été surprise qu'elle décide de faire de son personnage principale, une trans. L'Actrice, dont on ne connaîtra jamais le prénom, est, dès les premières pages le personnage principal de ce texte. Peut être un portrait de l'auteure, qui est aussi actrice de théâtre, de cinéma et de télévision, chanteuse et transgenre.
L'Actrice, qui a beaucoup de succès, peut se permettre de monter la pièce de Cocteau, " La voix humaine" (dont j'ai apprécié récemment l'adaptation par Pedro Almodovar avec Tilda Swinton) et incarner ce solo sur une scène de théâtre. Nous allons alors en apprendre un peu plus sur sa vie. Elle est mariée, et le couple a adopté un jeune garçon. Ils souhaitent mener une vie domestique classique. Toute leur vie est organisée comme une famille "normale" : préparation de dîner par le mari, après les représentations, un bisou à son fils en rentrant.. Puis l'organisation d'un week end chez les grands parents. Lors de ce voyage en famille, nous allons alors en savoir plus sur le parcours de l'Actrice et son évolution sociale, professionnelle, familiale. La parole va alors être donnée à plusieurs protagonistes, la mère, le père de l'Actrice... Avant de pouvoir vivre sa vie domestique "normale, le parcours a été jonché d'obstacles, de drames...
Un texte fort, touchant, choquant parfois (de scènes de sexe, de violence troublantes, choquantes) mais un beau portrait d'êtres vaillants, qui décident de rester debout et qui veulent mener une vie "domestique normale", comme tout un chacun.
Le titre espagnol " Tesis sobre una domesticación" est traduit par "histoire d'une domestication" mais il s'agit bien d'un texte sur les façons de mener sa vie domestique, familiale, personnelle.
Un texte qui permet aussi d'appréhender le monde des transsexuels mais ce que Camila Sosa Villada nous raconte est universel car elle nous parle de sentiments humains, de désir, d'amour parental, de choix de vie..
Une belle traduction de Laura Alcoba (dont j'ai déjà apprécié les écrits personnels, "Manèges", "jardin blanc") qui réussit à rendre la verve, la violence, les cris de l'auteure.
Bien sûr, certaines scènes sont très crues (que ce soit des scènes d'amour, de viol...) mais il y a aussi beaucoup d'amour, d'empathie dans ce texte. Il reste en mémoire de beaux portraits aussi de personnages, bien sûr, l'Actrice, mais aussi son fils, un Viel homme-clochard du village natal...
Un texte si libre dans ses propos, dans son écriture et dans son histoire et bravo aux éditions Métailié de nous faire parvenir de tels textes.
#Histoiredunedomestication #NetGalleyFrance
Les Vilaines, le premier roman de Camila Sosa Villada, autrice argentine, a été un succès lors de sa sortie en janvier 2021 aux éditions Métailié. Ne l’ayant pas lu, mais très motivée par l’emballement dont il fut l’objet, j’ai choisi de partir à la découverte de ce second roman, qui paraît à l’occasion de cette rentrée littéraire 2024. Le personnage principal est une actrice trans, dont nous ne saurons jamais le nom et toujours nommée sous les dénominations de la comédienne ou la trans, que l’on suit depuis sa sortie de scène jusqu’au drame qui clôt le roman, .
Tout démarre au théâtre ou la trans vient de finir de jouer la pièce de Jean Cocteau La voix humaine, met en scène qu’un seul personnage, une femme au téléphone, dont elle tient le rôle principal. C’est une comédienne déjà bien installée sur la scène argentine, une femme qui fait et assume ses choix depuis qu’elle s’est découvert femme et qu’elle l’assume. Une femme avec un caractère, il en faut pour tenir bon devant les attaques dont est victime la population transgenre, qui joue de sa féminité, et joue de sa sexualité autant qu’elle le peut, autant qu’elle le veut. Mais une trans rongée de questions, une vie de mélodrames, qui se débat dans ses questionnements existentialistes, embourbée dans ses doutes, d’une forme d’instabilité résultant de son enfance chaotique. C’est une diva, sûre d’elle et de ses choix, qui joue ses drames sur scènes, comme dans sa vie privée avec son mari, l’avocat, et son fils, adopté.
On suit les errances de la comédienne trans depuis la scène jusqu’à sa vie de couple et familiale, ses flash-back consacrés à certains épisodes de son passé, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas de tout repos : c’est une femme torturée, non pas par son identité revendiquée et assumée, elle est une comédienne respectée, adulée et désirée. On, le lecteur, essaie de faire du tri dans la confusion de l’esprit béant et torturé de la femme, qui s’en va retourner aux sources familiales, au commencement du chaos.
C’est un personnage complexe, et tourmenté, que l’on suit d’abord par sa posture de transsexuelle, une femme qui a encore ses attributs d’hommes, un être qui vogue encore entre deux identités, avec ce pénis omniprésent qui la retient encore quelque part dans une partie de sa vie, de son être qu’elle rejette, et qu’elle a tout fait pour laisser derrière elle. Un être démonté pièce par pièce par une écriture très vive et franche, où la vulnérabilité du personnage laisse sans cesse place à une vivacité d’esprit, une causticité, qui cache tout au fond un désespoir latent. Ce qui est déroutant, c’est la présence de ce narrateur ou narratrice, qui parle d’elle, comme s’il était un personnage à part entière, comme un double de la trans qui parle d’elle avec un certain recul. Comme un reflet à cette dualité qui caractérise le personnage, scindé en deux, celle qui vit et agit, celle ou celui qui regarde, commente. Un personnage plein de contradiction, qui essaie de sortir de la cellule familiale et pulvérisée autour de laquelle elle a survécu, composée de cellules toutes métastasées, d’une mère égocentrée, d’un père qui préfère le demi-frère, celui-là même qui désire âprement la femme qu’elle est devenue. Une trans en recherche d’une certaine sérénité, dans la propre cellule qu’elle s’est composée, unique en son genre, mais qui a le mérite de lui donner le rôle de sa vie, la place que personne ne peut plus lui enlever.
Histoire d’une domestication, c’est l’apprentissage de la vie d’une famille, à trois, unie et amante, fonctionnelle malgré le schéma que l’on pourrait caractériser de hors norme s’il fallait se réduire à mettre des gens dans des cases. C’est un roman décapant dans la mesure où il vous entraîne justement au milieu de la construction épineuse d’une famille, où chacun est issu d’une minorité persécutée, l’enfant porteur du HIV, et doublement orphelin n’est pas en reste. J’aime les histoires qui me bousculent un peu, beaucoup, j’aime l’ouverture d’esprit des Éditions Métailié, qui mettent en avant pour leur rentrée littéraire un roman tout sauf classique, qui heurtera surement les conservateurs rétrogrades et intolérants. Et je pense que l’on a encore du chemin à faire ici en France par rapport au pays sud-américain.
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