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Etre la plus petite. Suivre le carnaval. Courir après les sauterelles vertes. Avoir un tigre à soi. Voir les Chinois grands. Savoir sa mère malade. Quitter son premier pays. Perdre son prénom. Etre trop colorée, être trop blanche. Aimer la guerre et les fleurs. Se promener sur la plage en dormant. Perdre son deuxième pays. Gagner sa vie. A travers le portrait d'une enfant éprise de liberté dans la Guyane et la Martinique d'autrefois, la question de l'identité qui traverse tous les livres de l'auteur prend enfin les couleurs de sa propre créolité délavée.
Dubitatif quant à la mention "Du même auteur" qui accompagne ses livres, Philippe Annocque répond cependant quand on l'appelle par son nom. Ses papiers le disent né en 1963. Depuis presque une vingtaine d'années, l'oeuvre de Philippe Annocque dessine une orbite elliptique autour de la question de l'identité, qu'elle aborde sous des faces diverses. Chez Quidam, il est notamment l'auteur de Liquide, Monsieur le comte au pied de la lettre, Pas Liev, Elise et Lise, Seule la nuit tombe dans ses bras.
Un texte singulier fait de fragments de souvenir et qui interroge la mémoire.
Un texte qui ne manque pas de poésie ni de tendresse.
En fait il ne souffre d'aucun défaut si ce n'est de ne pas m'avoir touché.
Je suis passée à côté car sans doute trop intime pour que je me sente impliquée.
« C’est l’histoire d’une traversée. » C’est l’histoire d’un chef-d’œuvre. Retenez à jamais « Les Singes rouges » entre vos mains. Ce récit se relit mainte fois, à chaque fois, la même impression de ce rare perlé, de ce rythme quintessence, panoplie hyperbolique d’un futur. Cette lecture est une rencontre inestimable avec une trame fabuleuse (en plus sublime), à la Durassienne. Philippe Annocque est un auteur de génie. « Les Singes rouges » est un classique à l’aube née. L’écriture chorale, chuchotée est levant. « L’écriture des singes rouges, qui traversaient le fleuve, ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l’océan. Voilà, c’est pourquoi il a écrit cette phrase inaugurale. » Philippe Annocque est ce « Il » qui écrit. Passage d’une rive à l’autre. Il reçoit un appel téléphonique à 4h36. La litanie élève son chant. Nous sommes dans l’intériorité, ce microcosme invisible dont la gravité est galet, l’heure lourde et risquée. Les mots sont des chapelles. On pleure tant ce récit est la somme des rappels. Ce qui arrime la force des vivants, de ceux qui savent franchir le point d’alliance. Les souvenirs ressurgissent. L’appel téléphonique est l’écho. Nous sommes en plongée dans les images, reflets de la vie de « Il » et de cette enfant qui est la sienne avant l’heure et dans celle d’après. Et c’est beau, poétique et émouvant. « Car pour lui, avant sept ans, Martinique et Guyane étaient à peu près synonymes. C’étaient les noms des pays lointains et différents, l’enfance de sa mère. Les écoles n’y étaient pas en pierre meulière. Les arbres de la cour n’étaient pas des tilleuls élagués. C’était un ailleurs, un ailleurs à deux noms. » L’idiosyncrasie est une toile de maître. Picturale source, où l’on foule les terres chaudes, l’exotique dépaysement, toute cette avancée méticuleuse, soignée, subrepticement murmurée par « Il » dans cette remontée des temps, des années, des jours et des émois. « A l’école, la plupart des enfants sont des Bosch. C’est comme ça qu’on appelle les descendants d’esclaves africains qui se sont échappés dès leur arrivée en Guyane. Les descendants des premiers nègres marrons. » « La nuit on entendait les singes rouges. » Ce récit est la magistrale attitude d’une carte postale qui ne jaunit pas. Celle qui relie les sens, les essences, les souvenirs, dans une nostalgie de velours, quasi mémorielle. « Toutes les histoires ont leur géographie. » Cette phrase si pavlovienne : « Alors peut-être que ça fait sens » est une ode, l’épiphanie des grandeurs. « Les Singes rouges » est culte, un livre des splendeurs. « Il » ne le sait pas. Ses mots de modestie sont des cartographies. « Ses » Singes rouges : une chaîne générationnelle pays des chevelures emmêlées, l’enfance en porte-voix. « Ce n’était plus une jeune femme. Elle était déjà grand-mère depuis plusieurs années. C’était encore une petite fille. » « Les Singes rouges » est un hommage à la Mère, à la vie, au plein de la nuit de 4 h 36. Une référence ! Publié par les majeures Editions Quidam éditeur.
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