Entretien avec Nicolas Richard, traducteur du roman "Les Vies de papier" de Rabih Alameddine (éditions Les Escales)
Entretien avec Nicolas Richard, traducteur du roman "Les Vies de papier" de Rabih Alameddine (éditions Les Escales)
Aaliya Saleh a soixante douze ans et les cheveux bleus suite à une mauvaise utilisation de son shampooing. Ancienne libraire, elle vit seule dans son appartement au cœur de Beyrouth où elle traduit, pour son propre plaisir, ses auteurs favoris selon un rituel bien établi. Femme indépendante, elle n’a jamais cédé aux carcans de la société libanaise. Aaliya se remémore un certain nombre de souvenirs, de sa jeunesse à aujourd’hui, avec une pointe de nostalgie mais non sans humour.
Les vies de papier fait partie de ces romans dans lesquels on plonge avec délectation et dont on émerge avec difficulté. C’est une ode à la littérature, mais aussi à la liberté et un chant d’amour pour un pays en guerre et meurtri.
Le personnage d’Aaliya est attachant et on la suit avec plaisir dans ses déambulations au cœur de Beyrouth et de ses souvenirs tantôt mélancoliques, comme par exemple lorsqu’elle se souvient de son amie Hannah, tantôt plus drôles comme lorsqu’elle évoque la relation avec sa famille ou ses voisines. Le roman est plein de remarques très justes sur les relations amicales, familiales, sociales. Et si Aaliya vit seule, entourée de ses livres, on ne sent jamais chez elle la moindre aigreur mais bien au contraire plutôt une grande bienveillance même si cela ne vaut pas dire une grande naïveté.
Si la vie ne l’a pas épargnée, Aaliya a su conserver sa liberté sans jamais céder aux injonctions de sa famille, de la société ou aux commérages, construisant sa vie autour de la littérature et assumant d’avoir été quittée par un mari dont elle ne garde pas un souvenir mémorable. Elle jette un œil à la fois empathique mais sans concession sur ses contemporains mais aussi sur sa propre vie, ses choix ou ses manquements.
L’auteur se glisse avec délectation dans la peau de cette femme septuagénaire, qui ne cache rien de sa vie et de ses sentiments et qui rempli sa solitude de littérature. C’est un magnifique roman qui donne envie de découvrir l’œuvre de ce merveilleux conteur.
Beyrouth, dans les années 2010. Aaliya, 72 ans, vit seule depuis son divorce il y a près de 50 ans. On pourrait dire d’elle qu’elle n’est pas très sociable puisqu’elle ne fréquente personne, même pas ses voisines qu’elle a surnommées le groupe des sorcières.
Aaliya a une passion : les livres. Elle leur a consacré sa vie en tenant une petite librairie. Elle a aussi un rituel : tous les 1er janvier, elle choisit le roman qu’elle va traduire en arabe. Oh, ce n’est pas pour qu’il soit publié ensuite, c’est juste pour son plaisir.
D’ailleurs, elle a sacrifié la chambre de bonne pour pouvoir y entasser tous les cartons contenant ses traductions, un par roman. Sa salle de bains est en passe d’être elle aussi totalement envahie. Comme l’on voit parfois des vieilles femmes entourées de nombreux chats, Aaliya ne peut vivre qu’entourée de ses chers romans qu’elle lit indifféremment en français ou en anglais.
Outre l’amour de la littérature qui est le fondement de ce roman, l’auteur nous initie à la vie de Beyrouth (la ville fait figure d’un personnage à part entière), notamment en nous donnant des indications sur ce qui s’est passé pendant les années de guerre, mais également en révélant les fondements et les travers de la famille libanaise.
Pour qui aime la littérature, ce roman est une ode à cet amour et à tous les merveilleux moments que l’on peut passer en compagnie d’un livre.
Une lecture qui nous plonge, à la fois dans une biographie et un conte. Un conte des temps modernes avec une plume chantante, déstabilisante. Une intrigue qui court sur plusieurs décennies pour nous raconter la dérive humaine. Mais cette dérive a le goût des mille et une nuit. Imaginez-vous devant un bon feu avec un auteur qui vous raconte une histoire. Rabih Alameddine, est un conteur.
Le temps d’une nuit, dans la salle d’attente d’un hôpital psychiatrique, Jacob, poète d’origine yéménite, revient sur les événements qui ont marqués son enfance dans un bordel égyptien, son adolescence sous l’égide d’un père fortuné, puis sa vie d’adulte homosexuel à San Francisco dans les années 1980, point culminant de l’épidémie du sida.
On s’imagine lire une énième biographie, mais c’est là où le talent de l’auteur nous entraîne, dans un conte fantastique. En effet, Jacob n’est pas seul : Satan et la Mort se livrent un duel et se disputent son âme, l’un le forçant à se remémorer son passé douloureux, l’autre le poussant à oublier et à renoncer à la vie.
Le plume est d’une rare érudition et je dois dire que cela fait du bien, j’ai eu l’impression de relire un des auteurs classiques que j’ai pu affectionner. Alors oui, c’est beau, c’est même poétique, mais je me suis parfois ennuyée. Le mélange entre saga familiale, biographie, plume poétique, ironie, a parfois eu du mal à trouver grâce à mes yeux. Alors que les éléments pris un par un étaient d’une grande saveur.
Les chapitres s’alternent entre souvenirs de Jacob, discussions entre la mort et le diable et le présent dans la salle des urgences de l’hôpital.
L’auteur décrit avec justesse, la communauté homosexuelle de San Francisco ravagée par le sida pendant les années 80. Jacob, révèle une personnalité meurtrie par la mort, de ses amis et de l’amour de sa vie, emportés par la maladie. L’impossible oublie, qui permet d’accepter la mort. L’oublie qui permet d’apporter la paix à Jacob lui est refusé par Satan, qui se dispute avec la Mort qui ne souhaite que le soulager. Enfin le soulager surtout pour avoir son âme. Chacun se disputant cette âme meurtrie, que la vie a meurtrie.
D’une certaine manière, l’auteur tente un éclairage sur les désillusions que nous rencontrons, oblige son lecteur à une certaine introspection, à se demander comment lui a fait face à ses monstres.
Un roman ambitieux, original, qu’il n’est pas aisé d’aborder. Malgré une lecture chaotique, je garde un sentiment agréable dans son ensemble, mais avec des passages à vide où je suis restée à la périphérie de ce conte moderne.
Beyrouth, la guerre, les livres, un roman plein d'érudition sur le statut de la femme au Liban et de son évolution au vingtième siecle.
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