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Hubert Garden est chargé de faire respecter les consignes et procédures de sécurité dans une société de travaux public.
Son quotidien : s'assurer que ses ouvriers portent les tenues adéquates, que ses chefs de chantiers n'embauchent pas en douce des clandestins, que les conducteurs d'engins emploient les bon matériels au bon moment. Un job largement dans les cordes de cet ingénieur surmené, à la vie privée un peu chaotique et morose. Sauf que les accidents se succèdent sans qu'il y puisse grand-chose. Est-ce sa faute si un grutier utilise une sangle hors norme qui en rompant sous la charge écrase un ouvrier ? Est-il responsable de l'éclatement d'un pneu fatal au chauffeur d'un trente huit tonnes ? Oui, décrète injustement son supérieur, qui le punit d'une mutation infamante. Hubert va se retrouver technicien, confiné au siège. Adieu le poste de cadre et le salaire qui lui permet de faire construire son home sweet home.
Et le dévoué mais bientôt ex-responsable de la sécurité d'entamer une croisade mortelle visant à faire couler cette boîte ingrate.
Le délégué syndical est la première victime d'une longue liste de sacrifiés sur l'autel de sa vengeance. Empoisonnement, réglages faussés de machines, sabotages, meurtres. rien ni personne ne peut l'arrêter. Chacun de ses forfaits est un crime absolument parfait, maquillé en accident du travail. Cette succession d'assassinats aura-t-elle une fin ?
Une grosse entreprise du BTP et l'effet boomerang comme dans "le dîner de cons", car d'entrée de jeu Yvan Robin n'a pas l'intention d'assommer ses lecteurs avec la misère du monde qu'est devenue l'inhumanité des entreprises et leurs hierarchies pyramidales qui font de chaque employé un pion et non un être humain digne de confiance et de professionnalisme.
Donc au lecteur de plonger dans la danse, celle du jeu de massacre sur l'air de la danse macabre de Camille Saint-Saens...
Hubert Garden a pour job de faire respecter les procédures de sécurité mais ne pouvant être sur tous les chantiers à la fois, son rôle est plutôt de faire en sorte que chaque accident ne soit imputable à la "boîte" et pour cela il ne recule devant rien, c'est le "Monsieur Propre" du BTP.
Mais voilà les accidents se multiplient et Hubert dont la particularité physique : les ongles rongés jusqu'au sang, en dit long sur son état psychologique, est sur la sellette et un siège éjectable.
Il est épuisé, se remet en question encore et toujours, sa vie personnelle va mal, plus apte au quotidien car son entreprise c'est une pieuvre qui l'a pris dans ses tentacules et qui le serrent à l'étouffer en prenant tout son temps.
Yvan Robin nous présente cette situation en trois actes, comme au théâtre.
Le premier acte plante le décor et nous voyons la situation d'Hubert se dégrader et nous assistons à la "fracture" qui s'effectue dans son psychisme.
L'absurdité du fonctionnement de certaines entreprises est bien décrite notamment la construction hiérarchique des hautes sphères et les objectifs fixés, qui changent constamment et ne sont pas réalisables.
La perte de contrôle du salarié qui subit cette dégradation permanente jusqu'à ne plus avoir les idées claires, ne plus savoir, ne plus être...
Le deuxième acte met l'accent sur sa situation personnelle et entre en scène sa femme qui elle aussi a des problèmes: incapacité à procréer, difficultés d'un boulot d'aide-soignante pénible etc...
Et cet acte là me gêne car il tend à donner à ce couple une image de "looser", ce qui n'est pas la majorité des cas de "burn out", où celui qui subit cet effondrement total se replit sur lui-même, il en dit le moins possible à son entourage, par honte, désespoir et bien d'autres sentiments qui se mêlent dans une confusion extrême.
Le plus souvent l'entourage est stable et solide, même s'il subit les influences de cette dégradation, là l'auteur prête à son personnage des difficultés autres : enfance d'un mal aimé, un mariage pas très réussi qui le fragiliseraient.
Sa femme n'est en rien le réconfort dont il a besoin, et leur vie sociale est inexistante...
Pour moi cette partie est le maillon faible de cette histoire car elle tend à discréditer le syndrome d'épuisement professionnel.
Le troisième acte: la fracture est totale, Hubert est passé des troubles "normaux" de l'épuisement : difficultés à se lever, à se préparer, à entrer dans l'entreprise, à avoir le minimum de relations correctes avec ses collègues au plongeon inexorable.
Il devient différent de ce qu'il est, différent de ceux qu'il cotoie et indifférent aux mille signaux que la vie lui envoie.
Son cerveau enregistre les faits sans les appréhender ni rien ressentir, la dichotomie est avérée.
"Il n'y a rien à comprendre, répétait Hubert à voix basse" est-ce-bien sûr?
Ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire est-ce la sagesse?
C'est un roman noir sur un phénomène social de plus en plus important et pas suffisamment reconnu, Yvan Robin a une belle plume avec un vocabulaire soutenu et il sait parfaitement jongler avec le burlesque.
A lire sans oublier que la réalité est bien plus dure que ce roman.
@Chantal Lafon de Litteratum Amor 23 septembre 2016
Travailler Tue , Yvan Robin chez Lajouanie
" Tu vas finir par crever, ou Dieu sait quoi . C'est pourtant pas ton genre de mourir . Ça te ressemble pas . Tu es un gagnant. Un battant . Un vivant .Si les bords de la mort sont comme ceux du lavabo tu dois pouvoir en faire le tour, sans glisser dans le siphon. Respire.Voilà .T'es plus un gosse, bon sang."
Hubert Garden est employé d'une boite de travaux publics. Il doit veiller à ce que les procédures de sécurité soient respectées quitte à contourner les règles comme le dit si bien ce vieil adage.
"Il subissait une pression de tous les instants, digne d’un harcèlement moral caractérisé."
Malgré son travail acharné, les accidents se succèdent et son supérieur lui fait miroiter le placard s'il n'atteint pas "Zéro accident "
"Les risques-ci . Les risques-là. Des risques à ne plus savoir qu'en foutre."
Le travail c'est la santé, ne rien faire c'est la conserver.....
À la limite du burn-out, il entreprends une nouvelle bataille. Il devient un nouveau soldat et part en guerre à sa façon contre l'ingratitude de cette boite.
"Depuis l'enfance, oppression parentale, oppression sociale, oppression scolaire, oppression professionnelle. La liste était plus longue que ces trains de marchandises qui sillonnent les campagnes."
Sa femme, également au bord du pétage de plombs, l'accompagnera sans se douter des lourds secrets que lui cache son homme, elle-même en plein bilan sur sa vie.
"Les heures passaient-parfois les jours-et son mari refaisait surface. À la manière d'un cadavre qui remonte, après avoir visité le fond. A croire que lui aussi, il avait ses secrets."
Ce roman aurait tout aussi bien pu s'appeler: "Chroniques de Burn-out annoncés”. À travers ce récit cynique et décapant, nous accompagnons ce couple, monsieur et madame tout le monde, dans leur vie quotidienne et professionnelle avec une réalité surprenante.
Qui de nous n'a jamais subit de harcèlement au boulot, ou fait un petit bilan sur sa vie, avec ensuite une envie de tout foutre en l'air. Seulement on n'a pas le choix, faut avancer, survivre coute que coute, et continuer à croire que ça va s'arranger.
Yvan Robin réussit à mettre des mots sur nos maux, avoués ou enfouis...
Avec humour noir, il dépeint admirablement le monde du travail manuel, le patronat, les obligations de faire toujours mieux pour remplir davantage les poches de ceux-ci. Ceux-là même qui vous tourneront le dos aux moindres pépins. Sous tension en permanence, l'être humain souffre, mois après mois jusqu'à l'explosion....
Un roman social, brutal, réaliste, parfois dérangeant, intriguant. Un roman noir qui éveillera en vous questionnement et rébellion contre ce système aussi pourri qu'il parait.
c'est tellement ça, c'est tellement vrai, et c'est tellement bien écrit, bien transcrit, ce malaise ambiant...une histoire qui m'a touché pour m'y être reconnue parfois, et qui me conforte dans mon choix d'avoir quitté ces entreprises à faire du fric sur mon dos, et à créer la mienne avec le choix d'y travailler seule à ma façon. Je travaille pour vivre, je ne vis pas pour travailler, car n'oublions pas :
TRAVAILLER TUE !
Encore une sacré découverte de la maison d'édition Lajouanie qui nous réserve de belle surprise, ici encore, "Roman pas policier mais presque".Pas d'enquête, pas de flic, pas de témoin, mais un suspense intense ...Yvan Robin rejoint cette écurie d'auteurs aussi diversifiée que sur un champs de courses en route vers les podiums. Qu'on se le dise ...
Et prenez le temps de lire, trop TRAVAILLER TUE ! Pensez-y .
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