Un douloureux passage à l'âge adulte, entre sensibilité et horreur...
Et si l'horreur des abattoirs nous était contée en substituant des humains aux animaux !? Car des animaux, il n'y en a plus dans ce futur indéterminé mais les humains ne veulent pas renoncer à la viande. Alors des humains sont élevés et génétiquement modifiés pour être des animaux comestibles. Mais ont-ils une conscience animale ? Ou humaine ?? L'humanité pratique désormais le cannibalisme. Mais c'est un mot interdit. Il y a des mots convenables, hygiéniques, légaux, et ceux qu'il est interdit de prononcer sous peine de finir en steak. Voilà ce qu'est devenu le monde suite à la Grande Guerre Bactériologique qui a rendu les animaux impropres à la consommation et mené à leur extermination. D'ailleurs, dans ce monde affreux, est-ce qu'on ne mange que de la viande élevée pour ça ? Ou bien en mange-t-on parfois qui avait un nom et un prénom ?
Il n'y a pas que la viande, il y a aussi la peau, le cuir, que monsieur Urami détaille et j'ai trouvé ça presque plus glaçant que l'abattoir. Sans doute parce qu'il y a des antécédents dans l'histoire du XXe siècle, où de la peau humaine à servi à fabriquer des objets.
On est, avec cette histoire, instantanément dans un monde terrifiant. Que dis-je terrifiant !? Ce monde est absolument cauchemardesque !!!
Le fait que ce soient des humains qui sont débités en morceaux alimentaires dans les abattoirs met en évidence l'ignominie que cela représente, l'irrecevabilité de ce qu'on fait, pourtant on le fait, à très grande échelle, sur des êtres sentients.
Marcos Tejo occupe un poste à responsabilités à l'abattoir, avec une sorte de résignation et du dégoût car beaucoup de questions le taraudent. Dans cette société abjecte et hypocrite, les "humains" de boucheries sont appelés des "têtes", car personne ne voudrait manger ses semblables... non, non ! Donc on leur donne une appellation spécifique. Certains achètent des têtes pour chez eux, d'autres, chasseurs depuis toujours, n'ont pas renoncé à leur "distraction", il leur en faut pour faire des lâchers, et mettre des beaux trophées aux murs. Tout ce que notre époque fait de dégueulasse aux animaux, ce futur le fait à des humains deshumanisés destinés à l'abattage.
Et puis ce monde sans animaux est triste à mourir. Plus de chiens qui aboient, plus de crottes sur les trottoirs, plus d'animaux sauvages dans le zoo désaffecté. le monde tel qu'il était depuis des millénaires n'existe plus. Un triste monde sans animaux, sans chiens, sans chats à nos côtés.
Par moments l'autrice pousse le bouchon très très loin, il me semble, et pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si c'était vraiment délirant d'imaginer ce qu'elle nous raconte. Car je pense que certains sont capables de démesure, que l'argent peut monter à la tête et laisser croire à ceux qui en ont trop que tout leur est permis. Des "maîtres du monde" qui disent et font n'importe quoi et nous amènent au bord du vide.
Ce roman m'en a évoqué deux autres sur ce thème, que j'avais beaucoup aimés aussi : Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message, et Macha ou le IVe reich de Jaroslav Melnik, qui avaient la même puissance horrifique et m'avaient donné un terrible sentiment d'extrême vulnérabilité face à la férocité de mes semblables ou au fait d'être devenus des proies. J'ai trouvé l'angle choisi par Agustina Bazterrica vraiment très malin. C'est un gros coup de coeur pour moi même s'il m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Un livre impossible à lâcher, jusqu'à la fin. J'aurais aimé qu'il dure beaucoup plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'en le lisant j'ai eu vraiment le sentiment que notre monde est encore beau, pour le moment, je me suis rendu compte de tout ce qu'on a à perdre et je l'ai trouvé encore plus beau. Hélas de moins en moins, et surtout, pas pour les animaux en général.
L'avantage d'écrire son billet plus de deux mois après avoir terminé un roman est de savoir ce qu'il nous en reste, ou pas. Et je peux dire que celui-ci, il m'en reste beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je suis encore scotchée par ce livre terrifiant, qui m'a en plus offert une fin surprenante et à laquelle je ne m'attendais pas du tout.
Nous sommes dans un monde proche du nôtre, cela pourrait se passer demain ou dans les décennies à venir (même si je ne l'espère pas).
Une épidémie aussi soudaine que dévastatrice a quasiment éradiqué tous les animaux de la planète, à quelques exceptions près. La population ne pouvant plus manger de viande sans risque, des "humains" sont élevés en bétail pour que d'autres puissent s'en sustenter. Plus que du cannibalisme pour survivre, cela devient une norme.
Un employé d'abattoir, ayant connu "l'ancien monde" et devant désormais évoluer avec cette nouvelle "nourriture", se voit offrir une "femelle". Alors qu'il est interdit de s'attacher à ces "créatures", sous peine de mort, il franchit peu à peu la limite.
C'est un roman qui glace le sang, à plusieurs niveaux.
Alors que je ne suis par particulièrement sensible aux descriptions horrifiques que je peux lire dans bon nombre de bouquins, n'ayant pas, par exemple, l'habitude de regarder sous mon lit si un monstre ne s'y cache pas, j'avoue que là certaines scènes, très visuelles, m'ont dégoûtée. Au point où je refermais le livre quelques secondes, avant de le reprendre aussitôt car j'avais très envie d'en connaître la suite. J'ai véritablement lu ce livre en apnée, ayant beaucoup de mal à le lâcher et y retournant dès que je le pouvais. Pourtant c'est très cru, très réaliste, j'avais l'impression de me retrouver spectatrice d'une mise à mort. Si l'auteure avait pour but de nous faire réfléchir sur la condition animale, sa souffrance bien entendu, elle y est parfaitement arrivée avec moi. Je ne vais pas devenir végétarienne pour autant mais je serai encore davantage raisonnée par rapport à ma consommation de viande.
Ce roman peut évidemment aussi être lu à plusieurs niveaux, je laisse à chacun la liberté de choisir lequel.
Je me suis vite attachée au personnage principal, parvenant à me mettre à sa place, jusqu'à un certain point. Et j'ai surtout admiré le tour de force final qui m'a laissée sans voix.
Enfin, s'agissant de la prose, je l'ai trouvée extrêmement maîtrisée, très sèche et très ronde à la fois, aussi précise qu'un coup de scalpel. Chapeau à la traduction aussi, n'ayant pas lu ce roman en langue originale.
En résumé, un livre que je ne peux que conseiller tout en mettant en garde les âmes sensibles. Il s'agit selon moi d'une dystopie assez originale et je ne pense pas que ce roman peut laisser indifférent, on aime, on n'aime pas, mais on a forcément quelque chose à dire dessus.
Et même si j'ai beaucoup aimé, si on en fait un film ou une série (cela s'y prêterait bien), cela sera sans moi, les images que je me suis créées mentalement auront largement été suffisantes.
Lu en février 2021
Après qu'un virus ait éradiqué la grande majorité des animaux sur Terre, les hommes exploitent une espèce unique, propre à la consommation. Il est interdit d'établir des liens avec ces humains d'élevage et pourtant, un homme qui travaille au sein de ces abattoirs va franchir l'inimaginable barrière...
Ce roman nous plonge dans la chair, le sang, les viscères sans préambule et sans œillère. L'horreur et le dégoût nous submergent, les choses sont présentées crûment dans un processus mécanique précis.
On se déplace dans un scénario de la mort, les yeux exorbités, la conscience étourdie. C'est visuel, hyperréaliste. On oppose ici un dogmatisme de masse, un enrôlement, à la sensibilité individuelle.
L'écriture est acide et projette sa capacité à nous heurter, nous bousculer. C'est extrêmement dérangeant, persuasif de quelque chose que l'on consent, et qui pourtant n'a pas sa place. C'est disséqué avec un sens accru de justesse.
"Personne ne doit plus les appeler "humains ", car cela reviendrait à leur donner une entité ; on les nomme donc "produit", ou "viande", ou "aliment". Sauf lui, qui voudrait n'avoir à les appeler par aucun nom."
On suit le parcours abîmé d'un homme qui a le sentiment d'avoir tout perdu, et auquel on accroche tous nos espoirs. On veut oublier l'univers clos, caché, les scènes d' une violence insoutenable. On frôle souvent l'indigestion avec ce roman d'anticipation qui pointe du doigt l'industrie alimentaire, l'exploitation du vivant.
Un récit dont on ne ressort pas serein : après cette lecture, vous ne verrez plus jamais la viande dans votre assiette, de la même façon !
J'ai ce roman depuis le mois de septembre dernier. Connaissant le sujet du roman, je ne voulais pas le lire avant les vacances de Noël, j'ai donc choisi de le lire pendant les vacances de février. Ce choix de période de lecture n'a aucun rapport avec l'actualité du moment, ce n'est qu'un pur hasard.
Tout d'abord et avant de commencer votre lecture de cadavre exquis, je vous dirais, « âmes sensibles, s'abstenir ». Car oui, beaucoup de passages sont difficiles à lire. J'ai fait la bêtise de lire un soir, à peine être sortie de table, j'ai bien cru que j'allais rendre mon dîner.
Pendant ma lecture et même après avoir terminé le roman, je me suis posée quelques questions : pourquoi, avoir écrit un roman sur ce thème-là ? Qu'est-ce qui a motivé l'auteure ? Je n'ai pas trouvé la réponse, mais de mon avis personnel, je pense que l'auteure cherche à nous avertir, à nous faire réfléchir sur nos actes et notre façon de vivre. Elle veut nous faire prendre conscience que nous devons changer. Je le répète, ce n'est que mon avis !!
Dans plusieurs passages, elle nous montre la façon dont sont traités ces humains réservés à la consommation humaine. Au début du livre, il y a même quelques pages qui décrivent les étapes de l'abattage (de l'arrivée du bétail au découpage des parties). Un autre passage, très difficile lui aussi, où l'on est dans un laboratoire où l'on fait des expériences de différentes sortes.
Et c'est là que je me suis rendu compte de 2 choses. D'abord, j'ai eu le sentiment que l'auteure voulais nous montrer ce que nous faisions subir à nos animaux. Et oui, sur des êtres humains, on se rend mieux compte de la souffrance, car on se met à la place de cette personne. Et la 2ème est plutôt une question, serions-nous capables d'en arriver là parce que nous ne pourrions pas nous passer de viande ? Pourrions-nous être des monstres, tel que dans ce roman ?
En tout cas, une fois que l'on a lu ce livre, on ne peut pas l'oublier !
Je trouve que ce roman nous fait réfléchir sur notre société et nous invite à nous poser des questions.
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