Sophie Thozet, de la librairie Transparence, à Albi, vous présente ses coups de coeur du moment.
Longtemps, il a cru que Provins était le seul bout de monde possible. Aujourd'hui encore, Dominique A reste hanté par sa ville natale. Il se souvient de son enfance en noir et blanc, de sa rencontre timide avec la musique. Nostalgique d'un passé un peu âpre, il essaie d'accepter le lien bancal avec ce lieu qui lui ressemble. Pourquoi ne peut-il s'empêcher d'y revenir ?
Dominique Ané, connu en tant que chanteur sous le nom de Dominique A parle de son enfance, de sa vie jusqu'à son adolescence à Provins. Une ville qui le hante qu'il hait puis qu'il ne déteste plus tant que cela. Un rapport très particulier à sa ville de naissance qu'il analyse et écrit dans ce petit livre.
En tant que Nantais, j'avais l'habitude de dire que Dominique A était de chez nous. Erreur totale, puisqu'il est né à Provins et arrivé à Nantes en pleine adolescence, sur les coups de quinze ans. Disons pour nous consoler, nous autres Sud-Bretons, que le chanteur s'est essayé dans les salles de la ville et des alentours avant de connaître la notoriété. Dans ce livre, il revient sur ces années d'école, de collège, sur ses fréquentations, ses peurs liées à la ville de Provins. De fait, ce qui pourrait être un texte très personnel est aussi assez partagé (à moins que nous ne soyons que nous deux à avoir vécu ce genre de questionnements). Je n'ai pas vécu à Provins, je ne connais cette ville que de nom (j'ai même appris que son maire était Christian Jacob, ce qui perso ne m'incite pas vraiment à aller me rendre compte sur place), mais beaucoup des tourments, des interrogations de D. Ané enfant puis jeune homme font écho en moi. Par exemple, le sentiment d'être un peu à part, isolé (ce qui pour le coup me paraît être universel) ou encore ce passage obligé par la piscine que je peux reprendre à mon compte (je pourrai même écrire pire, tellement ce fut une épreuve pour moi) :
"Je ne sais pas nager, et le plongeoir s'ouvre devant moi comme sur un gouffre. Le maître nageur éloigne la perche, et me fait replonger jusqu'à extinction des larmes. Je sors de la piscine avec une rare sensation de délivrance, et l'idée que la vie normale peut reprendre ses droits pendant deux semaines." (p.36)
Je subodore qu'on s'entendrait bien également sur la véritable épreuve que fut le service militaire, car immédiatement après cet extrait, il écrit : "Cette expérience a le mérite de m'enseigner ce qu'implique d'être un homme. Je vois se profiler le service militaire, menace lointaine, comme une séance de natation en continu."
Tout petit livre de 94 pages, très bien écrit, nostalgique, autobiographique c'est-à-dire vraiment très personnel qui finalement peut parler à tout le monde des liens que l'on crée avec les autres mais aussi avec les lieux que l'on fréquente. Je finirai par une phrase de Kazuo Kamimura -ça fait classe, hein, de citer un auteur japonais, pas vraiment connu (enfin pas connu de moi puisque c'est Dominique Ané qui le cite dans son livre et que K. Kamimura est un auteur de manga, genre littéraire que je ne maîtrise pas du tout)- qui colle parfaitement au propos de l'auteur :"Ce qui marque le plus une personne, ce ne sont pas tant ses expériences passées que les paysages dans lesquels elle a vécu." (phrase citée p.77).
Dominique A est donc provinois et non nantais. Tant pis, je l'aime bien quand même. Son bouquin est bien, ses chansons excellentes et son dernier concert à Nantes restera un souvenir très fort pour Madame Yv et moi
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