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Il en faut du courage pour être cette Dolorès-là. Dolorès la douleur. Elle le porte bien ce prénom, qui la prédestine au malheur, aux échecs, à la fatalité de la solitude et de la dépression.
Le couple qui bat de l’aile, avec ce mari autoritaire, pervers et dominateur, puis l’échec de cette vie à deux puis trois, le divorce, la faillite de la justice et des avocats, partie perdue d’avance, la vie ratée de Dolorès la femme de... Un enfant terrible et épuisant qui ne renvoie aucun amour à sa mère, la vie difficile de Dolorès devenue la mère de... Puis l’incompréhension d’une mère quand Dolorès redevient fille de … Puis se retrouver seule dans un studio minable avec ses cartons. Avoir pour seul soutien internet pour y trouver l’âme sœur, celui qui enfin lui fera retrouver confiance en elle, prendre le large, trouver une épaule compatissante et aimante et redevenir Dolorès, la femme.
Difficile parcours de l’abandonnée dépressive à qui rien ne sourit. Car non, la courbe de sa vie ne va pas s’inverser. Rien ne va, et comment dire, pas grand-chose ne me convient non plus dans cette lecture. Des mots, des phrases, un style épuisant à lire, comme cette vie sans doute. C’est triste et morne, fastidieux de négativité, on a l’impression que tout s’accumule sur les épaules de cette pauvre femme et que rien ne pourra jamais la sortir de ses malheurs.
lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/02/12/denouement-aurelie-foglia/
"Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté."
Alain, Propos sur le bonheur
"Et si elle n’en veut pas, de la liberté ? Elle ne pense qu’à s’en débarrasser de sa liberté, cette seconde virginité malvenue de la solitude."
Elle, c’est Dolorès. La douleur, c’est elle.
Alors, quand elle se peint ainsi,
"Elle qui est si bien lunée. S’émerveillant, d’aussi loin qu’elle se souvienne, d’une branche qui bouge, d’une nuance dans un nuage, toujours d’accord et de bonne humeur, au point que cette joie sans raison fait d’elle un être presque inadapté au réel, à sa jungle, à ses logiques sombres et rapaces."
pitié, ne vous faites pas avoir, c’est un faux !
Dans ce roman, tout n’est qu’absence d’horizon et de perspectives, tout est d’une grisaille éteinte et désolante.
Enseignante de mathématiques en collège, Dolorès quitte Christophe, son mari volage, abandonne derrière elle le confort d'une maison et son fils, David, un gamin odieux qui, la plupart du temps, la laisse vaincue :
"Cet enfant n’a jamais fait corps avec elle, même quand elle le portait, un inconnu qu’elle découvre toujours avec une sorte de crainte."
"Dénouement" raconte, quoi de plus banal, la séparation d’un couple. Le désarroi et la dépression post-divorce qui menacent Dolorès d’effondrement sont transcrits dans une langue moderne faite de phrases hachées, déconstruites pour dire sa souffrance, son impossibilité d’être à ce qui l’entoure, la perte de ses repères :
"Un restaurant sert non pas à manger mais à se retrouver face à face et patienter, c’est-à-dire parler, n’avoir rien d’autre à faire que se."
Le texte est saturé – gangréné serait plus juste - de termes négatifs, dépréciatifs : le climat y est "menaçant", "impossible", "difficile", "monotone" ; elle y est "craintive", "abîmée" ; les gens y sont "frileux" ; les meubles, "sombres", les photos, "surexposées" ; tout n’est que "malentendu", "écroulement", "fissures" ; les objets sont "cassés", "échoués". La syntaxe, quant à elle, suinte de phrases aux formes au pire négative au mieux restrictive, c’est dire !
"Ils n’étaient pas. Pas spécialement séduisants. Pas jeunes pas riches rien. Ne crois pas. C’était pas moi qui choisissais. Je. Prenais ce qui se présentait."
"Dénouement", écrit du seul point de vue de Dolorès, pâtit des choix narratifs opérés. Cette monotonie univoque, même si elle sert le propos, m’a anéantie dans ce flot que Dolorès "débite à toute vitesse sans y mettre d’intonation" et où peu de clichés m'auront été épargnés.
Alors quand soudain, là, vers le milieu du livre, je tombe enfin sur ce que je n’attendais plus,
"Elle, Dolorès, se lance. Il est grand temps. Parce qu’à présent de tout son être abîmé il y a quelque chose dont elle veut se saisir, c’est la vie."
l’incurable optimiste que je suis veut y croire. Je me dis que la lectrice en moi va pouvoir aller l’avant, s'extirper de ce marasme, de cet horizon bouché, indépassable et sans issue. Le moment est venu de rompre avec le passé, pour elle, avec les 146 pages précédentes, pour moi et, pour nous deux, de jeter un dernier coup d’œil dans le rétroviseur avant de prendre un nouveau départ.
J’en serai pour mes frais.
C’est accablant !
Alors, quand se noircissent les dernières lignes, je suis soulagée de pouvoir unir ma voix à celle de Jean, amant de passage trouvé sur Internet :
"Je ne peux plus. Je te jure. Peux plus. À bout. On s’était juré de ne pas s’installer dans le mensonge tu te souviens ? Je pars à l’étranger. J’ai quelqu’un."
Je pars. J’ai une autre lecture.
1er roman
Lu pour la session automne des #68premieresfois
https://www.calliope-petrichor.fr/2019/11/25/dénouement-aurélie-foglia-éditions-corti/
Pour son premier roman Aurélie Foglia raconte la vie post-dicorce, cette période difficile où la dépression vous guette à chaque instant.
Une histoire somme toute banale, mais de celles qui vous marquent pourtant à tout jamais. Dolorès a eu envie d’y croire, à cette vie de famille heureuse auprès d’un mari attentionné qui l’aide à éduquer leur enfant. Mais bien vite le rêve prend une tournure plus difficile, les premiers accrocs viennent s’ajouter à une gestion difficile d’un emploi du temps saturé. L’usure pointe, la crainte de la chute s’installe et avec elle ce sentiment d’avoir failli. Aussi, c’est honteuse que Dolorès se sépare de Christophe, même si les torts sont bien plus du côté du pervers narcissique, volage et déstabilisant. Comme elle l’avoue à sa mère, elle n’en peut tout simplement plus : «Un couple d’accord c’est fragile, d’accord on peut réparer, sauf que parfois c’est cassé. Et quand c’est cassé c’est cassé.»
Un sentiment d’autant plus fort qu’elle n’a pu obtenir la garde de leur fils David. Le manipulateur a gagné sur tous les registres. Son dossier est en béton armé: «Sa façon de contester dans son tête-à-tête avec le juge ce qui avait été convenu entre eux et leurs avocats, de se poser en victime pour faire modifier le texte en sa faveur. Il n’a pas hésité à la faire passer pour la mère qui a abandonné le foyer conjugal, au bilan une pauvre fille pas très responsable ni très équilibrée qui cherche en prime à lui soutirer son argent. Et lui le pauvre, devant faire face avec un enfant en bas âge. Plus une grosse maison sur les bras, toutes les charges, les frais qui pleuvent. N’hésitant pas à pleurer misère malgré son salaire de cadre. Et cette femme qui fait n’importe quoi. Le juge dans sa poche.»
La voilà qui se retrouve anéantie. Pourtant, elle n’est pas au bout de ses peines. David va lui faire payer très cher sa déchéance. Avec son salaire de prof de math, elle ne peut lui offrir qu’un logement sommaire, loin de l’univers auquel il était habitué. Du coup, il se rebelle, lui fait sentir sa déchéance, allant même jusqu’à cette cruelle sentence : «Je ne t’aime pas». À quoi peut-elle alors se raccrocher? L’alcool? Les antidépresseurs? Les réseaux sociaux? Les ami(e)s? Les objets familiers qui l’entourent? Autant de pis-allers qui sont autant de pièges. Même Jean, découvert via un site de rencontre, et avec lequel elle va entamer une nouvelle relation, ne pourra enrayer cette spirale dépressive.
Aurélie Foglia réussit fort bien à décrire les affres de l’abandon, des difficultés qui s’enchainent et qui rendent de plus en plus difficile la reconstruction. Ce roman de l’effondrement, vous l’aurez compris, est un récit dur, impitoyable. Un roman à la Soulages, avec des nuances de noir.
https://urlz.fr/bjiT
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