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"Le Dit de Tianyi" pourrait paraître un titre pompeux tant notre conception occidentale du "Dit" nous ramène à des épopées asiatiques rocambolesques ("Le Dit du Genji" par exemple). Ici, pas de rocambolesque alors que les évènements le sont sans ambages tant le style est doux, comme susurré, presque dénué d'affects bruts pour aller vers une poésie au long court, avec une sorte de fatalisme.
La première partie m'a particulièrement intéressée pour la vision de la société chinoise des années 30 et la moitié des années 40 entre la tradition, la guerre, la volonté de changement de la jeunesse. J'avais l'impression parfois d'avoir des résonances avec "Eloge de l'ombre" de Jun'ichirō Tanizaki, c'est-à-dire cette capacité de communiquer tout un mode de vie et de pensée qui nous sont étrangers en nous les animant devant nos yeux par une associations de mots fluides, donnant une clarté au propos et à l'instant.
La deuxième partie pourrait nous paraître plus familière car en France mais c'est un Paris inconnu pour ma génération (fin des années 40 et années 50) ainsi que l'observation d'un étranger en Occident.
La dernière partie, est le retour de Tianyi en Chine qui est complètement figée par les barbelés de la pensée et du régime communiste, ce qui lui vaut d'aller en camps de rééducation.
Je n'ai pas pu lire ce livre dans la foulée. Il m'a fallu de longues pauses (en jours), tant il est riche et nécessitant une grande concentration pour s'enfermer dans le texte et se laisser porter. Si le "laisser porter" est possible dans les 2/3 de la première partie, cela n'est plus vraiment possible pour la suite car le découpage en chapitres correspond à un découpage de thèmes très variés. L'état d'esprit du protagoniste est particulier aussi, empreint de taoïsme si j'ai bien compris, avec une sorte de distance fataliste à tout ce qui lui arrive.
99 Quatrains suivis d’une postface de Daniel-Henry Pageaux
Je n’ai pas dû avoir la légèreté et la disposition d’esprit pour apprécier ces quatrains, même si on retrouve certaines permanences de Cheng et / ou une dimension objective de la proximité avec la mort. Une lecture un peu mécanique donc ; ce qui est le comble pour de la poésie. Les quatrains sont aussi répartis entre quatre parties :
1. Aux vivants et aux morts
2. A la vie d’ici
3. Au divin
4. En créant au sein de la Voie
D.H.Pageaux dans sa postface donne toutefois quelques précisions (y en avait-il besoin ?!) :
• Cette « Suite orphique » est présentée comme « la rencontre - ou le dialogue – de deux passions du poète François Cheng : l’une pour la forme poétique particulière, le quatrain, genre majeur dans l’antique tradition chinoise …, l’autre pour Orphée, figure mythique du poète dans la culture gréco-latine, puis occidentale, associée très tôt à une autre figure, celle du Christ. … » p 121
• De l’importance de l’amour filial / amour maternel ;
• …
Mais quand même quelques quatrains … :
La mort qui rend tout unique est l’unique accès
A la transformation. Face à elle, on laisse tout,
Gardant seul ce que Dieu même ne peut remplacer :
L’amour inachevé d’une âme singulière.
Quatrain 23 p 33
J’aime la profondeur, l’intériorité des textes de François Cheng. Elu à l’Académie Française en 2002, il n’a appris le français qu’à l’âge de vingt ans. Quel parcours !
Né en Chine d’une famille de lettrés, François Cheng arrive en France à l’âge de vingt ans. Son œuvre reflète ses influences, chinoises et occidentales.
A la faveur de l’obscurité de la nuit, François Cheng nous parle et se raconte, car qui mieux que lui-même pour sonder son âme ?
« Qui dire notre nuit
Sinon nous-mêmes ?
Nous qui touchons hors nous le non-voir
Nous portons le non-dire »
Les souvenirs affluent ainsi que les voix des absents, les saisons et les chants de l’enfance. On y trouve une nostalgie où s’engouffre par moment une certaine fureur.
Ce chemin constellé
Tu le prolongeras
Malgré vents et rosées
Enfant de ma mémoire
De ce côté l’automne
A enfoui son secret
En toi le temps s’envole
Fou d’appels d’oies sauvages. »
Faut-il penser à notre fin, lorsque l’oubli sera là ?
« Ceux qui viennent de la nuit
A la nuit retourneront
Vaste est l’obscur
Pur l’oubli. »
Les phrases de François Cheng sont empreintes de spiritualité. Tour à tour, il dit « nous » ou bien invoque une présence supérieure. Ce mysticisme s’exprime dans l’abandon et la franchise.
« Parle nous
Pour que notre voix
Jaillie d’un été trop bref
Fonde enfin le royaume. »
En tournant la dernière page de ce recueil, je suis sortie de cette nuit intérieure sans inquiétude et apaisée.
Une belle écriture qui sait atteindre l’intime.
La Chine au 17ème siècle. Un homme regarde une femme promise à un Seigneur. Ce dernier les ayant surpris, il s'arrange pour que l'homme soit banni. Il s'agit de Dao-sheng qui 30 ans plus tard, revient pour retrouver celle qu'il a aimé, lao-ying.
C'est alors qu'un amour plus grand encore va naître, un amour pourtant platonique. Ils n'ont même pas besoin de se parler pour se comprendre et s'entendre. Ils savent qu'ils seront liés l'un à l'autre pour l'éternité.
L'écriture est poétique. le récit est lent, langoureux. Un moment de sérénitude aussi pour le lecteur.
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