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Le roman d’Iegor Gran aurait pu démarrer comme suit : « Dieu aurait pu se contenter de créer l’homme à son image. Mais, en bon schizophrène, il n’a pu s’empêcher de lui faire aussitôt un croche-pied en lui offrant ce foutu libre-arbitre. » (Romano Celli).
Ainsi, l’auteur nous emmène dans une double voire triple aventure.
Nous démarrons la lecture avec José, le personnage principal, accompagné de Cécile sa petite amie, deux jeunes adultes de la génération Y remplis d’ambitions avec chacun leur définition.
Il y a tout d’abord l’ambition du Lego : elle se construit au fil du temps, suivant une logique et un plan tout tracé. C’est le cas de Cécile, jeune femme ambitieuse travaillant au sein d’une galerie de photographie.
A l’opposé il y a l’ambition du Playmobil qui est plus sauvage, plus aventurière. Et bien sûr José se situe plutôt dans cette dernière, il va là où le vent le porte, là où il renifle l’opportunité. Doublement diplômé, il ne se voit pas devenir une ressource humaine, il a une plus grande ambition notre José : il veut devenir le nouveau Mark Zuckerberg ! Mais en attendant il faut bien gagner un peu sa vie alors il bosse au sein d’une société de réparation informatique, un métier sans passion. Quand il ne travaille pas, il flaire les bons plans et a son petit commerce : les fèves ! Ça fonctionne super bien la vente des fèves, enfin… seulement auprès d’une niche.
Cette non-projection professionnelle va vite exaspérer Cécile qui lui reprochera son manque de maturité et d’ambition.
Mais, et si un écrivain procrastinateur venait à s’intéresser à lui ? L’auteur lui-même entre en scène, et étudiera notre personnage principal en vue d’un nouveau roman. Sa présence va ainsi bousculer l’électron libre qu’est José et faire s’entrecroiser les ambitions, car il n’est pas rare que le Lego se mêle au Playmo et inversement.
Parallèlement à cela, nous changeons littéralement de décor et partons pour le néolithique à la rencontre de Chmp et sa femme U. Ces deux ancêtres de José et Cécile vivent dans une période faite de chasse et de cueillette. Mais la vie nomade de cette tribu va se voir bouleversée lorsque U et le reste du peuple vont vouloir se sédentariser tandis que Chmp souhaitera perpétuer les traditions jusqu’à trouver la « pierre percée » (le Graal) se terminant en un terrible drame.
Iegor Gran nous offre à travers L’ambition un roman singulier, à la cruauté légère où les maux de la génération Y sont mis en exergue : une génération paumée, qui d’une part refuse de suivre les modèles sociaux et d’autre part cherche la stabilité à tout prix. Tout cela au sein d’une période qui connaît le chômage et dans laquelle le trop plein de diplômes nous rend inemployable.
Il porte également un regard critique sur sa propre personne à travers son rôle au sein du roman. Bien que courte, sa présence a toute son importance pour l’évolution du récit.
Nous évoluons ou plutôt nous voguons au sein de deux époques très éloignées et qui pourtant se rejoignent en un point central : celui de bousculer les conventions. Deux périodes remplies de rêves et d’attentes, où le «toujours plus » fait corps avec le « toujours mieux » et où se contenter de suivre gentiment le droit chemin est ennuyeux et insuffisant.
L’auteur décortique l’Homme de façon sociologique et presque scientifique et c’est ce qui est fascinant dans ce livre : c’est un roman oui, mais non dénué de messages pour son lecteur.
L’écriture est légère et s’accompagne d’une ironie douce et cruelle à la fois.
D’ailleurs un détail a éveillé ma curiosité au sein de la période liée au néolithique : l’auteur fait référence à deux artistes Pcss et Mtss. A la lecture, je n’ai pu m’empêcher, peut-être à tort, d’y voir des clins d’œil portés à certains artistes du XIXe siècle qui ont influencé leur époque : Pcss serait-il Picasso, et Mtss serait-il Matisse ? Ou leurs ancêtres ?
En tout cas, on ressort de cette lecture en se disant : « et si finalement, malgré les siècles, rien ne changeait totalement ? ». Etant pile dans cette génération Y, je me suis de très nombreuses fois identifiée aux personnages de José et Cécile, oscillant entre ces deux ambitions qui bien que différentes nous caractérisent toutes les deux.
Ce n’est pas une lecture coup de cœur, mais c’est assurément une œuvre « coup de cerveau » qui nous amène à philosopher sur notre évolution, notre libre arbitre et sur ces désirs qui régissent nos vies.
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