"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Demain. Quelque part dans la jungle urbaine. Il ouvre les yeux. Se lève. Y a du boulot... "Avez-vous consommé ? " Il contemple l'hologramme aux lettres criardes qui clignotent dans la cuisine sans parvenir à formuler la moindre pensée. "Souhaites-tu du sexe oral ? " La question de sa femme l'arrache à sa contemplation. Il réfléchit quelques secondes avant de refuser la proposition : il a déjà beaucoup joui cette semaine et il n'a plus très envie.
Sans oublier que le temps presse. Sa femme lui demande de penser à lui racheter une batterie nucléaire. Une Duracell. Il hoche la tête tout en avalant son bol de céréales Weetabix sur la table Microsoft translucide qui diffuse une publicité vantant les mérites d'une boisson caféinée Gatorade propice à l'efficacité. Il se lève, attrape sa femme, lui suce la langue pendant de longues secondes, puis enfile sa veste Toshiba - son sponsor de vie - et se dirige vers la porte.
Dans le ciel encombré, sur les façades des tours, sur le bitume, ou simplement à hauteur d'homme, des milliers d'hologrammes se déplacent lentement au gré de courants invisibles dans les artères des monades grouillantes. Il est flic. Section des "Crimes à la consommation", sous-section "Idées". Veiller à la bonne marche du monde, telle est sa mission - je dépense donc je suis. Autant dire que la journée promet d'être longue...
Quelle idée de lire ça en vacances, c’était très bien mais plombant.
Dans un futur proche, la clé de voute de la société est la consommation pour ne pas dire la surconsommation. Dans ce monde, « tout » est permis tant qu’on participe à l’économie et qu’on n’a aucun loisir « gratuit » (ballade en forêt, regarder le ciel, bavarder avec autrui…). Les personnages n’ont plus aucune identité, ils sont nommés par le nom de l’entreprise qui les sponsorisent. On suit Toshiba, un policier de la brigade de la fraude à la consommation et ses réflexions sur son état qui n’est pas joyeux malgré le fait qu’il « a tout pour être heureux ». On a tout ce que la société de consommation poussée à l’extrême peut donner. C’est oppressant, flippant, malsain et pose plein de problématiques. Dans ce monde, consommer est synonyme d’être libre et la combinaison de faire ce qu’on veut, de gros pouvoir d’achat, de technologie et de liberté donnerait le meilleur système possible.
Tout est dans la manipulation des foules. Chacun est noyé dans un bonheur artificiel consumériste pour ne pas avoir à penser et à se poser des questions. Il n’y a plus de débats seulement du divertissement de plus en plus crash et la publicité est omniprésente. On pousse même jusqu’à avoir un algorithme pour calibrer les livres de sorte à toucher le plus grand nombre. Celui-ci permet de doser action, sexe… et le résultat est particulièrement beurk. Cette vision extrême de la consommation et de la société centrée sur la consommation est difficile à lire car on voit très vite qu’on n’est pas si loin de ce monde. Juste une mise en garde, le héros est marié avec une femme robot et la façon dont il l’a traite est problématique donc si la maltraitance est un sujet sensible pour vous, n’y allez pas.
'Bonheur TM' fait partie d'une trilogie futuriste pouvant se lire indépendamment. Dans ce roman, Jean Baret nous plonge dans un univers qui n'est pas si éloigné du nôtre, où la consommation est devenue obligatoire. Les personnages ne s'identifient même plus par des prénoms mais par leurs sponsors de vie, comme c'est le cas pour les deux protagonistes principaux "Toshiba" et "Walmart". Ces derniers appartiennent au service de répression des fraudes en tant que chasseurs d'idées et on les suit à travers leurs journées répétitives. Cette répétition est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne mettrai que trois étoiles. D'un côté, cela nous permet de parfaitement appréhender le décor dans lequel évoluent les personnes vivant dans cette société, où la démocratie est poussée à son extrême. Mais d'un autre côté, on en perd le fil de l'histoire, et on se retrouve à contempler des journées similaires les unes aux autres à quelques détails près, témoins muets de la lente plongée en enfer des protagonistes. Je n'arrive donc pas à décider si ce style de rédaction, composé également de nombreuses listes d'énumérations (par exemple "Walmart sort un sachet de pilules , des petites, des grosses, des plates, des bombées, des rondes, des carrées, des friables, des solides, des vertes, des jaunes, des rouges, qu'il gobe une par une"), est des plus ingénieux ou non. L'univers créé par l'auteur Jean Baret est remarquable d'inventivité, et nul doute qu'il pourrait donner lieu à des adaptations cinématographiques. Cependant la substance de l'histoire, que l'on peut au final résumer en quelques lignes, semble légère comparée aux détails foisonnants caractérisant ce futur dans lequel chacun peut choisir d'être qui il veut tant qu'il continue à consommer : transhumain, pur, cyborg, furry, punk, goth, transexuel, homme d'affaire... Quoi qu'il en soit, ce roman reste agréable à lire tout simplement par la découverte de cette société extrême.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !