En cette fin d’année, nous pourrions faire de cette revue de presse le marronnier glacé suprême : la liste des listes, quelque chose que Grégoire Delacourt ne renierait pas. Une liste de livres, les meilleurs, les plus commentés dans les journaux, le choix de telle ou telle rédaction, de quoi choisir ce qu’on va offrir à Grand-Mère, Tonton ou Petite Nièce sous le sapin. Mais nous ne sacrifierons pas à l’exercice.
Ou si peu. Nous ne nous occuperons que des français les plus influents d’après Vanity Fair. Vous y retrouverez à la première place des romanciers, mais en 21° au classement général seulement, Marie N’Diaye qui confie : « Quand mes livres sont traduits, j’ai l’impression que ce n’est plus tout à fait mon travail.» Vient ensuite Alain Mabanckou en 24° position qui, du Collège de France jusqu’à la presse, continue son oeuvre de défense de la langue française : «Le francais est une langue internationale. Un écrivain ne doit pas appartenir à une seule nationalité mais à ses lecteurs.» Enfin, un petit nouveau à la 47° place : Olivier Bourdeaut, l’auteur d’ En attendant Bojangles (ed Finitude) dont les droits ont été rachetés par pas moins de 33 éditeurs étrangers. Il revient sur son parcours de vie qui l’a fait passer d’ouvreur de robinet dans un hôpital à hauteur de best-seller : « Il m’est arrivé de dormir dans des voitures ou des cages d’escalier. Pour m’en sortir, je pensais aux magnifiques poignées de portes que j’achèterais un jour pour ma villa.» Peut-être est-ce parce qu’Olivier Bourdeaut est resté très jeune qu’il peut continuer à rêver, dans sa villa espagnole, à un deuxième best-seller.
Auquel cas, à la lecture de Transfuge, il devrait se reconnaître dans l’amorce de portrait que le journaliste fait de Witold Gombrowicz à travers ces questions préalables : « Vous êtes-vous déjà senti profondément immature ? Vous est-il déjà venu à l’esprit que les Adultes, autour de vous, étaient des imposteurs ? »A l’occasion de la parution d’un inédit, Kronos, chez Stock, le journaliste est parti dans la pampa argentine, à Tandil, où l’auteur polonais a vécu son exil et nous livre un reportage passionnant mêlant l’oeuvre à la découverte de la ville et de ses habitants. Gombrowicz qui « est l’inventeur d’une espèce d’existentialisme artistique, provocateur et grotesque », pose dans son oeuvre que « le jeune, fut-il intelligent et cultivé, est moins sage, moins fort, moins sûr de lui et presque toujours plus bête que l’adulte, ne serait-ce que par manque d’expérience : il ne pèse rien dans la société.» Mais il aspire, et c’est dans ses aspirations, ce devenir, que se fait sa réalisation.
Mais rassurons-nous, si le jeune a un poids dans la société, c’est bien sous le sapin que l’on va le trouver. Et le Figaro Littéraire qui consacrait un dossier à la littérature jeunesse ne s’y est pas trompé. Vous y retrouverez Timothée de Fombelle auteur de Tobie Lolness aux éditions Gallimard qui vous ouvrira les portes de son atelier : «La littérature jeunesse est particulièrement artisanale. Il faut que les histoires fonctionnent. Il y a une sorte d’humilité du texte romanesque pour la jeunesse. J’aime l’idée qu’il entre par effraction dans la littérature.» Vous découvrirez aussi la romancière Marie-Aude Murail, qui avec « Miss Charity » et Sauveur et fils, saison 2 à l’Ecole des loisirs a conquis le difficile lectorat des adolescents : «Les adolescents, dit-elle, aiment savoir ce qui relèvent de la réalité dans la fiction. Comme si lire de la pure fiction était une perte de temps. Ils ont un gros besoin de vérité.» Cette auteure aime citer Saint Exupery pour faire comprendre son oeuvre : « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. Mais peu d’entre elles s’en souviennent.»
Etre l’anti-Petit Prince, c’est ce que Stéphane Hoffmann, avec Un enfant plein d’angoisse et très sage (Albin Michel), nous propose. Pour Jérôme Garcin dans le Nouvel Observateur, « Stéphane Hoffmann est un grand enfant bougon qui écrit vite des livres insolents pour remplir le vide littéraire laissé par la disparition de Marcel Aymé, Valéry Larbaud et Paul Morand.» Antoine, jeune homme de 13 ans, délaissé par ses parents et recueilli par sa turbulente et rock’n roll grand mère Maggie, trouve que le Petit Prince est « un livre de lèche-cul » et s’applique donc à suivre le conseil de sa grand-mère : « Emmerde-les ! Tes parents sont des enfants gâtés. Des égoïstes. Ils ne pensent qu’à eux. Emmerde-les et ils penseront à toi. »
S’il en est un qui a décidé d’emmerder le monde, c’est bien le Grinch qui n’aime « RIEN du tout » et déteste Noël. Cette oeuvre du Dr Seuss a fait lire des générations d’Américains, au point que son auteur a reçut le Prix Pulitzer pour « sa contribution à l’éducation et au bonheur des enfants d’Amérique et de leurs parents» mais, elle était surtout réputée intraduisible. Mais c’était sans compter sur Stephen Carrière et les éditions du Nouvel Attila comme nous l’apprend Weronika Zarachowicz dans Télérama. Les courageux éditeurs se lancent « ainsi dans la publication de l’intégrale de l’oeuvre de l’écrivain-illustrateur, les petits français vont pouvoir se délecter du trait du Dr Seuss, de son univers extravagant où les poissons hurllulent et les enfants bada-bondissent dès que survient le polisson Chat Chapeauté». Il est donc temps de savoir «Comment le Grinch a volé Noël».
Et si vous-même vous vous décidiez alors à faire oeuvre de créativité, Le Monde des livres vous conseille un manuel pour ce faire : Le Zen dans l’art de l’écriture. Essai sur la créativité de Ray Bradbury aux éditions Antigone. Macha Séry nous y rappelle que l’auteur fut plus que prolixe : 500 nouvelles, romans, essais, poèmes et pièces de théâtre au compteur. L’auteur du célèbre « Fahrenheit 451 » y prescrit notamment : « Moins vous réfléchissez, plus vous écrivez, et plus vous êtes honnête. Avec l’hésitation apparaît la pensée. Et avec elle, la préoccupation du style, là où saisir la vérité au vol est le seul style qui vaille de risquer la mort ou de partir à la chasse au tigre. »
Si comme l’auteure de cette revue de presse, vous pensez que Noël ou la chasse au tigre, c’est un peu bonnet blanc et blanc bonnet, le magazine Elle vous a fait une sélection qui devrait vous permettre d’en finir avec l’organisation de cette fête : « De l’arsenic sous le sapin », titre ainsi Pascale Frey. P.D. James dont Les douze indices de Noël et autres récits (Fayard) sont à l’honneur dans cette sélection, disait : « La mort semble fournir à l’esprit anglo-saxon une source d’innocent amusement plus abondante que toute autre sujet. » Essayons-donc de survivre à Noël.
Et pour bien passer le cap de 2017, suivons Pierre Bayard, dont Julie Clarini nous parle dans « Le Monde des livres», et qui dans son dernier opus Le ‘Titanic’ fera naufrage chez Minuit, « développe précisément l’idée que la littérature ne s’inspire pas seulement d’évènements passés et présents, mais également à venir : elle est pleine de ‘traces annonciatrices’ ou même d’‘anticipations dormantes’ » L’auteur, avec l’humour qui le caractérise, nous propose de nous « résoudre à une conjecture : la réalité s’inspire de la littérature. » Aussi préconise-t-il que « les politiques prennent toutes les dispositions leur permettant d’interpréter avec rigueur les interprétations qui leur sont proposées ». Nous ne saurions mieux leur recommander que d’ores et déjà se préparer à la rentrée littéraire de janvier 2017. En vous souhaitant de bonnes fêtes, nous pouvons vous l’affirmer : pour lire l’avenir dans les romans de 2017, nous sommes prêts.
Bojangles est l'incontournable de l'année pour un bob motif : excellent