Les conseils de lecture fleurissent !
L'histoire du gardien du musée de Téhéran, un homme seul face à la menace des religieux fanatiques qui a réussi à sauver 300 chefs d'oeuvre d'art moderne, le trésor de l'Impératrice des arts.
Printemps 1979, Téhéran. Alors que la Révolution islamique met les rues de la capitale iranienne à feu et à sang, les Mollahs brûlent tout ce qui représente le modèle occidental vanté par Mohammad Reza Pahlavi, le Chah déchu, désormais en exil.
Seul dans les sous-sols du musée d'Art moderne de Téhéran, son gardien Cyrus Farzadi tremble pour ses toiles. Au milieu du chaos, il raconte la splendeur et la décadence de son pays à travers le destin incroyable de son musée, le préféré de Farah Diba, l'Impératrice des arts. Près de 300 tableaux de maîtres avaient permis aux Iraniens de découvrir les chefs d'oeuvre impressionnistes de Monet, Gauguin, Toulouse-Lautrec, le pop art d'Andy Warhol et de Roy Lichtenstein, le cubisme de Picasso ou encore l'art abstrait de Jackson Pollock.
Mais que deviendront ces joyaux que les religieux jugent anti islamiques ? Face à l'obscurantisme, Cyrus endosse, à 25 ans à peine, les habits un peu grands de gardien d'un trésor à protéger contre l'ignorance et la morale islamique.
Les conseils de lecture fleurissent !
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1967 : Cyrus entre dans l’adolescence lorsque le Roi et la Reine d'Iran deviennent Empereur et Impératrice. Ses yeux fascinés brillent presque autant que les ors impériaux qu'il découvre à la télévision.
1977 : Cyrus entre au service du musée de l'Impératrice. Cette dernière brigue une place de choix dans le monde de l'art international. Elle a missionné son cousin, Kamran Diba, pour constituer la meilleure collection d'art moderne et contemporain du monde, espérant ainsi relier l'Occident et le Moyen-Orient à travers l'Art. Mais le peuple gronde en constatant les dérives du pouvoir et les dépenses insensées faites au détriment de la population.
1979 : L'empire est reversé par le révolutionnaire islamiste Khomeiny. De chauffeur-livreur-manutentionnaire, Cyrus devient conservateur des oeuvres impies, au sens noble du terme. Il fera tout son possible pour protéger les toiles considérées comme dangereuses par le nouveau régime.
J'ai été intriguée par l'histoire de ce gamin des bas quartiers qui réussit à s'élever culturellement, intellectuellement et spirituellement grâce à une collection d'oeuvres d'Art aussi fabuleuse que déraisonnable. Ce musée qui l'a accueilli un peu par hasard deviendra son refuge dans cette époque si troublée.
J'ai beaucoup appris sur l'Iran et le Moyen-Orient des années 1970 (je pars de très loin à ce sujet). Le faste de l'empire auquel succède la morosité de l'islamisme est déconcertant. D'autant que dans tous les cas, ce sont les populations les plus modestes qui en pâtissent inévitablement...
Malheureusement, j'ai été un peu déçue par le style et le rythme du roman.
Le style d'abord : l'écriture journalistique très factuelle a le mérite de présenter clairement le contexte de la création du musée puis de la dissimulation forcée des oeuvres. Autre avantage : la simplicité du style en fait une lecture plaisante et rapide malgré les horreurs traversées. En revanche, ce phrasé ne laisse pas beaucoup de place à l'émotion. Malgré quelques tentatives fugaces de prose plus littéraire, voire poétique, je n'ai pas été emportée par l'écriture autant que je l'espérais. Je suis restée à distance des personnages pourtant exceptionnels (Cyrus, mais aussi Lauren, Donna Stein et Azadeh), qui m'ont semblé un peu factices malgré leur réalisme objectif.
Le rythme ensuite : l'autrice s'attarde sur certains moments et passe très rapidement sur d'autres, "sautant" plusieurs années entre deux chapitres (surtout à la fin). Il s'agit certes de choix éditoriaux, mais cela a renforcé mon sentiment de "mise à distance".
Il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'un récit important, qui témoigne d'une époque clé dans les événements internationaux qui suivront. Stéphanie Perez nous livre sa vision de reporter occidentale du XXIieme siècle sur la situation Iranienne de la fin XXième siècle. Les bouleversements culturels et religieux successifs sont aussi déstabilisants que troublants du point de vue de l'impie occidentale que je suis. Stéphanie Perez, en excellente journaliste-reporter, a travaillé son sujet tant sur la forme que sur le fond pour nous proposer un ouvrage très instructif. Je ressors de cette lecture enrichie de quelques connaissances artistiques et culturelles, qui m'aident à mieux comprendre cette partie du monde.
1979, c’est la révolution dans les rues de Téhéran, celle que l’on appellera plus tard la révolution islamique, mais celle que les jeunes et les iraniens de la rue de cette époque pensaient être la révolution tout court. Celle qui allait les débarrasser du Cha des Chas, de l’empereur Mohammad Reza Pahlavi, descendant d’une lignée millénaire de souverains de l’empire Perse.
Cyrus a 23 ans. Lassé des petits boulots qui permettent à peine de les faire vivre, lui et sa mère, il se dirige vers le tout nouveau bâtiment qui va abriter le musée d’art moderne voulu par la Chabanou. L’impératrice Farah Pahlavi a souhaité que l’Iran se dote d’un musée digne des plus grands, et a fait acheter les plus belles toiles d’artistes contemporains et modernes disponibles sur le marché à cette époque. Picasso, Andy Warhol, Lischtenstein, Jackson Pollock, Paul Gauguin, Francis Bacon, mais aussi Mark Rothko, Claude Monet ou Vincent van Gogh, Salvador Dali, Max Ernest Chagall et Degas. Tous les grands noms des maîtres de l’art sont réunis ici en quelques années.
Cyrus va devenir le chauffeur discret et efficace qui récupère ses toiles inestimables à leur arrivée sur le territoire pour les convoyer jusque dans les sous-sols du musée. Peu à peu, ce monde qu’il ignorait totalement va le séduire et lui apporter bonheur et sérénité. Côtoyer les œuvres des grands maîtres est comme trouver son paradis, entrer dans un Havre de paix inaccessible et intime. Chaque jour dans son carnet à couverture de cuir noir, il prend des notes, écoute, observe, tente de comprendre ce qui le bouleverse autant dans l’art. Mais chaque jour aussi à l’extérieur la révolution gronde.
Bientôt renversé par les mollah, le Chah prend la fuite et l’ayatollah Khomeini quitte son exil français à Neauphle-le-Château pour arriver vainqueur et conquérant en Iran. Pourtant, si la révolution des Imams n’est pas celle voulue par le peuple, il faudra bien courber l’échine, voiler les femmes, respecter les règles strictes.
Et qui dit révolution dit destruction en masse et sans aucun esprit critique de ce qui était. Ici, ce ne sont pas forcément les têtes qui tombent, quoi que le sang coule à flot dans les rues de Téhéran, mais ce sont les symboles qui sont anéantis. En particulier tout ce qui représente l’occident et les États-Unis. Plus de cinéma, de musique, de couple marchant dans les rues en se tentant les mains, plus question de boire un verre ensemble. Plus d’alcool, d’éducation pour les filles, de travail pour les femmes, tout est réduit, contrôlé, interdit.
Cyrus sait bien que la prochaine étape sera la destruction des œuvres inestimables qui peuplent le sous-sol du musée. Toutes ces toiles, ces sculptures, mises à l’abri des regards dès les débuts de la révolution et que plus personne à part lui n’a plus jamais revu. Gardien fidèle et silencieux, droit et incorruptible, il protège le trésor mieux qu’il ne l’aurait fait de la propre vie.
J’ai aimé découvrir les détails de cette incroyable histoire, la vie de Cyrus, sa fidélité sans faille au respect et à la sauvegarde d’un patrimoine universel. Qu’il est bon de savoir que les œuvres ont été sauvées et qu’aujourd’hui encore elles se trouvent pour la plupart dans la cave du musée. Même si elles sont considérées comme impropres à être contemplées par un peuple qui se conforme aux règles strictes d’une religion d’état plus terroriste qu’aimante.
Le roman n’est ni trop fastidieux ni trop léger, les explications sont données mais l’intrigue romanesque est malgré tout présente. Grâce à cela c’est l’assurance d’une lecture agréable et intelligente. Qu’il est rassurant de savoir que plus de quarante ans après le trésor est toujours là. Qu’il est profondément regrettable malgré tout de savoir qu’une grande partie du monde est toujours privée du plaisir de le contempler.
https://domiclire.wordpress.com/2023/06/05/le-gardien-de-teheran-stephanie-perez/
Dès l’avertissement, le lecteur/la lectrice sait que « Le gardien de Téhéran » est un roman inspiré d’une histoire vraie, biographie romancée d’un musée et de son gardien, dirais-je.
C‘est un livre précieux pour qui se demande comment tout a commencé car il évoque l’histoire proche de l‘Iran et décrit avec le même soin l’ampleur du mouvement révolutionnaire ainsi que l’inéluctabilité des évènements qui ont marqué ce pays au cœur de l’actualité depuis près de 50 ans.
Sans nier le fossé (ou plutôt le cratère…) entre quelques très très riches et l’immense majorité des très très pauvres, « Le gardien de Téhéran » revient aux prémices d’une révolution menée contre le Shah et son choix d’occidentalisation à marche forcée pour vaincre la pauvreté et l’obscurantisme.
L’auteure décrit aussi l’exaspération des Iraniens qui se réfugient dans la religion et obligent leurs femmes à porter le voile, sans masquer l’ambiguïté de ces Iraniennes qui se voilaient en réaction à la modernité imposée par le monarque tout-puissant.
Elle fait également bien comprendre l’horreur que provoquent chez les mollahs les toiles de Monet, Dali, Chagall, Degas, Picasso, Warhol, Lichtenstein, Pollock, Gauguin, Bacon, Van Gogh et autres Rothko, qu’ils rangent dans la catégorie d’art dégénéré.
Outre ces qualités historiques, « le gardien de Téhéran » est bien écrit, plaisant et facile à lire ; sans compter que, et ce n’est pas son moindre intérêt, Stéphanie Perez montre avec brio et sans que cela ne soit jamais pesant, l’art agissant comme un vecteur d’émancipation sur une personne (le fameux gardien du titre) initialement à mille lieux des préoccupations artistiques. De là à en faire une vérité universelle, il n’y a qu’un pas !
Merci à l’équipe des 68 1ères fois pour cette aventure de livres voyageurs et ses chouettes découvertes (celle-ci par exemple).
Un titre intrigant, une couverture qui résume très bien ce texte.
J'ai beaucoup apprécié ce texte romanesque mais qui parle de faits réels et d'histoire récente d'un pays, l'Iran.
Nous sommes avec un jeune homme, des quartiers populaires de Téhéran, qui a l'opportunité de travailler dans un musée, d'abord chauffeur, chargé des transports des œuvres puis gardien. Nous sommes sous le règne du Shah, en 1977. Il règne sur son pays comme un despote, flambe et a une vie d'empereur, avec des fêtes grandioses même si son peuple meure de faim. Avec sa femme, il organise des fêtes somptueuses et invite le monde entier. Farah est férue d'art et elle décide de créer un musée d'art moderne et donne carte blanche pour l'achat des œuvres. Un musée va être construit, des conservateurs vont être embauchés (en particulier, le portrait d'une jeune américaine qui trouve un poste prestigieux et qui va pouvoir sillonner les salles d'enchères pour acheter des chefs d'œuvre et une autre jeune femme iranienne qui elle va être chargée de la conservation). L'auteure décrit très bien cette atmosphère, pendant les travaux de ce musée, la constitution de la collection.
Mais c'est la chute du Shah et l'avènement de l'ayatollah Khomeiny et la société va changer mais notre vaillant gardien du musée va veiller sur cette prestigieuse collection, enfouie dans les réserves (de belles pages dans les réserves ont été caché les tableaux). Car ces chefs d'œuvre sont alors considérées comme des "œuvres du diable".
Stéphanie Perez, par le romanesque, nous raconte l'histoire de l'Iran, de la société, du monde de l'art. Elle part de faits réels et grâce à des personnages touchants et de belles descriptions, elle nous transporte dans ce pays, avec de belles descriptions de Téhéran, des scènes terribles de répression (un touchant portrait de la petite voisine, qui aurait tant aimé s'émanciper, grâce à un appareil photo), et des descriptions de ces tableaux (car paradoxalement Farah avait bon goût et le musée de Téhéran a des Renoir, des Pollock (clin d'œil au texte de "au sol" de Charlotte Millandri), des Bacon (récentes lectures sur ce peintre avec Haenel et Maylis Besserie) et Andy Warhol (des chapitres sur sa venue à Téhéran pour faire le portrait à la Marilyn de Farah !).
68premièresfois 2024.
#LegardiendeTéhéran #NetGalleyFrance
1979, Téhéran. Poussés par le vent révolutionnaire gonflé de toutes les peurs, de toutes les frustrations, de tous les mécontentements d’un peuple usé par trop d’injustices, deux avions se croisent dans le ciel iranien. L’un mène vers l’exil la famille honnie du Chah, l’autre ramène du sien celui qui porte tous les espoirs de ces hommes et de ces femmes en colère : l’ayatollah Rhomeini. Mais, loin d’alléger la chape de plomb et d’angoisse qui pesait sur leurs épaules, c’est un épais voile noir qui s’abat sur les Iraniens, tressé des interdits et des impératifs d’un islam à la rigueur dépourvue de lumière. Quelle place reste-t-il à la culture et à la curiosité de l’autre dans cet Iran qui s’étrique sous des règles sans humanité ni nuances ? Cyrus, jeune homme sensible et discret se fait le témoin de ce monde qui change, passant d’une violence à une autre. D’abord simple convoyeur d’œuvres d’art découvrant par hasard un univers de beauté et de connaissances, il devient le gardien dévoué d’un trésor dont il devine puis mesure l’ampleur et l’impérieuse nécessité qu’il y a à la protéger de l’obscurantisme afin de pouvoir, un jour peut-être, l’offrir à nouveau aux yeux du monde.
En ces jours troubles où l’Iran reprend une place prépondérante dans l’actualité, j’ai trouvé très intéressante l’idée de Stéphanie Pérez de nous replonger dans l’un des moments de bascule de ce pays, source de tant de fantasmes. A la lecture de ce texte, m’est revenu le souvenir d’un autre récit, passionnant, touchant, Les passeurs de livres de Daraya, de Delphine Minoui, mémoire d’un autre régime imposé dans la violence, d’une autre culture sacrifiée sur l’autel du fanatisme. Peut-être est-ce le souvenir de la très forte émotion soulevée alors qui a rendu plus fade celle de cette nouvelle lecture ? Peut-être l’impression que ce récit hésite trop à prendre parti entre roman et documentaire ? Si la lecture du Gardien de Téhéran m’a été agréable et très instructive, la plume de Stéphanie Pérez restituant avec assurance le déroulement de ces heures historiques, elle a cependant peiné à susciter, malgré le personnage de Cyrus auquel on la sent attachée à rendre hommage, autre chose qu’un intérêt purement intellectuel, ce qui, avouons-le, est déjà formidable !
Deux ans avant la chute du Shah d’Iran et à l’instigation de l’impératrice Farah Pahlavi soucieuse de promouvoir les relations culturelles de son pays avec l'étranger, est inauguré à Téhéran un musée abritant la plus vaste collection d’art moderne et contemporain jamais rassemblée en dehors de l’Occident. Monet, Toulouse-Lautrec, van Gogh, Derain, Picasso, Dali, Rothko, Pollock, Vasarely, Warhol... : la fortune inouïe des Pahlavi a permis de réunir un trésor artistique inestimable, qu’en 1979, la Révolution iranienne et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny menacent directement. Alors que la rigueur islamiste s’abat sur le pays, que vont devenir ces œuvres, jugées choquantes et décadentes par le nouveau régime qui vomit l’Occident ?
Seul à n’avoir pas fui, un jeune et modeste employé du musée, qui, avant d’en devenir le factotum, n’avait jamais eu le moindre contact avec l’art, endosse la lourde et dangereuse responsabilité de leur sauvegarde. A force de ruses, il parvient à détourner l’attention des religieux fanatiques et à maintenir les tableaux dans l’oubli des sous-sols de l’institution, qui, désormais aux mains d’un comité révolutionnaire, n’expose plus que des œuvres de propagande glorifiant les martyrs du soulèvement. Il faut attendre 2017 et l’approche d’élections présidentielles en Iran, pour qu’une partie de la collection – intacte, grâce à son ange-gardien improvisé, si ce n’est le portrait, irrémédiablement lacéré, de l’impératrice par Andy Wharol – commence à retrouver le grand jour et les cimaises du musée.
Grand reporter à l’international et spécialiste des conflits du Moyen-Orient, Stéphanie Perez connaît bien l’Iran. Les difficultés posées par la réalisation d’un reportage sur cette histoire vraie l’ont poussée à la travestir en roman et à faire apparaître le véritable gardien du musée iranien sous les traits d’un personnage de reconstitution. Marqué par une patte néanmoins très journalistique dont on pourra regretter l’écriture et la trame narrative malgré tout assez plates, le récit suit scrupuleusement le déroulé historique des faits pour en dresser un tableau d’une parfaite clarté.
De la montée de la rage populaire – quand, entre misère et terreur redoutablement entretenue par la police politique, les Iraniens observent le luxe tapageur dans lequel baigne le pouvoir et se scandalisent de réformes déconcertantes menant brusquement le pays vers une modernité à l’occidentale – à l’espoir de changement porté par les représentants d’une certaine tradition religieuse, puis aux désillusions d’une nouvelle dictature encore plus violente que la précédente, l’on vit avec les personnages la fatalité d’une privation de libertés qui trouve ici son acmé symbolique dans le sort incertain d’un patrimoine artistique d’une valeur inestimable pour l’humanité tout entière, mais aussi dans la résistance humblement héroïque d’un homme ordinaire jeté au coeur de la mêlée, frappant écho à l’actualité insurrectionnelle iranienne.
Récit de l’incroyable destin d’un héros ordinaire, ce premier roman retrace quarante ans d’une histoire iranienne dont s’écrit peut-être, aujourd’hui, un nouveau chapitre décisif. Au coeur des enjeux de pouvoir et des combats pour la liberté, deux symboles cristallisent toujours les tensions autour de l’obscurantisme : les œuvres d’art et les femmes. Si les trésors du musée de Téhéran ont commencé à retrouver la lumière, les Iraniennes tentent toujours de se débarrasser du voile que leurs grands-mères avaient d’abord revêtus en signe de dissidence et de défiance au régime de leur époque.
« Le gardien de Téhéran » de Stéphanie Perez (grand reporter à France Télévisions) est un livre marquant, je m’en souviendrai longtemps.
C’est l’histoire du gardien du musée d’Art Moderne de Téhéran qui se donne la mission de protéger des œuvres inestimables, jugées anti-islamiques par les religieux au pouvoir en Iran.
Ce roman, tiré de faits réels, est passionnant et tellement d’actualité.
Je vous le recommande chaudement.
Il a sauvé le musée de Téhéran
Stéphanie Perez a délaissé le grand reportage pour retracer la vie de Cyrus Farzadi, un homme du peuple devenu un héros national en œuvrant pour la sauvegarde du musée d'art contemporain de Téhéran.
Tout commence par la fête de couronnement du Shah d'Iran en octobre 1967. Non, tout commence avec l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny en mars 1979 et la mainmise des islamistes sur le pouvoir. À moins que cette histoire ne débute vraiment en 1977 avec l'inauguration du Musée d'art contemporain où travaille Cyrus Farzadi. Engagé comme chauffeur pour transporter les œuvres des artistes contemporains internationaux et iraniens, il s'est pris de passion pour ces œuvres et pour ces artistes dont il ne sait rien ou si peu. Il est avide de savoir et ne manque pas une occasion de connaître l'histoire d'une toile, le parcours d'un peintre, la place qu'il occupe dans le monde de l'art.
Il se lie notamment d'amitié avec le directeur du musée et avec Donna Stein, l'américaine mandatée par la Shahbanou pour dénicher les plus belles œuvres. Un travail qu'elle mènera à bien avec zèle et grâce aux revenus du pétrole. Des collections privées aux grandes ventes chez Sotheby's, elle parviendra à mettre la main sur des œuvres des impressionnistes et sur les grands artistes contemporains tels que Rothko, Jackson Pollock ou encore Andy Warhol. Ce dernier fera même le voyage de Téhéran et réalisera, comme il l'a fait avec Marilyn Monroe une série avec la riche mécène comme modèle. L'histoire raconte que ce tableau sera lacéré par les gardiens de la Révolution lorsqu'ils ont investi les propriétés du Shah.
Car si l’argent coule à flots, la population gronde contre ces fastes dont elle ne peut récupérer que des miettes. «Qom, Tabriz, Mashad, Ispahan. Après un démarrage timide dans les provinces au début de cette année 1978, les manifestations grossissent de semaine en semaine. La révolte est en marche, la clameur de la rue enfle, encore et encore. Depuis son exil irakien, l’ayatollah Khomeiny appelle à renverser le souverain vendu aux États-Unis, le vieil imam barbu a rassemblé une armée de mollahs qui fait se lever les mosquées. Son portrait sévère domine certains cortèges. La religion face à l’insupportable ostentation, le Coran contre le bâillonnement.» Le fruit est mûr, il va tomber.
Après la fuite du Shah et l’intermède Chapour Bakhtiar, l'ayatollah Khomeiny débarque dans la liesse populaire. Et c’est avec ce changement de régime que le destin de Cyrus Farzadi va virer à l'épopée héroïque. Le directeur du musée a aussi pris la poudre d’escampette, si bien qu’il se retrouve seul en possession des clés et du code de la chambre forte ou ont été déménagées à la hâte les œuvres prestigieuses, à commencer par celles de Francis Bacon et d'Auguste Renoir, déjà condamnées par le nouveau régime. «De lui dépend le sort de 300 tableaux de maîtres occidentaux, inestimables, témoins de leur époque et menacés par l’obscurantisme. Une collection unique au monde, en danger depuis qu’un religieux au turban noir a mis la main sur l’Iran. À 25 ans, Cyrus endosse les habits un peu grands de gardien d’un trésor qu’il faut protéger à tout prix contre l’ignorance et la morale islamique, et il est saisi de vertiges.»
Stéphanie Perez, qui a ressemblé une solide documentation, raconte alors les épisodes qui ont transformé Cyrus en héros et permis la sauvegarde de ces chefs d'œuvre. Des épisodes pleins de rebondissements que je vous laisse découvrir. Cette page méconnue de l'histoire de l'art contemporain est aussi l'occasion d'une réflexion sur le pouvoir et sur l'envie émancipatrice de tout un peuple. Une aspiration à la liberté qui peut conduire à de nouveaux drames et un obscurantisme qui fait aujourd'hui encore des ravages.
Ce roman, qui se lit comme un thriller, vient aussi nous rappeler que la soif de culture et l'émotion ressentie face aux œuvres d'art peuvent déplacer des montagnes. La passion devient alors un moteur très puissant.
https://urlz.fr/n0aH
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