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Je continue mes lectures de BD documentaires avec ce roman graphique : 224 pages en forme de coup de poing dans la fourmilière de l'État.
Benoît Collombat (grand reporter pour France Inter) & Étienne Davodeau (auteur de BD, je le connaissais déjà pour Lulu femme nue, Le droit du sol ou encore Les ignorants) mettent en lumière un véritable scandale d'état qui n'en finit plus de se ramifier et d'étendre ses effets au sein de la toute jeune Vème république.
Pas très étonnant que notre république soit en souffrance, je crois que c'était déjà mal parti à la base !
Les deux auteurs braquent les projecteurs sur une affaire, ou plutôt des affaires que les instances dirigeantes ont parfois tout fait pour cacher dans une mascarade cynique et pervertie.
Ils nous proposent ici leur enquête agrémentée de nombreux témoignages avec en point de mire le SAC (Service d'Action Civique).
Même si le SAC a été dissous en 1982 suite à la tuerie d'Auriol, l'histoire de cette association de barbouzes, considérée comme le bras armé du gaullisme (on la surnomme aussi "police parallèle") a défrayé la chronique de nombreuses années.
Corruption de dirigeants, financement illégal de parti, braquages et crimes politiques : difficile de mettre à jour la vérité car les témoignages étaient comme vous vous en doutez risqués à l'époque des faits et la majorité des archives ont été détruites. Une histoire sulfureuse que certains ont payé de leur vie. Aujourd'hui les langues se délient et il semble nécessaire de clarifier pour donner peut-être un nouvel élan à notre démocratie.
Si la BD a été publiée en 2015, aujourd'hui encore ce sujet n'en finit plus de faire parler et des rebondissements sur certaines affaires sortent encore dans la presse…
Dulcie, Du Cap à Paris, enquête sur l’assassinat d’une militante anti-apartheid
À partir de 1948, l’Afrique du Sud met en place un régime politique basé sur l’apartheid.
Le Parti National au pouvoir décide que dorénavant les mariages mixtes seront interdits.
La population devra s’enregistrer et sera classée en quatre catégories : Blancs, Métis, Indiens et Noirs.
L’espace géographique sera lui aussi racialisé, chacun habitant un lieu en fonction de sa couleur de peau.
Il faut donc un pass pour circuler à l’intérieur du pays. Les passeports pour voyager à l’étranger sont réservés aux Blancs.
En 1952, l’ANC (African National Congress) qui défend les droits de la majorité noire, décide d’instaurer une campagne de désobéissance civile. Dulcie September, une jeune femme noire de 17 ans, choisit de s’investir dans cette lutte violemment réprimée par le pouvoir blanc.
Dix ans plus tard, l’ANC est déclarée illégale en raison de sa lutte armée. Certains de ses dirigeants, comme Nelson Mandela, sont emprisonnés à vie.
Dulcie September sera arrêtée, jugée et condamnée à de la prison. À sa sortie, la militante est bannie de toute activité politique et sociale.
En 1973, elle reçoit un visa de sortie permanente du pays. Elle ne pourra plus jamais y retourner.
Maintenant, sa lutte contre l’apartheid se fera depuis Paris où l'activiste s’est installée. Mais le 29 mars 1988, Dulcie September est abattue par balle devant les locaux parisiens de l’ANC. Qui a bien pu commanditer cette exécution ?
Une enquête est menée, mais les deux tueurs ne seront jamais retrouvés.
Avec cet album, Benoît Collombat (journaliste à Radio France) et Grégory Mardon (dessinateur) explorent toutes les pistes pour mieux comprendre qui avait intérêt à faire disparaître Dulcie September.
Cette plongée en eaux troubles nous conduit au cœur des États français et sudafricain, avec à la clé des ventes d’armes et la fourniture de savoir-faire en matière nucléaire à l’Afrique du Sud. Cela malgré un embargo décrété par l’ONU.
Une bande dessinée documentaire des plus intéressantes qui nous confirme que les intérêts financiers et la raison d’État sont bien souvent supérieurs aux droits de l’Homme.
29 mars 1987, il est 9h47, rue des petites-écuries à Paris dans le 10ème arrondissement, quand Dulcie September est abattue à bout portant de six coups de feu devant la porte du local de l'antenne française de l'ANC (African National Congress).
Qui est Dulcie September ? Pourquoi a-t-elle été tuée ? Représentait-elle une menace et si oui, pour qui ? Qui a bien pu commanditer cet assassinat ? Autant de questions auxquelles le journaliste Benoît Collombat a tenté de répondre en menant une enquête exhaustive.
Sur près de 300 pages, un peu à la manière de ce qu'il avait fait dans "Cher pays de notre enfance" ou "Le choix du chômage", il se met en scène pour raconter son enquête, ses interviews en replaçant Dulcie September dans le contexte historique et son rôle de combattante contre l'apartheid et surtout en pointant le rôle possible de la France dans ce meurtre.
C'est Grégory Mardon qui se charge de la mise en scène graphique et son dessin en noir et blanc accompagne bien l'aspect factuel et journalistique de l'enquête, sans s'encombrer de détails, on va droit à l'essentiel.
La BD de journalisme tient ici un beau représentant avec cet album fouillé et précis qui n'en reste pas moins passionnant autour d'une militante que je ne connaissais pas et qui mérite le coup de projecteur.
Je pensais pas la lire d'une traite quand je l'ai ouverte et pourtant c'est exactement ce qu'il s'est passé !
Pas du calé en géo-politique et ayant que très peu suivi l'affaire Sarkozy-Kadhafi, j'ai apprécié cette BD très bien documentée avec un récit d'une grande fluidité.
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