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« Depuis que le Chien était entré dans Villebasse, aux premiers jours de cet hiver particulièrement froid, on avait le sentiment incongru que la mort survenait davantage qu’à l’habitude ici, et plus qu’aux alentours. »
Un hiver
Une ville éclairée par une étrange lune bleue
Et un chien, « Le Chien », venu d’on ne sait où
Il rôde, il semble être partout à la fois
Si vous le suivez, vous rencontrerez les habitants de Villebasse
Totalement subjuguée par l’écriture de ce roman. Je pense que peu de plumes françaises actuelles proposent un style aussi travaillé et une langue aussi belle. L’onirisme et la poésie saisissent le lecteur au détour du réel. Anna de Sandre nous emporte dans un univers sombre qui fait terriblement écho à nos vies modernes. Villebasse semble hors de l’espace et du temps, étouffée par la neige. Et pourtant, les maux et les tourments des habitants sont bien ceux de notre époque. C’est glauque et envoutant. C’est noir et brillant. Je ne vous en dit pas plus (#laflemme) mais je crois que La Manufacture a déniché une très grande autrice.
Plonger dans la lecture de ce roman, c'est aller à la rencontre d'une constellation d'âmes bancales - miroirs de nos propres rêves et défaillances - dans un univers onirique frissonnant.
Ici, tout y est humide, sombre et glacial et - pourtant - persiste la lumière dans les espoirs secrets de chacun.
Des espoirs qui tiennent en vie leur hôte et qui sont autant d'éclats de lumière dans ce roman presque noir.
Un premier roman réussit, qui voit l'éclosion d'une nouvelle auteure à la voix singulière où la plume lancinante et la qualité romanesque nous rappellent celle d'un Franck Bouysse ou d'un Philippe Claudel.
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Lire « Villebasse » d’Anna de Sandre signifie presque emménager, le temps de votre lecture, dans « cette ville à zone blanche et à lune bleue » qu’est Villebasse. En effet, depuis quelques années, une mystérieuse lune bleue a fait son apparition dans le ciel, et avec elle des hivers enneigés, terriblement froids, et des phénomènes étranges.
« Le Chien » aussi a élu domicile au sein de cette bourgade qui longe la forêt.
Ce livre puissant m’aura autant dérangée qu’interrogée.
Les 37 chapitres relativement courts qui se succèdent font état de plus de vingt personnages, tous plus ou moins principaux, tous cabossés, abimés par la vie, soit victimes, soit bourreaux au passé douloureux. Certains reviennent plus souvent que d’autres dans l’histoire.
Tout au long du livre, je me suis questionnée quant au fil conducteur de tous ces êtres en souffrance, le liant de l’histoire :
–était-ce « le Chien », cet animal rôdant tour à tour chez les uns et chez les autres sans jamais élire domicile vraiment chez l’un(e) d’entre eux ?
– Etait-ce le quartier sud de Villebasse, ce microcosme connu depuis des siècles déjà comme un lieu dans lequel on s’installait souvent définitivement ?
– Etait-ce la précarité sous toutes ses formes qui, en soumettant les habitants à ses règles injustes, allait me mettre, moi lectrice en attente, sur le chemin d’une intrigue dont je ne comprendrais éventuellement la résolution qu’aux dernières lignes ?
L’autrice nous amène sans tabou dans des univers aussi violents que tristes et désespérants, où se succèdent le viol, le meurtre, une agression sexuelle sur mineure, l’abandon parental, la violence, … et la cruauté psychologique, souvent utilisée de façon inconsciente. Les personnages endurent le deuil, la tristesse, tentant de faire face à cette vie malgré leurs fragilités.
« C’est le lot des fragiles de tomber sans protester », écrit l’autrice.
Arrivée à un tiers du livre, j’éprouve du rejet pour beaucoup d’entre eux, violents, vulgaires, primaires. Je m’en veux alors un peu de les juger tous dans un pseudo procès sans attendre d’avoir plus d’information sur eux et me penche sur l’écriture, révélatrice de biens des secrets. Anna de Sandre pratique deux langages opposés dans son livre : le premier, très étudié (même un brin trop à mon goût), poétique, et le second, cru, parfois vulgaire.
Une question me taraude : sous le manteau de laideur de certaines phrases, n’aurais-je pas su voir une certaine beauté dissimulée ?
Je pose donc le livre pour réfléchir au fait qu’un être humain n’est pas tout bon ou tout mauvais, il peut alterner bonté et méchanceté voire cruauté. Il n’empêche que j’éprouve de l’aversion pour un certain nombre d’entre eux aux profils accablants et aux actes abjects. J’aimerais les savoir punis à la fin, mais…le seront-ils ?
Le Chien m’intrigue particulièrement. Personne ne l’a nommé. Dans un passage anthropomorphique, il éprouve reconnaissance et loyauté envers son sauveur et cauchemarde en dormant, du mal qu’on lui a fait subir. Son absence de jugement humain en fait selon moi, l’être le plus humain (le moins inhumain) de tous !
Dans la suite de mes interrogations, je me demande si je suis en plein roman noir ? Ou en plein roman social qui dénonce la misère sociale et ses effets sur la vie affective, pécuniaire, psychologique, morale ?
On apprend que les habitants souffrent encore de la « honte du manque et de la pauvreté qui étaient venus pourrir Villebasse », suite à la fermeture de la filature en 2008.
L’autrice aurait-elle prévu de faire revenir le mal comme un boomerang sur les expéditeurs ?
Ou les raconte-t-elle plutôt avec empathie et sans jugement, au travers de leurs failles, de leurs incapacités à s’en sortir.
« Tim enchaînait les emplois précaires. Rose était sans diplôme et sans malice ».
Je ne recommanderais pas cette lecture un soir de déprime. Quoi que !
L’autrice note dans son résumé « un monde ravagé par nos maux ordinaires ».
Chez une partie d’entre eux, en effet, il en va ainsi. Et nous pourrions découvrir que nous ne sommes pas les seuls blessés, imparfaits, en échec, perdus, malheureux, à la dérive… et qu’en creusant en nous, nous pourrions bien trouver une belle source d’humanité, pourquoi pas même une source divine.
« Il était distrayant de prendre soin d’un autre quand on n’avait pas le courage de s’en sortir. Jusqu’au jour où il apparaissait que, si l’on maîtrisait ces actes et cette attention pour autrui, alors il était naturel de les tourner vers soi ».
Chez les autres, ceux qui ont tué, violé, je trouve l’expression « maux ordinaires » quelque peu légère. Leur univers ultra-violent est certes leur quotidien, mais je souhaite qu’il ne devienne pas celui de tous, de toute une ville, une société.
Un premier roman qui vous plaira ou non mais qui gardera votre mental et votre esprit en alerte, en réflexion, en gestation.
La fatalité sociale est-elle réelle ?
Que (qui) seriez-vous devenu(e) à Villebasse ? Une victime ? Un bourreau ?
AVIS DE LA PAGE 100 :
je suis extrêmement partagée entre
– l'envie de le lire au plus vite pour comprendre l'intrigue générale et ce qui lie tous ces personnages qui ont comme point commun de vivre à Villebasse et d'avoir déjà croisé le chemin du chien,
– et un sentiment bizarre, une sorte de rejet que j'éprouve vis-à-vis de beaucoup d'entre eux, sombres, violents.
Mon avis évoluera-t-il ? Sûrement... dans un sens ou un autre.
« Depuis que Le Chien était entré dans Villebasse, aux premiers jours de cet hiver particulièrement froid, on avait le sentiment incongru que la mort survenait davantage qu’à l’habitude ici, et plus qu’aux alentours. »
L’incipit donne le ton, fil rouge d’une histoire magnétique, hivernale.Tout semble étrange, comme dans un Entre-Monde. En fusion avec un ésotérisme empreint de mystères troublants et angoissants, éloigné d’une lumière apaisante. Et pourtant, l’écriture est le toit du monde, l’olympien d’une trame sereine et poétique, magistrale jusqu’au point final. Le charme d’un récit dont on ne lâche pas un point, une virgule et les traces d’un Chien (C majuscule) dans la neige qui dévoile mot à mot l’énigme parabolique.
« Une lune imparfaitement ronde et bleue, bleue comme si elle abritait au moins un océan, mais un océan de tous les chagrins du monde évaporés, dans l’atmosphère qui se seraient condensés pour se précipiter en elle sous la forme d’un liquide aux propriétés inconnues. »
Le Chien, métaphysique, sombre, déambule dans chaque recoin. Son aura bouscule tous les codes d’un village qui va observer à la loupe ses déplacements et les bouleversements que cela va engendrer. Les habitants le connaissent tous. D’aucuns savent d’où vient ce chien noir. Un mythe s’instaure. L’attitude emblématique de Le Chien qui va soit régler ses comptes soit remettre d’équerre l’habitus du village en intégralité. Parfois tendre, affectueux, ou agressif, le manichéen en déplacement dans un village qui va vivre dans un souffle des plus inquiets. Un village labyrinthe dont on ne peut s’échapper. La lune étrange élève ses secrets, éblouissante en connivence avec Le Chien. Ici, c’est l’ambiance qui assigne les transmutations en devenir. « Villebasse » est une œuvre spéculative. Un roman noir qui forge les destinées dans les profondeurs les plus fabuleuses et secrètes.
« C’était indéfinissable, comme un pas de côté qui vous faisait quitter la marche du monde : une gémellité bancale qui les rapprochait comme un étai. »
« Villebasse vient de la nuit, celle qui élève et isole pour mieux affronter ses démons intérieurs et renaître à la vie. « Villebasse » est un symbole des plus oniriques. Bien au-delà de l’envergure de ce roman-fable, Anna de Sandre détient la clef de l’enchantement littéraire. Publié par les majeures Éditions La Manufacture de livres
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