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"Les Choses humaines" de Karine Tuil - Rentrée littéraire

"Karine Tuil décortique avec intelligence la société, et s’ingénie à proposer une œuvre fictionnelle actuelle, âpre et brillante"

"Les Choses humaines" de Karine Tuil - Rentrée littéraire

Karine Tuil fait toujours partie du peloton de tête des rentrées littéraires, tant la critique, les libraires et les lecteurs sont attentifs à ses romans, toujours très ancrés dans l’effervescence d’une actualité.

Les Choses humaines est son onzième roman, après L’Insouciance (Gallimard) en 2016, et il fait partie de la sélection de la rentrée littéraire que nos Explorateurs ont pu découvrir.

Mylène, exploratrice, a eu un énorme coup de cœur, qu’elle partage sur lecteurs.com.

 

L'avis de Mylène sur Les Choses humaines, de Karine Tuil

Encore une fois, Karine Tuil réussit le tour de force de surfer avec intelligence sur la vague de l’actualité. Je redoutais d’ouvrir son nouveau roman, je n’ai pas été déçue !

Dans la famille Farel, il y a Jean, journaliste politique brillant mais vieillissant qui détient un carnet d’adresse de personnalités prestigieuses et influentes. Il y a Claire, sa jeune et belle épouse, essayiste très en vue et féministe convaincue. Enfin, il y a leur fils prodige Alexandre, jeune homme sensible, introverti qui suit des études brillantes dans une université américaine.

Tout semble être pour le mieux dans le meilleur des mondes dans le foyer des Farel, mais si on gratte un peu le vernis, celui-ci s’écaille rapidement.

 

On s’aperçoit que Jean tente désespérément de rester jeune, entretient une liaison adultère depuis des lustres et s’accroche à son fauteuil de présentateur d’émission politique malgré le jeunisme cathodique. Claire a quitté le foyer pour vivre avec son amant, simple professeur de confession juive et père de trois filles, Alexandre trimballe son mal-être et son désespoir amoureux sans trouver de réconfort auprès de ses parents overbookés par leur propre existence.

La vitrine est belle et chacun tente de sauver les apparences, de faire bonne figure. Jusqu’au jour où tout bascule, Alexandre, l’enfant chéri est accusé de viol, la machine médiatique s’emballe, Jean tente d’étouffer l’affaire et Claire ne reconnaît plus son fils.

En s’inspirant  cette fois-ci de la vague #balancetonporc et #metoo, en dénonçant la férocité des réseaux sociaux, l’auteur nous propose un roman terriblement incisif et impitoyable. Karine Tuil ne choisit pas la facilité avec une intrigue très ancrée dans la réalité et un sujet scabreux pour ne pas dire « casse-gueule ». J’avoue, j’étais plus que curieuse en entamant ma lecture de savoir comment elle allait se sortir d’une telle thématique.

Pour parfaire le tableau, j’ai trouvé que ses personnages suscitaient rapidement l’antipathie tellement ils sont caricaturaux, hors des réalités triviales du quotidien.

Mais Karine Tuil a l’art de finement disséquer ses personnages, d’évoquer sans filtre leur intimité, leurs failles, leur vécu, de révéler leurs travers sans jugement, de dénoncer leur perversité et finalement ses protagonistes deviennent excessivement humains et ils m’ont émus.

 

C’est parfois cru, souvent hyper réaliste et rien ne nous est épargné : les détails de l’agression, les comportements sexuels, l’ambition démesurée, la cupidité. C’est la grande force du style de l’auteur à mon avis, sa marque de fabrique ou plutôt sa marque d’écriture. Personnellement, j’aime cette plume tranchante et directe qui décrit sans concession et bouscule. En s’emparant d’un sujet aussi risqué et incandescent, Karine Tuil aurait pu se brûler les ailes ou du moins voir sa plume s’enflammer pour faire du sensationnel mais elle a su, de mon point de vue, garder le bon ton. Elle parvient intelligemment à ne pas s’enliser dans une intrigue mélodramatique poisseuse et nous offre une fin absolument fascinante et dérangeante qui amène à la réflexion. J’aime quand un livre me questionne et incite son lecteur à revoir ses positions et là, j’ai été servie !

 Décidément, livre après livre, Karine Tuil décortique avec intelligence la société, s’ingénie à proposer une œuvre fictionnelle actuelle, âpre et brillante. N’en déplaise à ses détracteurs, moi j’applaudis des deux mains et j'affirme : Quel talent !

 

Retrouvez toutes les chroniques des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2019 ici

 

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