Ce n’est pas un hasard si Karine Tuil arrive en tête de ce Palmarès de la rentrée avec Les Choses humaines (Gallimard), elle est depuis plusieurs livres un des auteurs préférés des grands lecteurs français.
S’emparant de l’actualité, et notamment des conséquences du séisme Metoo, elle travaille un roman qui raconte l’époque, de façon quasi naturaliste, dans la grande tradition du roman de société français.
Ce sont les explorateurs qui en parlent le mieux, quelques extraits de leurs chroniques pour faire jaillir les effets saillants du roman.
Dans la famille Farel, il y a Jean, journaliste politique brillant mais vieillissant qui détient un carnet d’adresse de personnalités prestigieuses et influentes. Il y a Claire, sa jeune et belle épouse, essayiste très en vue et féministe convaincue. Enfin, il y a leur fils prodige Alexandre, jeune homme sensible, introverti qui suit des études brillantes dans une université américaine. Tout semble être pour le mieux dans le meilleur des mondes dans le foyer des Farel, mais si on gratte un peu le vernis, celui-ci s’écaille rapidement.
On s’aperçoit que Jean tente désespérément de rester jeune, entretient une liaison adultère depuis des lustres et s’accroche à son fauteuil de présentateur d’émission politique malgré le jeunisme cathodique. Claire a quitté le foyer pour vivre avec son amant, simple professeur de confession juive et père de trois filles, Alexandre trimballe son mal-être et son désespoir amoureux sans trouver de réconfort auprès de ses parents overbookés par leur propre existence.
La vitrine est belle et chacun tente de sauver les apparences, de faire bonne figure. Jusqu’au jour où tout bascule, Alexandre, l’enfant chéri est accusé de viol, la machine médiatique s’emballe, Jean tente d’étouffer l’affaire et Claire ne reconnaît plus son fils. (…) Karine Tuil a l’art de finement disséquer ses personnages, d’évoquer sans filtre leur intimité, leurs failles, leur vécu, de révéler leurs travers sans jugement, de dénoncer leur perversité et finalement ses protagonistes deviennent excessivement humains et ils m’ont émus.
Dans le monde de l’après MeToo, Karine Tuil dénonce le machisme de notre société en s’inspirant de faits divers, en particulier du procès d’un étudiant accusé de viol à Standford, USA. D’une superbe écriture qui nous bouscule, elle analyse avec beaucoup de justesse les travers de notre société. Ce roman est si riche et complexe qu’il m’est bien difficile de le résumer en quelques lignes. J'ai trouvé ce récit criant de vérité. L’auteur ne juge pas mais décrit objectivement les faits. Ses personnages ne sont pas particulièrement sympathiques et cependant son récit est très attachant.
Dans ce roman plus concis que les précédents Karine Tuil situe ses personnages parmi l’élite : intellectuels et étudiants de haut niveau, hommes de pouvoir qui pensent que tout leur est permis. Il y a le père, Jean, un journaliste politique vieillissant accroché à ses émissions, le fils, Alexandre, si brillant qu’il plane au-dessus de tout son entourage et la mère, Claire, une intellectuelle féministe. Après un début assez lent pour bien introduire les nombreux protagonistes, tout s’accélère et un engrenage se met en route jusqu'à un point de non-retour où leur monde bien huilé s'écroule.
Reste surtout à savoir comment chacun va se diffracter et voir sa vie bouleversée par la violence du choc qui le touche directement ou indirectement. De Balzac, on bascule dans la tragédie grecque.
Et là, le roman prend une ampleur inouïe en brassant avec une acuité remarquable des thèmes terriblement contemporains « me too » - la question du consentement, du viol, de l’emballement médiatico-judiciaire – sans perdre de vue ses personnages et leur devenir. Tous sont d’une grande densité psychologique, mêmes les secondaires, toujours complexes, tour à tour attachants, détestables, lâches.
Le plus prodigieux est peut-être qu’il n’y a aucune leçon de morale, l’auteure suivant le principe « nemo judex in causa sua » ; lors du procès d’assise, car l’histoire ira jusque-là, elle narre les deux plaidoiries, partie civile et défense, sans à aucun moment prendre position. Le tout est bluffant car soi-même on a l’impression d’être assis dans le fauteuil du juge, comme si on écoutait chaque témoignage, comme si on voyait à la fois la victime et l’accusé. Et de là, toute la difficulté d’émettre un verdict, de porter un jugement. Un rythme qui va crescendo à l’image de toute la pression et du trouble qui peuvent envahir les cours de justice.
Et on redonne le mot de la fin à Mylène :
Décidément, lire après livre, Karine Tuil décortique avec intelligence la société, s’ingénie à nous proposer une œuvre fictionnelle actuelle, âpre et brillante. N’en déplaise à ses détracteurs, moi j’applaudis des deux mains et j‘affirme : Quel talent !
Mon intérêt pour le Goncourt des lycéens avait commencé dans les années 90 avec "le maître des paons" . Puis il y a eu, entre autres, le rapport de Brodeck, le domaine des murmures, Harry Quebert et l'histoire vraie de Delphine de Vigan. Inutile de dire que j'attends ce prix avec presque plus d'impatience que le Goncourt et donc, cela me ferait infiniment plaisir de découvrir la cuvée 2019.
Merci de nous tenir au plus près de cette si intéressante actualité littéraire.
Un livre qui est sur ma liste bib. L'attente sera longue car bcp de demandes
Je l'ai vu en interview à la grande librairie et cela m'a donné envie de découvrir son livre(de même aussi grâce à cette très bonne critique) .L'auteure a passé de nombreuses heures au tribunal pour savoir comment se passait un procès pour rester au plus proche de la réalité.
Merci pour les chroniques et bravo à cette auteure que je lirai avec grand plaisir
Je suis toujours en découverte quand il s agît de famille a decouvrir le sujet perso il est hyper intéressant pour moi cela me plait beaucoup j aimerais bien decouvrir se livre