On aime... On vous en parle
Frappée de plein fouet par la crise, Détroit, berceau de l’automobile et partie prenante du rêve américain est aujourd’hui une ville fantôme. Longtemps fleuron de l’industrie automobile mondiale, la ville s’est transformée, la vie économique a déserté le centre-ville, les habitants sont partis et la nature reprend peu à peu ses droits.
Thomas B. Reverdy en a fait le décor de son dernier roman : « Il était une ville », publié chez Flammarion.
Après une mission ratée en Chine, Eugène, un J3C, jeune cadre à carrière courte, débarque à Détroit pour mettre en place le nouveau projet automobile de son Entreprise. Dans cette ville que John Ford rêvait éternellement prospère et qui fut l’un des joyaux de l’industrie automobile mondiale, Eugène va devoir se réinventer et créer le cadre qui permettra de faire émerger son projet. Le centre-ville et les zones industrielles de Détroit sont désertés, en friches. C’est pourtant là qu’il va s’installer, avec son équipe, dans un immeuble abandonné par la majorité de ses occupants.
Dans ce décor de fin du monde, le seul point de lumière pour Eugène, c’est le beau sourire rouge de Candice, la serveuse du Drive-in. Eugène va y prendre ses quartiers, y passer ses soirées. Puis il y a Charlie, abandonné par sa mère, élevé par sa grand-mère, dans ce quartier pillé par les voleurs, déserté par ses habitants. Et Bill, le copain de Charlie, pour qui Charlie ferait toutes les bêtises, qu’il suivrait au bout du monde. Et il va le suivre, ensemble ils vont dans « la Zone », là où se réfugient ces enfants que la croissance a laissés au bord du chemin, dans la "prairie des indiens", frères d’armes imaginaires dans cette Amérique des laissés pour compte. Enfin il y a l’inspecteur Brown, qui enquête sur les affaires non résolues. Car les vastes surfaces abandonnées de la ville en ruines sont propices aux mauvais coups et des enfants disparaissent mystérieusement.
L’habileté de Thomas B. Reverdy, c’est de nous emmener avec beaucoup de poésie dans le décor surréaliste d'une ville en perdition, fait de neige et d’hiver, de maisons en ruines et d’incendies dans la nuit, de gravats et de rouille, là où se délite le rêve de prospérité américain. Il nous montre la ville par le prisme de ses désespérés, des plus faibles, sans pour autant être misérabiliste et en restant porteur d’espoir. C’est un roman superbe, ponctué de phrases inoubliables et tellement réelles.
Ses personnages savent bien qu’ils survivent à la Catastrophe, parce que oui, « c’est Détroit, mon pote, Un putain de terrain de jeu ! » mais ils ont également compris que « l’avenir, même quand il n’y en a plus, il faut bien qu’il arrive ».
Alors j’ai envie de vous dire : courrez, avant que Detroit ne renaisse, découvrez sa solitude et son abandon, à travers les mots et les maux des personnages si réalistes et attachants de Thomas B. Reverdy.
"Il était une ville" est dans la sélection du Prix Goncourt 2015.
Le précédent roman de Thomas B.Reverdy, Les Évaporés, faisait partie de la sélection finale du Prix du roman Fnac, de la sélection du Prix Goncourt et de celle du Prix Décembre en 2014.
A travers le résumé et la vidéo de lecteurs.com, 3 éléments m'attirent pour découvrir ce livre :
- découvrir un auteur que je ne connais pas,
- qui est parti d'un lieu (qui plus est apparemment pas très engageant, Détroit ) pour créer son récit,
- et qui, de ce point de départ matériel et géographique, semble avoir tricoté une histoire humaine intéressante à découvrir, à travers le prisme de différents personnages habitant ce lieu (leurs vies, leurs personnalités, leurs valeurs ... dans "un monde très "brut" ").
Un programme bien intrigant !