Une histoire d'intégration et de désintégration
Une histoire d'intégration et de désintégration
Découvrez la bibliothèque idéale d'Anais Llobet, journaliste et auteur d'un magnifique premier roman paru chez Plon "Les mains lâchées"
Cette semaine, suivez David Meulemans, fondateur des éditions Aux forges de Vulcain, et Lisa Liautaud, éditrice du domaine français des éditions Plon.
Récit historique, à Chypre, sur fond de conflit gréco-turc, avec une magnifique galerie de personnages, l'exil, la famille, l'amour, les souvenirs, la guerre et les secrets.
Les chapitres alternent deux temporalités, on y découvre le destin de deux familles. Très intéressant sur le plan historique. Une famille brisé par le conflit prise de sentiments de rancoeur et trahisons, de forte personnalité. L'obligation de mémoire, les silences et les blessures, une plume fluide et une construction original.
"Chypre ressassait sa douleur, refusait de panser ses plaies. Les check-points auraient dû faire office de points de suture mais ils ne suffisaient pas. Les deux faces de l’île continuaient à vivre comme si l'autre n'existait pas."
"Que restera t il de Varosha lorsque ses habitants auront fini de l’oublier? A quoi tient une ville si ses plans ont été brûlés ?"
Un attentat terroriste dans un lycée qui fait apparaître de dangereuses vérités
Alissa, jeune professeure dans un lycée de La Haye, aux Pays-Bas, dissimule ses origines tchétchènes à tous. C'est également le cas d'Oumar, son ancien élève, rebaptisé Adam, qui vit son homosexualité en cachette. Le jour où Kirem, l'élève de l'une et le frère de l'autre, tue une vingtaine de personnes, ils font tous les deux face à leurs mensonges.
J'avais eu un coup de cœur magistral pour le troisième roman de l'autrice Au café de la ville perdue, et j'ai retrouvé sa plume avec une immense joie.
Les mots sont magnifiques, et le sujet tellement poignant.
Anaïs Llobet rend ses personnages vivants dès les premières lignes, elle nous parle de l'horrible violence sans jamais tomber dans le sensationnel ou le glauque.
La Tchétchénie, je n'en savais rien ou si peu, et j'ai eu un aperçu ici des guerres subies, des violences perpétrées sur les homosexuels, de l'histoire terrible de cette république dictatoriale sous l'emprise russe. C'est ce que j'aime avec les romans de cette autrice, elle maîtrise totalement son sujet et on ressort de notre lecture plus instruit !
Des hommes couleur de ciel : un beau titre pour une terrible réalité. Un roman qui prend aux tripes, qui éveille, qui remue.
Ariana a grandi à l'ombre de la maison familiale, située au 14 rue Illios, que sa famille a perdue pendant l'invasion de Chypre en 1974, lorsque l'armée turque a entouré de barbelés la ville de Varosha. Tandis qu'elle débarrasse les tables du café de son père, elle remarque une jeune femme en train d'écrire. L'étrangère enquête sur cette ville fantôme, mais bute contre les mots : la ville, impénétrable, ne se laisse pas approcher.
Ariana lui propose alors d'interroger les anciens du village, ceux qui ont gardé la ville vivante dans leurs mémoires.
Mais quand la jeune fille apprend que son père, désirant exorcisé le passé fait de non-dits et de lourds secrets, décide de vendre la maison aux promoteurs, elle ne comprend pas. Pourquoi se défaire de la maison dans laquelle on vécu Aridné, chypriote turque, et Ioannis, chypriote grec, ses grands-parents, jusqu'aux tragiques événements du 12 août 1974?Cela ne signifie-t-il pas qu'il renie l'histoire de ce couple atypique dont le parcours semé d'embûches, retrace celle de l'île? Montrant que parfois les motifs de se déchirer sont plus forts que les raisons de s'aimer. Page après page, Varosha se laisse déchiffrer et, avec elle, la tragédie qui a ensanglanté la famille d'Ariana et l'île oubliée.
Un roman sensible, tout en délicatesse, revenant sur la guerre civile qui a opposé les Chypriotes grecs aux Chypriotes turcs pendant vingt ans, de 1955 à 1974, date à laquelle l'île fut coupée en deux. Dans un subtil ballet d'allers-retours entre le passé et le présent, l'auteur retrace l'histoire de Giorgios et Ioannis, deux adolescents avec la vie devant eux, pleins de rêves et d'espoirs, brisés par la terrible guerre civile qui déchire encore Chypre.
Beaucoup d'émotion pour cette lecture qui ne vous laissera certainement pas indifférent.
Un attentat. Endeuillant la ville de la Haye. Horreur de la violence aveugle frappant des lycéens. Effroi causé par un autre lycéen.
Un lycéen taiseux, vêtu de noir, refusant les cours de sports mixtes. Kirem Akhmaïev. Un jeune tchétchène.
Sa professeure de russe, tchétchène elle-aussi, Alissa, se demande ce qu’elle aurait pu faire pour éviter ce drame.
Quand à Oumar, frère de Kirem, celui-ci est vite arrêté, malgré son alibi : un rendez-vous avec un autre homme. Oumar, qui se fait appeler aussi Adam, lorsqu’il met du fond de teint et va draguer les hommes dans les clubs.
Ce point de départ, celui de l’attentat, permet de traiter de l’identité.
Alissa, la professeure, qui n’assume pas ses origines tchétchènes, préférant se dire russe. Le cœur et l’âme encore heurtés par la guerre mais s’efforçant de s’intégrer, au mieux, comme si cela pouvait changer son passé.
Oumar, dont l’homosexualité équivaut à une condamnation à mort auprès des siens, oscille entre moments de liberté lorsqu’il est Adam et culpabilité. Lui le tchétchène, dont la langue natale n’a même pas d’équivalent pour le mot « homosexuel ».
Ce roman se lit très vite et offre une belle réflexion sur l’identité, ce que l’on tente de fuir en vain, ce passé que l’on ne peut changer et le poids des traditions.
La plume est vive et alerte, les pages défilant à toute vitesse, réussissant à faire monter un suspens crescendo. Une lecture qui montre encore l’impossibilité d’être soi et de se détacher de son passé.
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