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«C' est une drôle de chose l' écriture. Quand je lis Testimony de Charles Rezniko , je sais. Je sais que c' est là que je veux aller. Je veux tenter l' expérience du poète américain mais pas à partir d' archives. Je veux me rendre dans un tribunal. Je veux assister à des procès. Je veux frotter l' écriture à cette réalité. Je veux capter des paroles, travailler des voix, des histoires. Je veux comprendre ce que disent ces procès de notre société.
J'ai entamé ce travail. J'ai suivi des procès en correctionnel au Tribunal de Grande Instance de Nantes de septembre à décembre 2013, en janvier et juin 2014 pour essayer d'approcher ce qui se cache derrière les violences, les faits divers.
A ce travail, d'autres ls se sont mêlés, inattendus, personnels, ceux d'un père en marge, dont la vie chaotique a trouvé des échos dans celles des prévenus, au fur et à mesure des procès. Et si c'était là l'objet de toute cette démarche initiale ? Tenter de comprendre un père impossible en me faisant témoin d'autres vies, essayer de faire se manifester une vérité parmi d'autres possibles ?».
Sophie G. Lucas
Essentiel, lucide, « Témoins » est un devoir de mémoire. Écrire et rassembler l’épars. L’écho du tribunal des cœurs, hommes et femmes encerclés dans l’épreuve du jugement sociétal.
Bien au-delà d’une écoute fidèle, Sophie G. Lucas collecte la parole, la résonance des échoués, lames de fond intestines dans un corps à corps dans cette instance emblématique avec les accusés, les victimes. Retenir les mots sur les maux, perles de pluie, sueur sur un front pâle et ridé. Les repentirs, nuages qui filent vite dans le ciel des regrets. Les mauvaises directions, le pas de côté qui vacille. D’aucuns sont ici pour un face à face avec le poids de la honte, des regrets et des conséquences.
Dans ces jours où Nantes et son Tribunal de Grande Instance de Septembre 2013 à Janvier 2014 se love dans ces pages. Les témoignages, la sociologie d’une société blessée dans sa chair.
Les faits divers, les violences, les meurtrissures, les petits vols et les grandes combines. Tous content et arriment leurs existences au fil d’une enfance parfois cabossée, chaotique, sans références parfois de paternité et de maternité loyale et de tendresse vêtue.
« Tout seul je bois pas. Je veux bien des soins. Ne m’envoyez pas en prison sinon je perds mon appartement. Tout sera à recommencer. Demain c’est noël. Faites-moi une fleur. »
Sophie G.Lucas ne lâche rien, pas un battement de cil, un message subliminal , coup de maillet, elle recueille les mouvements des lèvres, les chuchotements, pressent et coopère au pragmatisme et à l’exactitude. Ici, c’est l’enjeu de la droiture, du jugement implacable, des compassions et des peines venues d’un autre temps, de l’ancienne heure où tout était encore possible.
Sophie G. Lucas tisse sa propre histoire au fronton des dires, des idiosyncrasies et des diktats. Elle retrouve son père, l’alter égo des jugés, l’homme tache d’encre, n’assumant pas d’être père, trahi par ses faiblesses et ses appels des sirènes. Ici, s’élève la résilience, l'amnistie qui se murmure à voix basse. Comprendre pour enfin renaître en fille de roi.
« Mon père manipulait les mots comme des armes. »
« Arrêté à Nantes. Inculpation : détention d’armes de guerre et de munitions. »
« Mon père a commencé sa vie dans un roman d’aventures. »
« Témoin » Présente à la barre des invisibles. L’ubiquité silencieuse et spéculative. Sophie G.Lucas cherche et interpelle les faits, papier calque où son père est la somme des témoignages.
« Il n’y a pas de perdants même magnifiques. »
« Témoin », l’enjeu des rédemptions, crucial, car la vie est ici aussi. Un appel à témoin. Vaste comme les égarements et beau tant le pardon est solennité.
Dans une collection de références La sentinelle, publié par les majeures Éditions La Contre Allée.
"Témoin" c'est un choc, une déflagration, le mélange d'une stupéfaction et d'un remuement de tout l'être.
Témoin, l'auteur l'a été en suivant dans le public les procès au Tribunal de Grande Instance de Nantes en 2013 et 2014.
Témoins, elle nous contraint à prendre conscience que nous le sommes toujours. Violences, faits divers, vies fracturées, pulvérisées, chaotiques, de ceux qui défilent dans le box des prévenus et dont la parole brute nous est transmise par l'intermédiaire du texte de Sophie G. Lucas. En quelques lignes épurées, dépouillées de toute afféterie, elle trace le croquis et le cheminement d'une vie qui aboutit là, face aux juges, comme irrémédiablement. Et ce-faisant, elle nous offre à être témoins d'une société-ogresse, une société-Chronos qui dévore ses enfants à mesure qu'elle les produit.
Se faufilant dans la trame de ces témoignages, l'écriture la conduit sur les traces d'un père insaisissable, à l'existence hermétique dont les murs du tribunal, les discours des prévenus, leurs situations individuelles, réfractent l'écho. Le propos ne cesse alors de se déplacer du social vers le personnel et cette "longue peine" englobe sous une douleur comparable accusés, victimes, familles, témoins...
Avec les mots simples du quotidien, articulés en phrases brèves, souvent orales, le texte de Sophie G. Lucas vient percuter l'âme et le coeur du lecteur, le laissant comme anémié d'un trop plein d'émotions. Oui je sais c'est paradoxal ! Mais je ne trouve pas d'autres mots pour exprimer la force de ce texte, admirablement construit. Comment dire l'émotion brute ? Celle qui vous met les larmes aux yeux, le coeur en chamade et l'esprit en combustion ? "Témoin" c'est tout cela et bien plus qui réclame tout à la fois les cris, les sanglots et le silence.
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